L’attaque de drones lundi à Abou Dhabi, capitale politique des Emirats arabes unis, imputée aux rebelles Houthis depuis le Yémen, fait l’effet d’une bombe au sens propre et figuré. Ça s’est passé en pleine ville, en plein jour dans cette ville d’un million et demi d’habitants. Trois employés étrangers, un Pakistanais et deux Indiens, y ont trouvé la mort.
"Cela risque de constituer un précédent pour les Émirats arabes unis", confirme David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Iris (l’Institut des relations internationales stratégiques). "C’est la première fois que les rebelles Houthis touchent les Emirats avec des attaques ciblées dans des zones sensibles, faisant des morts".
Les drones tirés de Sanaa, à plus de 1500 km de là, ont frappé des zones de stockage de la compagnie pétrolière nationale, ADNOC (Abu Dhabi National Oil Company), entraînant l’explosion de trois camions-citernes. Un incendie s’est déclaré aussi dans une zone de construction à proximité de l’aéroport national.
Les Houthis ne comptent pas s’arrêter là. Dans une déclaration, ils ont enjoint les entreprises étrangères et les citoyens à se tenir éloignés des sites sensibles, sous réserve de nouvelles attaques.
Pourquoi ces attaques maintenant ?
"C’est lié à ce qui se passe sur le terrain", explique David Rigoulet-Roze. "Les Emirats ont cessé leur engagement direct dans ce conflit en 2020, en faisant sortir du Yémen leurs troupes au sol, tout en restant dans la coalition avec un soutien indirect par le biais de formations des troupes loyalistes".
Les Émirats arabes unis sont engagés depuis 2015 dans une coalition internationale sous commandement saoudien qui intervient militairement au Yémen contre les rebelles Houthis. Une résolution du conseil de sécurité de l’ONU appuie cette opération. Soutenus par l’Iran, ces rebelles contrôlent Sanaa, la capitale et la moitié nord du pays. Une sale guerre qui a déjà fait 375.000 victimes directes ou indirectes et 16 millions de déplacés.
"Mais l’an dernier, les Emirats se sont réengagés au sol, dans la bataille de Marib qui était sur le point de tomber dans les mains des Houthis", ajoute le chercheur de l’Iris.
Depuis bientôt un an, les rebelles houthis maintiennent la pression sur la ville stratégique de Marib, située à plus d’une centaine de kilomètres à l’est de Sanaa. Dernier bastion du gouvernement dans le nord du Yémen, qu’ils ont presque totalement encerclé. Pour empêcher que la ville ne tombe, la coalition internationale a renforcé son offensive, au prix de nombreuses pertes et de victimes civiles.
"La brigade des géants, initialement localisée dans le port d’Hodeïda, a été relocalisée dans les environs de Marib et de nouveau encadrée par les Emirats. Elle a connu des succès puisqu’elle vient de libérer la province pétrolière de Shabwa, au sud de Marib ", explique encore David Rigoulet-Roze. "Une défaite manifeste pour les Houthis. Et c’est vraisemblablement ça qui est à l’origine des attaques directes des Emirats, d’autant que celles-ci interviennent après la prise de possession par les Houthis d’un bateau émirati, le 3 janvier dernier".