131 morts. Au soir du 13 novembre 2015, la France vient de connaître le plus grand nombre de victimes sur son sol depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Comme après le choc du 11 septembre aux Etats-Unis, il y a eu un “avant” et un “après”. La vie quotidienne est désormais marquée par les dispositifs de sécurité. Qu’en pensent les Français ?
“Paris sera toujours Paris”. C’est ainsi que nombre de Français ont réagi au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. Six ans plus tard, Paris reste Paris. Mais dans tout le pays, la vie quotidienne a changé. Les uns se disent “toujours sur leurs gardes”, comme Albert, un monsieur âgé de 80 ans. Regardant souvent autour de lui dans la rue et dans les transports en commun, il lâche : “Ma vie a changé, en ce sens que la vigilance est de tous les instants. Dans le métro, surtout, j’y pense très souvent.” Pour lui, les mesures de sécurité prises sur la voie publique depuis 2015 sont rassurantes. D’autres en doutent, comme Hélène, la quarantaine, nostalgique d’une certaine vie d’avant. Elle appelle à ce que les Français “se réveillent” sur une société jugée sécuritaire, où les entreprises ont suivi les dispositifs publics. “Dans les magasins, il y a depuis ces attentats des vigiles à l’entrée, qui demandent de contrôler les sacs. On entrouvre juste le sac, on le referme aussi sec, on rentre dans le magasin… Moi ça ne me rassure en rien ! Mais j’ai franchement l’impression qu’on rentre dans mon intimité. Je me sens fliquée partout.”
Un état d’urgence de deux ans
Dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015, le Conseil des ministres se réunit en urgence et décrète l’état d’urgence. Trois jours plus tard, journée de deuil national, le Président de la République s’adresse à l’ensemble des parlementaires à Versailles. “Dans une période d’exceptionnelle gravité", déclare alors François Hollande, "ma volonté est de mettre toute la puissance de l’Etat au service de la protection de nos concitoyens”. Ce fut chose faite. L’opération Sentinelle, créée quelques mois auparavant après les attentats de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher et de Montrouge, est renforcée. Dès lors, ce sont 10.000 militaires qui patrouillent dans les rues de France chaque jour. L’état d’urgence renforce aussi les compétences de la police administrative pour prévenir les actions de certains individus suspects.
Présent au discours solennel de Versailles, Georges Fenech est à l’époque député (Les Républicains). Sur le terrain, les citoyens “sont en état de choc”, explique-t-il. Ils attendent des réponses fortes : “C’est à ce moment-là que les citoyens ont sacrifié un peu de leur liberté pour plus de sécurité dans un monde devenu dangereux. Il ne s’agit pas de dire que nous avons sacrifié toutes nos libertés ! Mais il s’agit de mieux préserver notre sécurité, de mieux anticiper, de mieux prévenir.” Les Français demandent de la sécurité. Ils demandent aussi de comprendre ce qui s’est passé.
Georges Fenech lance une Commission d’enquête parlementaire chargée de faire toute la lumière sur les événements et de savoir comment l’État peut désormais se préparer à répondre à ces tueries de masse. Car les hommes politiques de l’époque le reconnaissent bien volontiers : “Nous n’étions pas prêts”. “La France n’était pas prête” à faire face aux tueries de masse. Deux réformes structurelles découleront de ce constat : celle du renseignement avec la création d’un “Monsieur” renseignement directement attaché au Président de la république et une réforme du protocole d’intervention des brigades d’élite sur tout le territoire.