Cela fait des décennies que l’intelligence artificielle passionne les scientifiques, mais aussi les cinéastes. Cette fascination a donné naissance à de nombreux films et séries qui s’évertuent à décrypter le mystère de cette technologie. Mais ces créations cinématographiques contribuent à renforcer les inégalités dans un domaine réputé masculin.
Des chercheurs de l’université de Cambridge ont analysé plus de 1400 films sur l’intelligence artificielle sortis entre 1920 et 2020. Ils en ont sélectionné 142 qui étaient, à leurs yeux, les plus marquants dans cette thématique. L’équipe de recherche a constaté que la plupart de ces longs-métrages mettent en scène des ingénieurs, datascientists et autres professionnels du secteur des "sciences, technologies, ingénierie et mathématiques", plus connus sous l’acronyme anglophone STEM. Au total, 116 spécialistes de l’IA apparaissent dans des films tels que I, Robot, Iron Man ou encore Ex Machina.
Mais Stephen Cave et ses collègues ont constaté que la quasi-totalité de ces rôles sont interprétés par des hommes (92%). En effet, ils n’ont pu identifier que neuf professionnelles de l’IA dans leur corpus de films et séries, dont cinq travaillent pour un confrère plus expérimenté ou entretiennent une relation intime avec lui (enfant ou compagne). La preuve avec Frau Greta Farbissina, cette scientifique allemande incarnée par Mindy Sterling dans la trilogie Austin Powers. Le grand public la connaît plus pour sa relation ambiguë avec le diabolique Dr. Evil que pour ses découvertes scientifiques, même si elle a conçu une armée sophistiquée d’androïdes pour arrêter Austin Powers.
Ce manque de parité hommes-femmes dans les créations audiovisuelles sur l’IA renforce l’idée selon laquelle ce champ de recherche est réservé aux "geeks". Un cliché que perpétuent des films comme Iron Man et Ex Machina, en mettant en scène des génies solitaires aux capacités intellectuelles hors du commun.
Mais le concept même de "génie" n’est pas neutre, selon Stephen Cave, directeur du Leverhulme Centre for the Future of Intelligence de l’université de Cambridge et co-auteur de l’étude. "Le génie est une idée fondée sur des notions sexuées et racialisées de l’intelligence, historiquement façonnées par une élite masculine blanche. Certains technologues influents, tels qu’Elon Musk, ont délibérément cultivé des profils de 'génie' explicitement basés sur des personnages de cinéma tels qu’Iron Man", a-t-il expliqué dans un communiqué.