La chute du nombre de faons rend la survie des caribous de cette région "peu probable dans les conditions actuelles" selon les biologistes du ministère québécois des Forêts. Des montagnes rocheuses de l'ouest canadien aux forêts québécoises, le caribou a vu son territoire rogné depuis 150 ans et connaît un déclin ininterrompu que rien ne semble enrayer. Même s'il est depuis 2003 inscrit sur la liste des espèces en voie de disparition et l'un des animaux les plus étudiés d'Amérique du Nord.
La croissance canadienne repose en grande partie sur l'exploitation d'abondantes ressources naturelles (pétrole, bois, minéraux), alors le pays peine à mettre en œuvre des plans de sauvegarde viables, estiment les scientifiques.
Et tous les experts s'alarment car le caribou représente la pointe de l'iceberg : c'est une "espèce parapluie".
"Des dizaines d'espèces, qui ne suscitent pas la même attention, ont aussi besoin de vieilles forêts, un habitat naturel vital pour beaucoup", explique le biologiste Martin-Hugues Saint-Laurent de l'Université du Québec à Rimouski. La forêt boréale canadienne abrite 85 espèces de mammifères, 130 de poissons et 300 d'oiseaux, dont beaucoup d'oiseaux migrateurs.
"La forêt ne se résume pas qu'à des arbres !", lâche le scientifique Louis De Grandpré, qui arpente les sous-bois depuis 30 ans. "On commence à peine à saisir l'ampleur des échanges qui se passent sous nos pieds dans les sols forestiers, où bactéries, champignons et une myriade de micro-organismes sont à l'œuvre."
Les Innus, qui estiment faire partie de l'écosystème forestier au même titre que tous les autres êtres vivants, réclament la création d'une aire protégée. Pour Jean-Luc Kanapé, "finalement, le jour où l'humain va disparaître, la planète sera plus belle, elle va reprendre ses droits".