Les Grenades

Au Conservatoire de Bruxelles, l’accusation d’agression sexuelle portée contre un étudiant provoque des remous

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Par Camille Wernaers pour Les Grenades

La parole continue à se libérer autour des violences sexuelles dans l'enseignement supérieur. L’année passée, le compte #Balancetonfolklore avait notamment relayé de nombreux témoignages de violences sexuelles. D’autres mouvements avaient fait leur apparition qui concernent directement les étudiant·es, comme #BalanceTonBar.

Dans ce contexte, il y a lieu de se demander ce qu’il se passe derrière les murs du Conservatoire de Bruxelles (CBR), école supérieure des Arts de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui compte plus de 650 étudiant·es. En l’occurrence, ce sont les murs de l’établissement qui ont parlé, fin novembre dernier, lorsqu’un collage féministe y a été apposé : "Pourquoi le CBR protège [un] agresseur sexuel ?", exprimant le malaise d’au moins une dizaine de personnes.

S’il n’est resté visible que quelques heures, le collage a fait grand bruit parce qu’un nom y est mentionné ; le même nom a également été cité sur les réseaux sociaux. Plusieurs personnes se sont confiées aux Grenades et affirment que cet étudiant du Conservatoire a été accusé par plusieurs femmes pour des faits qui se seraient passés en dehors de l'établissement. Une fois confronté à ces accusations dans sa classe actuelle, "il a avoué les faits", expliquent les sources.

Selon nos informations, 11 étudiant·es sur les 13 que compte la classe s’estiment désormais "en insécurité ", dont des personnes qui ont elles-mêmes vécu des viols ou des agressions sexuelles et qui ont exprimé leur malaise et leur incapacité à continuer à étudier avec cet étudiant.


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"Traumatique"

Les étudiant·es ont lu un texte lors d’une réunion avec la direction du Conservatoire. Les Grenades ont pu en prendre connaissance. "Ce mardi 5 octobre, un homme de notre classe a donc avoué devant nous toutes et tous être l’auteur de deux agressions sexuelles. […] Quand on dit individuellement que nous sommes "insécurisé·es", ce n’est pas qu’on est insécurisé·es dans le sens : "je ne me sens pas trop bien et j’ai pas envie d’aller en cours". Ce qu’on dit, c’est beaucoup plus grave que ça. [...]", peut-on lire dans ce texte.

"[…] Ce n’est pas acceptable de mettre à nouveau ces personnes dans une situation de danger. Mettre des victimes d’agressions sexuelles face à un agresseur sexuel, c’est extrêmement violent et traumatique. […] Dans ces conditions, il ne s’agit plus de neutralité. C’est une prise de parti. Et c’est le parti des agresseurs. Je ré-insiste à nouveau sur la notion de trauma et de syndrome de stress post-traumatique que nous sommes en train de vivre : l’ensemble des composantes que je viens d’énoncer produit inéluctablement du stress. Et le stress affecte le cerveau et donc l’apprentissage. […] d’un point de vue scientifique, pour avoir la capacité de pouvoir apprendre quelque chose, nous devons être dans un environnement safe et bienveillant. […] Aujourd’hui, nous souhaiterions pouvoir à nouveau suivre nos cours et les suivre sereinement. Et c’est la raison pour laquelle nous sollicitons votre aide aujourd’hui. Quelles solutions pouvez-vous nous proposer pour que nous puissions à nouveau suivre nos cours dans des conditions qui préservent notre santé physique et psychologique ?", y est-il encore écrit.

D’autant plus que la classe concernée est une classe d’agrégation, c’est-à-dire que les étudiant·es apprennent à y donner cours et doivent s’entrainer. "Cela signifie, lors de certains exercices, se toucher", affirme l’une de nos sources.

De son côté, la direction du Conservatoire aurait demandé à plusieurs étudiant·es qui portaient un t-shirt " Violeur partout, justice nulle part " de ne plus le faire au sein de l’établissement. Contactée, la direction n’a pas souhaité répondre à nos questions.

"Révolté par la période dans laquelle nous vivons"

L’étudiant concerné par les accusations portées par les étudiant·es est représenté par l’avocat Fabrice Guttadauria. Il estime que son client a été "roulé dans la boue". "Je suis tout à fait favorable à la libération de la parole de la femme qui se produit en ce moment, la parole des femmes et des enfants a longtemps été négligée", explique-t-il aux Grenades. Il réfute cependant ces accusations et "trouve regrettable que les procès se fassent sur les réseaux sociaux, car c’est ce qu’il s’est passé dans cette affaire".


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"Deux femmes ont accusé mon client d’agression sexuelle sur les réseaux et dans certains forums de discussions. Une seule plainte a été déposée. Mon client n’a jamais reconnu les faits en classe et les conteste. Il a peut-être eu ce qu’on appelle les mains baladeuses. Il appartient désormais au judiciaire et aux personnes compétentes de comprendre ce qu’il s’est passé. Mon client est toujours présumé innocent. Je tiens à dire qu’il n’est ni PPDA, ni Nicolas Hulot. Je suis révolté de la période dans laquelle nous vivons. Les gens se sont monté le bourrichon tous seuls, c’est la psychose générale, et des revendications sont arrivées jusqu’en classe, sans avoir jamais entendu sa version. C’est choquant. Imaginez ce qu’il se passe dans sa tête ? Il ne sait plus de quoi est fait son avenir, il veut seulement étudier. Je vois, dans le cadre de mon travail, de plus en plus de jeunes hommes qui portent cette étiquette d’agresseur à cause de ce qui se dit sur les réseaux sociaux. Une machine est en marche sur laquelle ils n’ont plus aucun contrôle. C’est irréversible et catastrophique. Dans cette affaire, je trouve aussi la réaction de la direction très molle, c’est à eux de faire respecter la discipline dans l’établissement. Ont-ils encore de l’autorité ? Des plaintes pour harcèlement et diffamation ont été déposées, notamment contre le Conservatoire pour cette absence de réaction ferme", poursuit l’avocat.

Aujourd’hui, certaines étudiantes continueraient d’aller au cours avec “la boule au ventre” nous dit-on, d’autres seraient sous certificat médical. L’une de nos sources souligne : "Ces faits ne passe plus avec les mouvements féministes qui ont pris de l’ampleur ces dernières années". Ces même mouvements ont incité différentes universités à réagir lors de cette rentrée académique, en septembre 2021, créant ou élargissant leurs propres actions de lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles en leur sein. Autant de sujets qui se font de plus en plus prégnants.

Pour rappel, selon les chiffres d’Amnesty, près d’un·e Belge sur deux a déjà été exposé·e à au moins une forme de violence sexuelle. Les femmes et les jeunes sont surreprésenté·es parmi les victimes. Un homme sur cinq en Belgique pense que les femmes aiment être forcées et un homme sur deux estime qu’une victime peut être en partie responsable de son agression.

Balance ton folklore : les agressions sexuelles en guindailles - JT

Balance ton folklore : les agressions sexuelles en guindailles

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