Les "boîtes à bébés" existent dans le monde entier depuis des siècles et perdurent aujourd'hui en Allemagne, Belgique, Corée du Sud ou aux Etats-Unis. Elles n'existent cependant plus en France, où elles étaient autrefois appelées "tours d'abandon", et leur retour dans d'autres pays européens depuis le début des années 2000 a été critiqué par l'ONU, qui estime qu'elles vont "à l'encontre du droit de l'enfant que son ou ses parents le connaissent et s'occupent de lui".
L'hôpital Jikei estime toutefois que sa boîte à bébés est un moyen de prévenir la maltraitance d'enfants au Japon, où la police a enregistré 27 abandons d'enfants en 2020 et où 57 enfants sont morts de mauvais traitements en 2019. Certains enfants recueillis sont "le fruit de la prostitution, du viol et de l'inceste", leurs mères n'ont personne d'autre vers qui se tourner. Au total, 161 bébés et jeunes enfants ont été déposés à Jikei depuis 2007, parfois par des personnes venues de l'autre bout du pays.
Mais le système reste mal accepté au Japon, notamment à cause d'une conception traditionnelle de la famille, selon Chiaki Shirai, professeure à l'université de Shizuoka et spécialiste des questions de reproduction et d'adoption. Le pays utilise un système de registre familial répertoriant les naissances, les décès et les mariages d'une famille au fil des générations. Ce pilier de l'appareil administratif façonne également les opinions sur la structure familiale.
Cela a "ancré dans la société japonaise l'idée selon laquelle celui qui a donné naissance à un enfant doit l'élever".
Les enfants sont presque considérés comme "la propriété" des parents, explique Mme Shirai. "Les enfants abandonnés et dont le registre indique qu'ils n'ont pas de famille sont fortement stigmatisés."