Guerre en Ukraine

Au moins 75 missiles russes tirés en Ukraine, une réponse à l’attaque du pont de Crimée ou une volonté de "terroriser la population ukrainienne"?

Sur les 75 missiles russes tirés en Ukraine, 41 ont été abattus par les forces de défense aérienne ukrainienne, selon Volodymyr Zelensky.

© AFP or licensors

Par Laurick Ayoub

Ce lundi matin, des bombardements russes d’une ampleur inégalée depuis des mois ont frappé l’Ukraine. Plusieurs fortes explosions ont été entendues à 8h15 heure locale à Kiev mais aussi dans le reste du pays.

Selon l’armée ukrainienne, 75 missiles ont été tirés par l’armée russe. 41 ont été abattus par la défense aérienne ukrainienne, d’après le commandant en chef ukrainien, Valeriï Zaloujniï. 34 missiles, soit un peu moins de la moitié, ont bien touché le territoire.

La police ukrainienne dresse un bilan provisoire d’au moins 10 morts et 60 blessés.

A Kiev, le centre de la capitale a été visé, dont le parc Shevchenko, le Pont de verre ou encore l’Université, à côté du parc. Les missiles ont surpris certains étudiants s’y rendant pour suivre leurs cours.

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La ville n’avait plus été touchée par des frappes russes depuis le 26 juin dernier.

Les Ukrainiens se réfugient à nouveau dans le métro. Des explosions ont également été entendues à Lviv, Ternopil et Jytomyr, dans l’ouest de l’Ukraine, et à Dnipro et Kremenchuk, dans le centre, à Zaporijjia dans le Sud et à Kharkiv dans l’est du pays.

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Ukraine: vague de bombardements à Kiev (10/10/2022)

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Didier Reynders en sécurité

Depuis dimanche, le commissaire européen à la Justice était en visite de terrain avec le procureur général d’Ukraine. Dès les premières explosions, Didier Reynders s’est abrité au 3e étage du sous-sol de son hôtel. Sa visite sera écourtée.

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Une réponse après l’attaque du pont reliant la Russie à la Crimée ?

Vladimir Poutine a confirmé avoir lancé une campagne "massive" de bombardements de l’Ukraine. Il y a 2 jours, le symbolique pont de Kersch, reliant la Russie à la Crimée a été gravement endommagé après l’explosion attribuée par la Russie à un camion piégé. Vladimir Poutine accuse les services secrets ukrainiens d’être responsables de ces attaques. Il a également promis des répliques "sévères" en cas de nouvelles attaques ukrainiennes contre la Russie.

"Si les tentatives d’attentats terroristes sur notre territoire se poursuivent, les réponses de la Russie seront sévères et leur ampleur correspondra au niveau des menaces posées", a mis en garde Vladimir Poutine en ouverture d’une réunion télévisée du Conseil de sécurité russe. "Personne ne doit avoir le moindre doute", a-t-il averti.

Cette pluie de missiles envoyés sur le territoire ukrainien est-elle dès lors une réponse à la destruction d’une partie du pont de Crimée ?

"On peut raisonnablement le penser", confie d’emblée Samuel Longuet, chercheur au GRIP, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité. " Cela avait déjà été la forme de réaction que les Russes avaient eue après la percée ukrainienne autour de Kharkiv début septembre. La première chose qu’ils avaient faite quand ils ont vu qu’ils perdaient massivement du terrain sur ce front, ça a été de bombarder les installations énergétiques qui entouraient la ville de Kharkiv pour essayer de priver la population d’eau chaude, d’électricité ou de chauffage pour essayer de mettre une forme de pression sur la population de cette manière."

"Donc ce serait cohérent si l’objectif recherché était le même à nouveau pour à la fois répondre à cette attaque contre le pont reliant la Russie à la Crimée et de manière plus générale aux pertes de terrain et aux défaites militaires qui s’enchaînent pour la Russie. La Russie a déjà perdu beaucoup de terrain au nord de Kharkiv, avec notamment la prise de Lyman récemment et serait en train de perdre du terrain sur la presqu’île de Kharson. C’est peut-être plus que simplement une réaction aux bombardements du pont, mais une réaction face à la situation militaire qui est plutôt à l’orange voir au rouge de façon générale pour les Russes.", explique le chercheur.

Le but étant de plonger la population dans le noir et dans le froid

"Vladimir Poutine lui-même a fait le lien avec le pont de Crimée", complète Nicolas Gosset, chercheur à l’Institut Royal de défense. "Mais je pense que pour sortir du discours sur les représailles ça rappelle aussi que l’Ukraine est confrontée à une guerre totale de la part de la Russie. Nous ne sommes pas dans une guerre circonscrite à une partie du pays. L’ensemble du territoire ukrainien fait l’objet de l’offensive du gouvernement russe et c’est un rappel cinglant de cette réalité : la capacité, la volonté et surtout la détermination de Vladimir Poutine à frapper l’ensemble du territoire au moment où il le sent, où il le considère comme opportun".

Ces missiles n’ont pas été envoyés au hasard.

Vladimir Poutine affirme que ce sont des infrastructures énergétiques, militaire et de communication qui étaient dans le viseur russe quand Volodymyr Zelensky insiste davantage sur les infrastructures énergétiques. "De nouveau, cela serait cohérent avec ce qui s’est passé à Kharkiv il y a un mois. Le but étant de plonger la population dans le noir et dans le froid", détaille Samuel Longuet.

"Ce qui est particulièrement frappant cette fois, c’est ce que l’on a des frappes qui visent de manière très claire l’infrastructure civile du pays. ", analyse Nicolas Gosset. "Notamment les circuits d’approvisionnement électrique, en eau ou les circuits de chauffage. C’est là qu’on se rend compte de la logique de représailles. Poutine dit "vous avez ciblé une infrastructure civile de la Fédération de Russie, donc nous, Russes, nous ciblons vos infrastructures civiles dans le même but que d''habitude : terroriser la population ukrainienne".

Sujet de notre 19h30

Peut-on s’attendre à des frappes similaires dans un futur proche ?

A l’issue du Conseil de sécurité organisé ce lundi par la Russie, Dimitri Medvedev, le vice-président du Conseil et ex-président, a parlé d’un "premier épisode" en évoquant les bombardements russes.

Difficile tout de même de se prononcer sur d’éventuelles nouvelles frappes conséquentes. "On n’a pas tellement de visibilité sur le stock de missiles russes à disposition, d’autant qu’ils en gardent -c’est dans leur doctrine- en cas d’affrontement avec l’Otan à l’ouest. Donc ils ne peuvent pas se permettre d’utiliser toutes leurs munitions sur le territoire ukrainien", indique Samuel Longuet.

C’est un moyen de compenser les revers militaires

Des frappes similaires bientôt ? "Incessamment sous peu, je ne peux pas l’affirmer comme ça, précise Nicolas Gosset. Mais nous sommes dans une logique où, du point de vue du Kremlin, cette guerre est amenée à durer aussi longtemps qu’elle est susceptible d’amener aux objectifs. C’est-à-dire la capitulation ukrainienne. Et que Vladimir Poutine est dans une logique de jusqu’au-boutisme, d’escalade à tour prix. Donc ce type d’évènement est appelé, malheureusement, à se reproduire avec d’autant plus de forces que l’armée russe sera en difficulté opérationnelle continue sur le terrain, au sud et à l’est du pays. C’est un moyen de compenser les revers militaires",

 

 

 

Extrait de notre 19h30

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