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Aux Cliniques universitaires Saint-Luc, un centre pilote pour préserver la fertilité masculine en cas de cancer

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Depuis une cinquantaine d'années, la stérilité masculine augmente. De nombreux facteurs peuvent la causer, dont certains traitements contre le cancer. Au service de gynécologie et andrologie des Cliniques universitaires Saint-Luc, des protocoles de préservation de la fertilité des patients ont été mis en place et de nombreuses recherches y sont menées dans le cadre des patients prépubères.

Fertilité et environnement

L'augmentation de la stérilité masculine est une réalité qui ne date pas d'hier, souligne la Pr. Christine Wyns, cheffe du service de gynécologie et andrologie, responsable des recherches et protocoles de préservation de la fertilité des patients oncologiques des Cliniques universitaires Saint-Luc.

Les paramètres du spermogramme - l'analyse d'un échantillon éjaculé, pour observer le nombre, la mobilité et la forme ou morphologie des spermatozoïdes - décroissent au cours des 50 dernières années.

La diminution de la fertilité varie en fonction des régions géographiques, où l'environnement, mais aussi le mode de vie, les habitudes de consommation diffèrent. L'industrialisation, la pollution, l'alimentation riche en graisse, la consommation plus élevée d'alcool ou de tabac sont des facteurs défavorables.

Un sujet qui reste tabou

La stérilité masculine reste encore un grand tabou aujourd'hui, explique Marie Kirsch, psychologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc.

"C'est quelque chose d'assez blessant, pour un homme. Et puis, il y a encore beaucoup de confusion autour de ces termes-là. L'infertilité est facilement confondue avec l'impuissance et donc ça reste des tabous de sexualité. Narcissiquement, c'est difficile d'en parler, c'est difficile de le vivre, c'est difficile de le partager dans le couple aussi. Dans la société, ça reste difficile."

Beaucoup d'hommes en souffrent sans le savoir et le découvrent lorsqu'ils ont un projet de famille. Et c'est un coup de massue, pour le couple aussi.

"L'idéal serait de pouvoir se sentir autorisé, de balayer ses sentiments de honte et de pouvoir poser ses questions, car beaucoup d'hommes restent avec leurs questions sans oser les adresser."

© Getty Images

Les origines de la stérilité

Les causes de la stérilité masculine peuvent être très diverses, soit directement liées au développement des testicules, avant la naissance, ou d'ordre hormonal, dues à une absence d'hormones produites par l'hypophyse, notamment la testostérone. D'autres causes peuvent être acquises au niveau testiculaire, notamment via des infections.

Et enfin, il y a des causes iatrogènes, qui ont été induites, notamment par le corps médical, dans le cas des patients qui ont des cancers et qui vont devoir bénéficier d'une chimiothérapie ou d'une radiothérapie, et qui, de ce fait, vont avoir des troubles de la fertilité à l'âge adulte.

Préserver la fertilité masculine en cas de cancer

La plupart des traitements contre le cancer amènent effectivement un risque de stérilité chez de nombreux patients masculins. Tout dépend de la quantité et du type de drogues chimiothérapiques administrées. Certains agents sont beaucoup plus toxiques que d'autres.

Les Cliniques universitaires Saint-Luc ont décidé de devenir un centre pilote pour préserver la fertilité des adultes mais aussi des prépubères, en oncologie.

Chez le garçon prépubère, la production de spermatozoïdes n'existe pas encore. Le système hormonal ne s'est pas encore mis en route. La seule possibilité est donc de travailler à partir des spermatogonies souches, ces cellules germinales qui donneront lieu aux cellules de la reproduction, c'est-à-dire aux spermatozoïdes, explique la Pr. Christine Wyns.

"Nous menons des recherches pour parvenir un jour à restaurer la fertilité des enfants prépubères qui ont eu un cancer et sont devenus, pour une proportion d'entre eux en tout cas, définitivement stériles, et de pouvoir obtenir des spermatozoïdes pour eux, à partir du tissu qui a été préservé avant les chimiothérapies. On met en banque dans de l'azote liquide et on garde en cryopréservation pendant un temps déterminé, selon ce que le patient souhaite."

3 pistes pour les patients prépubères

3 pistes sont explorées pour utiliser ces cellules préservées, notamment celle qui pourra être appliquée, dans les prochaines années, chez l'humain.

Elle consiste à retransplanter au patient le petit morceau qui a été mis en congélation. Il s'agit donc d'une autogreffe, qui à terme, permettra la production de spermatozoïdes. Le petit morceau greffé va devoir passer toutes les étapes qu'il aurait passées des années auparavant, à l'âge de la puberté.

Dans le cas où des cellules cancéreuses pourraient avoir touché le tissu testiculaire, il faut se tourner alors soit vers la mise en culture, ou reproduction en laboratoire de tout le processus de production des spermatozoïdes. Les recherches ont déjà bien avancé.

"Nous sommes la première équipe au monde à avoir pu passer les étapes de méiose, quand la cellule souche du testicule doit diviser son matériel génétique pour arriver à la quantité de matériel génétique que contient un spermatozoïde."

Soit via une troisième voie qui consiste à isoler les cellules du tissu qui ne sont pas cancéreuses et les repositionner dans un environnement favorable à leur assemblage, obtenu par la création d'un testicule artificiel.

"C'est une approche qui essaie de court-circuiter notre méconnaissance d'un certain nombre de facteurs", précise la Pr. Christine Wyns.

Quelques conseils généraux de prévention

Pour préserver sa fertilité, il est recommandé de ne pas laisser son ordinateur sur les genoux pendant des heures, car si le testicule est en dehors du corps de l'homme, c'est parce que la production de spermatozoïdes est favorisée quand la température est plus basse que la température corporelle. 

Les ondes électromagnétiques sont aussi incriminées. Des études ont montré un impact réel sur les spermatozoïdes, en termes de mobilité notamment. Il vaut donc mieux, pour les garçons, ne pas garder son gsm dans sa poche !

>>> Ecoutez ci-dessus les explications de la Pr. Christine Wyns
et de la psychologue Marie Kirsch

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