Aux Pays-Bas, la crise politique s’aggrave suite à la gestion désastreuse de l’évacuation de Kaboul

La ministre néerlandaise des Affaires étrangères Sigrid Kaag a fini par quitter son poste.

© AFP

Par Antoine Mouteau

Rattrapée par le fiasco de l’évacuation d’Afghanistan, la ministre néerlandaise des Affaires étrangères Sigrid Kaag a fini par quitter son poste suivi quelques heures plus tard par la ministre de la Défense. Ces démissions plongent un peu plus encore les Pays-Bas dans la crise politique, alors que les Néerlandais n’ont officiellement plus de gouvernement depuis janvier dernier.

C’est le visage serré, jeudi 16 septembre devant les députés néerlandais, que Sigrid Kaag annonce sa démission. "Je n’ai pas d’autre choix", a-t-elle déclaré. Il faut dire que la pression était devenue insoutenable : depuis plusieurs jours, le Parlement lui reproche de s’être bouché les oreilles face aux supplications de diplomates néerlandais à Kaboul.

Ces derniers réclamaient depuis des mois la mise en place d’un plan concret d’évacuation d’Afghanistan afin d’anticiper l’avancée des talibans. Sigrid Kaag est également accusée d’avoir ignoré la main tendue en juillet par la France, qui s’était proposé de participer au rapatriement de Néerlandais.

Et surtout : dans la nuit du 14 au 15 août, désavouant La Haye, le personnel néerlandais de l’ambassade avait quitté son poste avant de fuir le pays, laissant derrière lui le personnel afghan. La nouvelle de cette désertion fait l’effet d’une bombe et le gouvernement est contraint de renvoyer sur place une équipe de diplomates, chargés de porter secours aux centaines de Néerlandais et interprètes afghans abandonnés à leur triste sort. Cela ne suffira toutefois pas à exfiltrer tout le monde.

Selon les autorités néerlandaises, environ 500 détenteurs d’un permis de séjour aux Pays-Bas ou de la nationalité néerlandaise se trouvent toujours en Afghanistan.Si dans un premier temps, Sigrid Kaag se défausse en partie sur le personnel de l’ambassade, qui aurait été exhorté à quitter les lieux par des militaires américains, des documents publiés par le journal de Volkskrant tendent à démontrer la responsabilité de la ministre dans ce chaos.

La chute d’une potentielle première Première ministre

Il y a encore quelques mois, la centriste Sigrid Kaag espérait rester gravée à jamais dans l’Histoire des Pays-Bas. Pas en raison de sa gestion catastrophique mais en devenant la première Première ministre du pays.

Le 21 mars dernier, à la surprise générale, elle termine deuxième aux législatives, derrière la droite libérale du Premier ministre Mark Rutte et devant l’extrême droite de Geert Wilders.

Considérée par certains comme la véritable gagnante de ces élections, en raison d’une forte percée imprévue, le cliché de Sigrid Kaag en train de fêter sa victoire, dansant sur une table, fait le tour du pays. Celle qui avait fait campagne sur le thème d’une "gouvernance nouvelle", plus éthique et transparente, se montrait enfin prête à rivaliser avec le Premier ministre Mark Rutte, en poste depuis plus de dix ans.

Seulement voilà, rapidement, le vernis s’effrite. Premier scandale post-électoral : des journalistes néerlandais se rendent compte que la photo de Sigrid Kaag, les bras levés sur sa table, n’a pas pu être prise par la presse puisque cette dernière s’était vue refuser l’accès à la fête du parti.

Plusieurs journaux néerlandais estiment avoir été piégés. Le cliché qu’ils ont repris est en réalité l’œuvre d’un photographe de presse, embauché par l’occasion par l’équipe de communication de Sigrid Kaag. Six mois plus tard, après une série d’autres couacs, des sondages créditent son parti de six sièges de moins, si de nouvelles législatives avaient lieu ce mois-ci.

Pas de gouvernement depuis janvier

Aux Pays-Bas, beaucoup craignent que la chute de Sigrid Kaag ne repousse aux calendes grecques la formation d’un gouvernement. 180 jours après les élections, il n’y a toujours pas de coalition en vue.

Pire encore, de facto, les Néerlandais n’ont plus de gouvernement depuis le 15 janvier, soit 245 jours, en raison d’une grave crise politique antérieure : ladite affaire des allocations ("Toeslagenaffaire").

Pendant des années, l’administration fiscale a accusé à tort de fraude des milliers de parents du pays, avant de mettre fin à leurs allocations et de leur faire rembourser injustement celles déjà perçues, plongeant une grande partie d’entre eux dans de graves situations d’endettement.

Une enquête parlementaire avait révélé la responsabilité et l’inertie, sur ce dossier, du gouvernement du Premier ministre Mark Rutte sur ce dossier. Ce dernier avait dû démissionner, avec l’ensemble de ses ministres.

Malgré les élections qui ont été tenues depuis, les différents partis néerlandais ne parviennent pas à former un nouveau gouvernement. À cause du morcellement du paysage politique et du refus notamment de travailler avec notamment l’extrême droite de PVV de Geert Wilders, les vainqueurs étaient contraints à composer avec de nombreux partis s’ils voulaient parvenir à un gouvernement majoritaire.

Mais début septembre, en raison de désaccords et par peur que la gauche ne pèse trop dans le gouvernement, deux partis de droite dont celui du Premier ministre ont fermé la porte à une coalition avec les socio-démocrates et les écologistes.

De son côté, le parti centriste de Sigrid Kaag refuse de collaborer avec petite formation chrétienne qu’elle juge notamment trop conservatrice mais qui avait mathématiquement permis de former un gouvernement majoritaire en 2017.

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