Politique

Avant Sarah Schlitz, ces autres figures politiques amenées à démissionner de leur poste

Johan Vande Lanotte/Joëlle Milquet/Jean-Claude Marcourt

© Belga/RTBF

Par Théa Jacquet

Alors qu’une motion de défiance devait être votée en séance plénière du Parlement, la secrétaire d’État à l’Égalité des chances, des genres et à la Diversité Sarah Schlitz (Ecolo) a décidé de prendre les devants. Elle a ainsi annoncé sa démission ce 26 avril sur les ondes de La Première.

Pour rappel, l’écologiste a apposé son logo personnel sur des annonces publiques d’associations subsidiées par le secrétariat. Sarah Schlitz a reconnu son erreur et a présenté ses excuses devant la Commission de contrôle des dépenses électorales, qui lui infligera une réprimande.

Mais cela ne suffira pas après que le quotidien la DH a révélé l’existence d’un guide qui précise qu’il faut apposer le logo de la secrétaire d’État pour toucher des subsides dans le cadre de l’appel à projets "Tant qu’il le faudra" et que le guide aurait été validé par la secrétaire d’État fédérale elle-même. Pour la N-VA, sa démission est moins due à cette erreur qu’au fait qu’elle ait "menti à plusieurs reprises. Ça a été démontré au Parlement."

Un cas de figure qui en rappelle tant d’autres. Il faut dire que la Belgique compte parmi ses différents rangs politiques de nombreuses figures qui ont été amenées à démissionner après différentes affaires, polémiques ou encore dissimulations de la vérité. Coup d’œil, non exhaustif, dans le rétroviseur de la politique belge.

Le duo Vande Lanotte-De Clerck et l’affaire Dutroux

Le 23 avril 1998, alors qu’il est venu consulter ses dossiers au palais de justice de Neufchâteau, le pédocriminel Marc Dutroux profite de l’inattention des gendarmes pour s’évader. S’il est finalement rattrapé, la Belgique en restera marquée. D’une part, cette évasion, et les dysfonctionnements qu’elle a soulevés, provoquera la réforme des polices via l’accord Octopus. D’autre part, elle entraînera deux démissions au sein du gouvernement de Jean-Luc Dehaene (CD&V).

Le ministre de l’Intérieur Johan Vande Lanotte (Vooruit, à l’époque sp.a) décide en effet de présenter directement sa démission, estimant n’avoir d’autres choix. "Comme ministre, on doit être le chef d’un système, d’une institution et il faut la défendre. Donc, si l’institution fait des fautes, c’est le chef qui est responsable même s’il n’a pas commis de faute", dira-t-il alors. Dans la foulée, le ministre la Justice Stefaan De Clerck (CD&V, à l’époque CVP) prendra la même décision.

Le premier reprendra par la suite la casquette de ministre, avec pour compétence le Budget et l’Intégration sociale, à la suite des élections de 1999. Il a aujourd’hui quitté la politique. Le deuxième redeviendra, en 2008, ministre de la Justice. Onze ans plus, il a également mis un terme à sa carrière politique.

Louis Tobback et la mort de Semira Adamu

En 1998, escortée par cinq gendarmes, une jeune demandeuse d’asile nigériane, Semira Adamu, est morte étouffée par un coussin lors d’un rapatriement forcé. Notons qu’à l’époque, la technique du coussin permettait, dans certaines conditions, de calmer les demandeurs d’asile déboutés.

La mort de Semira Adamu provoquera une véritable onde de choc, poussant, trois jours plus tard, le ministre de l’Intérieur Louis Tobback (Vooruit, à l’époque sp.a) à suspendre temporairement toutes les procédures d’expulsions forcées déjà programmées. Il remettra sa démission quelques heures après au Premier ministre Jean-Luc Dehaene, car il doit, dira-t-il, "assumer la responsabilité des actes d’un corps dont il a la tutelle". Il continuera à porter l’écharpe maïorale de Louvain.

Par ailleurs, la responsabilité civile de l’État belge est reconnue. Une histoire qui fait aujourd’hui écho à celle de Mawda, cette petite Kurde de deux ans, tuée par balle par un policier lors d’une course-poursuite sur la E42.

Didier Donfut et l’affaire éponyme

En mai 2009, à l’approche des élections régionales un mois plus tard, le socialiste Didier Donfut démissionne de son poste de ministre wallon de l’Action sociale. Et ce, à la suite de la révélation de sa mission d’expert pour laquelle il touchait 13.000 euros par mois de la part de l’ancienne intercommunale gazière du Hainaut (IGH), soit un organe public, en parallèle de ses fonctions de ministre et de bourgmestre de Frameries.

Cinq années d’enquête s’en suivront et couperont net toute possibilité de poursuivre sa carrière politique. Il parviendra toutefois à être élu président du même organisme. Près de dix ans plus tard, la chambre du conseil de Mons décidera d’un non-lieu dans le dossier.

Joëlle Milquet et l’affaire des emplois fictifs

En avril 2016, Joëlle Milquet (Les Engagés, à l’époque cdH) annonçait sa démission. Celle qui était alors ministre de l’Éducation, de la Culture et de l’Enfance de la Fédération Wallonie-Bruxelles avait été inculpée de prise illégale pour une affaire d’emplois fictifs. Deux ans auparavant, le magazine Le Vif révélait que Joëlle Milquet aurait embauché, lorsqu’elle était ministre de l’Intérieur, des collaborateurs dans l’unique but de mener sa campagne électorale de 2014.

Niant les faits, elle s’était alors défendue, stipulant que cette affaire "n’en [était] pas une", étant donné que cinq des huit collaborateurs l’auraient suivie au ministère de l’Éducation. Pour elle, son inculpation était "infondée et précipitée". Toujours est-il que l’ex-ministre a démissionné. Après avoir repris son mandat de députée bruxelloise, elle est aujourd’hui à la tête du comité stratégique du Centre européen d’appui électoral.

Après avoir été portée devant la Cour constitutionnelle à la demande de la défense de Joëlle Milquet, l’affaire a pu reprendre son cours devant la chambre des mises en accusation, après quelques années de latence. En attendant, la date de prescription de ce dossier, fixée à 2024, approche.

Paul Furlan et Publifin

Emporté par l’affaire Publifin, Paul Furlan (PS), alors ministre wallon des Pouvoirs locaux et de l’Énergie est amené lui aussi à remettre sa démission, le 26 janvier 2017. Au cœur de ce scandale : Publifin, une intercommunale basée à Liège. Fin 2016, le magazine Le Vif révèle qu’au sein de cette structure, des mandataires politiques touchent d’importantes sommes d’argent, qu’ils participent ou non aux réunions des organes de l’intercommunale. En bref, des emplois fictifs.

Paul Furlan est pointé du doigt par l’opposition pour ne pas avoir suffisamment contrôlé Publifin, d’autant que son chef de cabinet adjoint, Claude Parmentier, a touché quelques centaines de milliers d’euros, toujours d’après Le Vif. La pression devient telle qu’il n’a d’autres choix que de démissionner.

Jean-Claude Marcourt et l’affaire du greffier

À la mi-septembre 2022, le Bureau du Parlement wallon prend la décision de suspendre le greffier Frédéric Janssens pour une période de six mois. Pour cause, ce dernier est accusé de harcèlement, allant jusqu’à une menace de mort, à l’égard du personnel de l’institution. Il est également question de dépenses importantes pour intérêt personnel et d’opacité de fonctionnement du Parlement.

Cette affaire et les révélations dans le magazine #Investigation sur son voyage luxueux à Dubaï ont finalement poussé le président du Parlement wallon Jean-Claude Marcourt (PS) à démissionner, faisant tomber avec lui l’ensemble des membres du Bureau. Ce qu’il ne fera qu’à la condition que l’ensemble des membres du Bureau fasse de même. Ce sera chose faite.

Eva De Bleeker et les chiffres erronés

Plus récemment, l’ex-secrétaire d’État fédérale au Budget Eva De Bleeker (Open Vld) a démissionné le 18 novembre dernier à la suite d’un imbroglio autour des chiffres des finances pour 2023. Pour rappel, la libérale n’avait pas pris en compte la réforme des accises dans le budget soumis à la Commission européenne. Une "erreur matérielle", d’après les mots du Premier ministre De Croo, correspondant à un décalage entre les deux prévisions de déficit de 1,7 milliard d’euros

De son côté, Eva De Bleeker n’a jamais répondu clairement à la question de savoir si elle avait commis une erreur ou non. "J’ai pris mes décisions en toute conscience et de manière réfléchie", a-t-elle déclaré.

D’autres figures politiques toujours en place

La liste est encore longue. Et alors que certains font un pas de côté, contraints ou non à présenter leur démission, d’autres parviennent à passer entre les mailles du filet.

Corruption, logo, manque de transparence, ou encore le fait de fermer les yeux sur certains faits, les motifs sont aussi nombreux que les figures politiques qui commettent ces fautes et sont pourtant toujours à leur place, sans la moindre réprimande. À croire que certaines polémiques ont plus d’importance, aux yeux des politiques, que d’autres… Et ce, malgré les rappels de la presse.

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