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Avec la démission du Premier ministre Abdallah Hamdok, la transition démocratique du Soudan au point mort

Le Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok a remis sa démission au cours d’une allocution télévisée

© 2022 Anadolu Agency

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Par Pascal Bustamante

Le Premier ministre Abdallah Hamdok, économiste, ancien diplomate international, espoir de la transition démocratique de son pays, après deux ans de bras de fer avec l’armée, a jeté l’éponge. Il a remis sa démission au cours d’une allocution télévisée.

"J’ai tenté de mon mieux d’empêcher le pays de glisser vers la catastrophe, alors qu’aujourd’hui il traverse un tournant dangereux qui menace sa survie […] au vu des conflits entre les composantes civile et militaire de la transition. […] Malgré tout ce qui a été fait pour parvenir à un consensus […] cela ne s’est pas produit."

C’est une étape importante d’un processus de retour à la vie démocratique du Soudan. Un processus mouvementé depuis le départ du président Omar el-Béchir après 30 ans de pouvoir autocratique.

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30 juin 1989 : Omar el-Béchir prend le pouvoir

Le colonel el-Béchir a pris le pouvoir au Soudan après avoir mené les opérations militaires contre l’Armée populaire de libération du Soudan au sud du pays. Il abolit le parlement et les partis politiques. Il concentre entre ses mains les fonctions de chef de l’Etat, Premier ministre, chef des forces armées et ministre de la défense.

Rapidement, le Soudan est soupçonné de soutenir le terrorisme international. Omar el-Béchir instaure la charia sur son territoire et règne sans partage jusqu’en 2019.

En plein exercice de son pouvoir, la justice internationale s’intéresse à ses agissements. En mars 2009, la Cour pénale internationale l’accuse de crimes de guerre, crime contre l’humanité et génocide dans le cadre de la guerre civile du Darfour de 2003.

Il est le premier chef d’État en exercice à faire face à un mandat d’arrêt international. Il est jugé dans son pays. La question de son transfert devant les tribunaux internationaux est toujours posée.

11 avril 2019 : Omar el-Béchir est destitué

Devant une situation économique difficile, la population soudanaise enchaîne les manifestations. L’annonce de sa candidature à un sixième mandat consécutif met le feu aux poudres.

Dès le 1er mars, il cède la présidence due son parti mais le 11 avril, après plusieurs jours de trouble, l’armée le destitue et le met en état d’arrestation.

S’ensuit une période de troubles et de négociations entre militaires et civils. La rue est toujours en ébullition quand un accord est enfin trouvé.

21 août 2019 : accord de gouvernement

Le 21 août, le conseil militaire de transition se transforme en Conseil de Souveraineté. Abdallah Hamdok est nommé Premier ministre. Les troubles traversés par le pays depuis la destitution de l’ancien dictateur Omar el-Béchir ont fait près de 250 victimes.

Le nouveau gouvernement de transition se donne pour mission de mettre un terme à la guerre et de construire une paix durable. Il s’agit de la gestion des crises dues aux rébellions du Darfour, du Nil Bleu et du Kordofan du Sud. Ce nouveau gouvernement de transition est composé de 18 personnes dont 4 femmes, civils et militaires.

Le gouvernement négocie avec les organisations internationales pour obtenir la levée de la suspension du pays de l’Union africaine. Abdallah Hamdok se rend aux Etats-Unis et obtient la première nomination d’un ambassadeur américain depuis 23 ans.

Sur le plan intérieur, la charia est abolie en ce qui concerne les châtiments corporels et, en 2020, l’excision est rendue illégale et pénalisée. En juin 2021, il obtient une annulation partielle de la dette du pays auprès du Fonds monétaire international (FMI).

25 octobre 2021 : nouveau coup d’État militaire

La crise économique poursuit ses effets et les tensions entre civils et militaires au sein du pouvoir perdurent. De nouvelles manifestations opposent les partisans d’une reprise complète du pouvoir par l’armée et soutiens du pouvoir civil.

Le 25 octobre, l’armée arrête le Premier ministre Abdallah Hamdok et le place en résidence surveillée. Elle tente de lui faire signer une déclaration de soutien du nouveau coup d’État mais sans succès.

Tous les membres civils du gouvernement sont arrêtés et emprisonnés. Des manifestations sont réprimées par l’armée. Une répression qui va faire quelque 56 morts supplémentaires.

L’annonce du coup d’état du 25 octobre 2021 jette une nouvelle fois les manifestants dans la rue.
L’annonce du coup d’état du 25 octobre 2021 jette une nouvelle fois les manifestants dans la rue. © 2021 Anadolu Agency

21 novembre 2021 : retour du Premier ministre Hamdok

Un mois après ce nouvel épisode militaire, à la faveur d’un accord entre le général Burhane et le Premier ministre Hamdok, ce dernier réintègre ses fonctions. Mais ce retour sur le devant de la scène le fait passer pour un traître aux yeux d’une partie des manifestants toujours mobilisés.

Le 19 décembre, au cours d’une commémoration de la fin du régime Béchir, il reconnaît "un grand pas en arrière sur le chemin révolutionnaire" et dénonce, une fois de plus, les violences et le blocage politique du pays.

2 janvier 2022 : démission d’Abdallah Hamdok

En jetant l’éponge le 2 janvier 2022, le Premier ministre ouvre une nouvelle période de grande incertitude pour le Soudan. La seule échéance connue est celle de 2023, date annoncée d’élections libres avancées par ceux qui ont mis un terme à la longue période sous la coupe d’Omar el-Béchir.

Le processus de démocratisation du pays est loin d’être en passe de se concrétiser. Il est même bel et bien au point mort.

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