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Avec le coup d'état au Burkina Faso, le Sahel passe un peu plus au main des militaires

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Le doute avait plané mais les choses sont à présent claires. Les militaires burkinabé ont bien pris le pouvoir le 24 janvier. En cause, l'incapacité selon eux du gouvernement du président Kaboré à mettre un terme à l'insurrection jihadiste en cours depuis 2015.

Le conflit a fait plus de 2.000 morts depuis 6 ans et forcé 1,5 million de civils à prendre la fuite et à quitter leurs foyers. Dans la région, ce n'est pas le premier coup d'état dans le passé récent. Plusieurs pays ont vu le pouvoir changer de main à la suite de putschs militaires ou ont connu des tentatives avortées. Un signe, selon Philippe De Leener,  spécialiste de l'Afrique et professeur à l'école de sciences politiques de l'UCLouvain.

Les militaires du Burkina Faso annoncent à la télévision qu'ils ont pris le siège de la RTB et mis fin au pouvoir du président Roch Marc Christian Kaboré.
Les militaires du Burkina Faso annoncent à la télévision qu'ils ont pris le siège de la RTB et mis fin au pouvoir du président Roch Marc Christian Kaboré. © AFP - Capture d'écran de Radio Télévision du Burkina (RTB)

Plusieurs coups d'état

Le Burkina Faso n'est pas le seul pays à avoir fait l'objet d'un coup d'état dans l'histoire récente. Si l'on considère le Sahel, de nombreux pays sont passés, avec ou sans changement de régime, par la case "soulèvement militaire". Ils ont en commun une situation économique préoccupante et une présence de forces djihadistes. Les Occidentaux, France en tête, sont présents depuis près de 9 ans dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. 

Les deux coups d'état du Mali

Des manifestants se rassemblent à Ouagadougou, le 25 janvier 2022, en soutien à l'armée malienne et au président de transition, le colonel Aissimi Goita.
Des manifestants se rassemblent à Ouagadougou, le 25 janvier 2022, en soutien à l'armée malienne et au président de transition, le colonel Aissimi Goita. © AFP - Olympia De Maismont

Le Mali en a connu deux de coups d'état. Le 19 août 2020 et le 24 mai 2021. Le premier fait suite à un processus électoral contesté au cours duquel le président Ibrahim Boubacar Keïta est arrêté par des militaires mutinés. Après sa démission, le Comité national pour le salut du peuple prend le pouvoir et entame la Transition. 

Le 24 mai 2021, la junte qui conduit la Transition connaît un remaniement sur fond de reprise de pouvoir par les armes. Le colonel Assimi Goïta passe de vice-président de la Transition à Président. La communauté internationale condamne ce mouvement comme le précédent. La junte a refusé de rendre le pouvoir aux civils et, selon les Occidentaux, auraient fait appel au groupe de mercenaires Wagner de sinistre réputation. La CEDEAO, la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, impose des sanctions au Mali. Ces dernières aggravent l'approvisionnement alimentaire et la situation économique. . 

Le pays fait toujours face à la menace jihadiste et accueille sur son sol les troupes occidentales en lutte contre le terrorisme. Pas toujours de bonne grâce.

Coups d'états militaires et tentatives

Dans des contextes sensibles, quand les différents pays du Sahel se trouvent confrontés à des situations critiques, économiques, sanitaires ou sécuritaires, le recours à la force fait partie des réponses possibles de la société. 

Tchad

C'est le cas au Tchad. Le 20 avril 2021, l'armée tchadienne et des groupes rebelles s'affrontent dans un contexte de contestation de la réélection du président Idriss Déby qui vient d'obtenir par les urnes un 6ème mandat. Ce dernier se rend sur le front militaire et est mortellement blessé. Un conseil militaire de transition se met immédiatement en place pour éviter la vacance du pouvoir. Il est dirigé par le fils du président défunt, le général Mahamat Déby Itno. Celui-ci annonce l'ouverture d'une période de transition de 18 mois  à l'issue de laquelle des élections doivent prendre place. 

Guinée

Le 5 septembre 2021, les forces spéciales renversent le gouvernement d'Alpha Condé. Ce dernier était arrivé au pouvoir par les urnes en 2010. La situation économique n'a cessé de se détériorer sous son autorité. En 2018, 55% des Guinéens vivent sous le seuil de pauvreté. C'est Mamadi Doumbouya, le commandant des forces spéciales, qui prend le pouvoir après la capture d'Alpha Condé. Il prend pour titre Président de la Transition.

Niger

Au Niger, le chef de l'état, Mohamed Bazoum, arrive au pouvoir au terme d'un second tour électoral, le 21 février 2021. 55,7 % des suffrages. Mais à quelques jours de son investiture, le 30 mars 2021, intervient une tentative de coup d'état. Il est dirigé par Sani Saley Gourouza mais c'est un échec. Les putschistes sont défaits et leur chef est toujours en fuite. 

Nigéria

Le Nigéria connaît une succession de gouvernements démocratiquement élus depuis 1999. Mais depuis 2009, il doit faire face à une insurrection armée du groupe salafiste Boko Haram. Celui-ci procède régulièrement à des enlèvements massifs. Entre 2011 et 2018, le bilan humain de ce violent conflit est estimé à 37 530 morts. Entre 2009 et 2020, deux millions de personnes ont été déplacées en raison de la violence. S'il n'y a pas eu de coup d'état récent dans le pays, la situation reste instable et le Nigéria, doit, comme ses voisins, faire face au jihadisme.

L'armée soutenue par la rue

Selon Philippe De Leener,  spécialiste de l'Afrique et professeur à l'école de sciences politiques de l'UCLouvain, les coups d'états récents sont portés, soutenus par les populations. En réaction à la gestion du pays tant économique que sécuritaire:

"À la limite, l'armée rend service à la nation. Elle permet de rendre visible et audible, ce que finalement beaucoup de gens vivent au quotidien. Donc, on n'est pas dans le cadre d'un régime narcotrafiquants, de crapules qui viennent sous couvert de militaires, prendre le pouvoir. On n'est pas du tout là-dedans. En tout cas au Mali, au Burkina Faso ou en Guinée. C'est un groupe d'acteurs qui sont préoccupés par la stabilité et l'avenir de leur pays, et ils sont poussés en cela par une une population qui est très jeune".

A la racine, une absence de perspective

Quant au succès du jihadisme dans ces contrées, l'africaniste y voit une logique. Ce n'est pas un phénomène qui surgit sans raison:

"Il faut voir le jihadisme comme un symptôme. S'il est si propice, ce n'est pas par hasard. Il y a des logiques à cela. Ce n’est pas tombé du ciel, ce n'est pas un ouragan, ce n'est pas un événement climatique incontrôlable. Le grand problème c'est quoi ? C'est qu'on a une population très jeune. Avec beaucoup de personnes qui arrivent à l'âge de 15 à 20 ans et qui n'ont absolument rien devant eux. Ils n'ont même pas de ressources pour travailler la terre, parce que dans les régions rurales, le foncier est souvent saturé. Donc, c'est une population qui qui n'a pas d'avenir. C’est une population jeune et ces jeunes-, ils tournent en rond. Ils sont à la recherche de ressources, de toutes les façons. A la recherche de l'or pour les uns, par les milices privées ou le djihadisme pour les autres". 

Burkina Faso: coup d'Etat d'Etat militaire (sujet JT 25/01/2022)

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