Aujourd’hui, Bai Kamara Jr. publie Salone, son sixième album solo. Pour concevoir le précédent, j’avais collaboré avec douze personnes. D’un point de vue pratique, c’est tout… sauf pratique. Ne serait-ce que pour organiser une session, c’était la guerre ! Pour s’épargner des points de vie et gagner du temps, le chanteur penche cette fois pour une autre option. J’ai tout enregistré moi-même, explique-t-il. Toutefois, la pochette du nouveau Salone renseigne l’existence d’un groupe. Les Voodoo Sniffers ? Je les ai imaginés en prévision des concerts. Parce qu’en solo, je suis incapable de reproduire les morceaux sur scène.
Derrière ce vrai faux groupe, Bai Kamara Jr. retrace un récit personnel : Il y a trois ans, ma mère est décédée. Ses obsèques avaient lieu en Afrique. Là-bas, j’ai retrouvé ma sœur dans tous ses états : elle était en train de gérer les questions de succession. Dans ce contexte, elle devait composer avec les croyances traditionnelles… Ainsi, quand quelqu’un meurt en Sierra Leone, la famille convoque un chasseur d’esprits dans la maison du défunt. Ma sœur avait donc fait appel à un Voodoo Sniffer. En gros, il s’agit d’un mec qui renifle les baraques pour dénicher les mauvais esprits. Pour le moins farfelu, l’épisode ne laisse pas le chanteur indifférent. Les Voodoo Sniffers se situent entre le folklore spirituel et la sorcellerie. Je trouvais ce nom parfait pour un groupe de blues. Souvent considéré comme le réceptacle d’une profonde tristesse, le blues exprime ici d’autres émotions. C’est un genre qui se prête volontiers à l’humour, affirme le musicien. Pour passer au-dessus des coups durs, les bluesmen tournaient les choses en dérision. Car il vaut mieux rire d’une situation désespérée que de la subir. En quinze chansons, l’album de Bai Kamara Jr. tisse des liens imaginaires entre la musique d’Ali Farka Touré et celle de John Lee Hooker. À quelques encablures de Michael Kiwanuka, le style du Bruxellois évoque également les exploits de Keziah Jones. J’ai toujours été attiré par le blues. Mais je pense qu’il est impossible de le réinventer. Au mieux, on peut le rafraîchir… Pour y parvenir, l’artiste va jouer de ses paradoxes. Je suis autant Européen qu’Africain. J’ai puisé mon inspiration au cœur de ces deux cultures. Pour les percussions, par exemple, j’ai travaillé sur des objets ramenés d’Afrique de l’Ouest et, dans certains cas, du Sierra Leone.