#Balancetonbar : le secteur de la nuit a fait son examen de conscience

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Par Kamel Azzouz

Caisse de résonance de nombreuses victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles, le mouvement #balancetonbar a provoqué une véritable prise de conscience des acteurs du monde de la nuit. Le secteur a depuis travaillé autant avec des associations que les autorités publiques afin de mettre en place un arsenal de mesures. Un important changement des mentalités s’opère dans ce milieu et plus largement dans la société.

Éveil de conscience du monde la nuit

Drogue dans les verres ou piqûres durant une soirée, dans un bar, en discothèque ou lors d’un festival… De nombreuses victimes d’agressions et de harcèlement sexuel sont sorties du silence pour dénoncer leurs agresseurs, et cette réalité qui touche bien plus globalement notre société. Le mouvement #balancetonbar, qui a secoué le monde de la nuit, revendique un plan d’actions et une prise de conscience de la part du secteur et des autorités politiques. Depuis, de nombreuses réunions ont été organisées par la Fédération "Brussels by night" main dans la main avec le Conseil de la nuit, le milieu associatif, des communes, la Région, la police, etc.

Tristan Pierson, gérant de l’établissement de nuit " Jalousie "
Tristan Pierson, gérant de l’établissement de nuit " Jalousie " © RTBF

J’ai à présent une meilleure vision du problème

Ce qui est sûr, c’est que le secteur œuvre pour lutter contre ces agressions. Des gérants de bars et de discothèques ont déjà mis en place des mesures concrètes au sein de leur établissement. C’est le cas de Tristan Pierson, le gérant de la discothèque Jalousie, qui se situe dans le centre de Bruxelles. Alors que l’établissement n’est pas visé par des plaintes, Tristan Pierson convient que le mouvement #balancetonbar a permis au secteur de la nuit de se rendre compte qu’il faut s’attaquer au problème d’urgence : "Pour être honnête, c’est une expérience qui m’a ouvert les yeux. Parce que je n’étais pas aussi conscient que j’aurais dû l’être. Donc, je suis content d’avoir à présent une sensibilité un peu plus grande depuis la plupart de ces événements. Une compréhension un peu meilleure de ce que c’est d’être dans une position où on vit une expérience qui peut être traumatisante. J’ai à présent une meilleure vision du problème. On a vraiment appris certaines choses et on a changé certaines choses aussi."

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Cela fait évoluer dans le bon sens la manière de pratiquer notre métier afin d’offrir un maximum de sécurité

Tristan Pierson a mis en place avec les membres de l’équipe toute une série de mesures :

  • Des protections de verres à la disposition des clients,
  • Une meilleure orientation stratégique des caméras,
  • Une affiche dans les toilettes avec un mot code d’alarme (Angela) que la personne en détresse prononce pour alerter un membre du personnel,
  • Une pièce sécurisée pour sa prise en charge,
  • Des membres du personnel "en civil" se baladent dans l’établissement pour repérer des comportements suspects ou avérés,
  • etc.

Averti du fait que les choses doivent changer, Tristan Pierson souligne qu’il y a toujours des progrès à faire malgré les efforts fournis : "Ce sont des mesures qui ont été mises en place un peu progressivement. Pour être franc, ce n’est pas un domaine dans lequel nous sommes des experts à la base. Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre. Nous allons aux formations lorsqu’il y en a. Tout cela fait évoluer dans le bon sens la manière de pratiquer notre métier afin d’offrir un maximum de sécurité à notre clientèle."

Céline Bouw, responsable des ressources humaines du " El Café "
Céline Bouw, responsable des ressources humaines du " El Café " © RTBF

On veut vraiment réaffirmer notre soutien et notre solidarité envers les victimes

C’est dans un quartier d’Ixelles que le mouvement #balancetonbar s’est mis en marche pour faire le tour du monde. Parmi les multiples bars pointés du doigt en Belgique, il y a El Café. C’est la première fois que les responsables du bar ouvrent leurs portes à une équipe de télévision. La semaine dernière, la justice a condamné un ancien sorteur à 50 mois de prison pour viol.

"On veut vraiment réaffirmer notre soutien et notre solidarité envers les victimes, souligne Céline Bouw, responsable des ressources humaines du El Café, que ce soit dans les bars, les festivals, ou dans le milieu de la nuit en général. Et rappeler aussi que, en Belgique, il y a un cadre légal, à savoir que dans le monde de la nuit on doit faire appel à des sociétés externes pour la sécurité. Ce que nous voulons vraiment, c’est continuer de développer et d’améliorer les mesures qu’on a mises en place."

Durant la soirée, une hôtesse se présente à la clientèle comme personne de référence en cas de problème.
Durant la soirée, une hôtesse se présente à la clientèle comme personne de référence en cas de problème. © RTBF

Après avoir pleinement collaboré avec la police, les gérants de ce bar ont progressivement constitué et investi dans une armada de solutions pour améliorer la sécurité des client(e) s :

  • Des protections de verre et des tests antidrogue mis à la disposition de la clientèle en cas de besoin.
  • Réorientation des caméras de surveillance
  • Une caméra dirigée exclusivement sur le bar dont les images sont diffusées en direct sur un écran dans la salle, donc visibles de tous.
  • Un mot code et une procédure de prise en charge de la victime.
  • Etc.

Une personne de référence pour la clientèle

Beaucoup d’autres décisions ont été prises, le but escompté étant d’instaurer un climat de sécurité en soirée. Céline Bouw insiste sur le fait que le plan de prévention est régulièrement amélioré : "Nous avons également une hôtesse qui se présente en tant que personne de référence et qui accueille les clients. Comme ça, en cas de souci, ils savent directement vers qui se diriger. Nous avons sensibilisé tout le personnel. Vraiment, l’idée c’est de créer un endroit dans lequel on peut venir de manière sécurisée."

En cas de problème, la personne de référence ou un employé de l’établissement isolera directement la personne en détresse et, l’accompagnera dans une pièce prévue à cet effet pour l’écouter et contacter ses proches ainsi que les services de secours.

Ludivine de Magnanville, présidente de la Fédération Horeca Bruxelles
Ludivine de Magnanville, présidente de la Fédération Horeca Bruxelles © RTBF

La façon dont ça a été mis en lumière a vraiment fait un électrochoc

Le mouvement #balancetonbar a été un véritable tsunami tant au niveau du secteur de la nuit qu’au niveau politique. Ludivine de Magnanville, présidente de la Fédération Horeca Bruxelles, participe depuis des mois aux multiples réunions qui ont pour objectif d’apporter des solutions concrètes et pérennes. Elle nous fait part de cette prise de conscience collective : "C’est quelque chose qui existe depuis très longtemps. La façon dont ça a été mis en lumière a vraiment fait un électrochoc. Je ne pourrais pas dire que c’est négatif. Au contraire, c’est positif par rapport à cette problématique. Nous, en tant que secteur, on se doit d’avancer et, de prouver que finalement c’est dans un bar que cela peut arriver. Mais c’est également le cas ailleurs dans la société. Il faut vraiment mettre le doigt sur tout. J’ai toujours dit : 'Oui ! #balancetonbar'. Ce qui est important, c’est 'balance ton violeur !'. Il y a effectivement cette volonté de changer les choses. Maintenant on doit avancer. Il faut changer les mentalités et ça prend aussi du temps."

Sensibilisation, charte et formation

Du monde de la nuit, du politique, associatif, etc., différents acteurs élaborent ensemble des chartes et des plans d’action à court et à long terme. "Il y a tout ce qui est campagne de sensibilisation, énumère Ludivine de Magnanville, présidente de la Fédération Horeca Bruxelles. On a mis des affiches partout. Maintenant il y a le budget alloué par la Région, pour les formations du personnel, des gérants… Ensuite, on est en train d’établir des chartes, comme à Ixelles, à la suite du diagnostic qu’ils ont posé. On doit toucher tout le monde au niveau de la prévention."

C’est de ce microcosme nocturne que la lutte contre les agressions sexuelles s’est amplifiée. Depuis, un véritable changement des mentalités s’opère dans le secteur comme dans la société en général. Un travail de longue haleine pour réduire autant que possible le nombre de victimes, quel que soit leur genre.

El Cafè mesures bars et discothèques

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