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Baromètre dans le secteur musical : "On a eu l’impression d’être dans un dialogue de sourds"

© Hendrik B

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Par Guillaume Scheunders

Il était attendu depuis un long moment, le baromètre prend enfin son application à partir de ce vendredi. Bonne ou mauvaise nouvelle pour le secteur musical ? On a posé la question à David Dehard, coordinateur de l’ASBL Court-Circuit.

Il est arrivé en grande pompe comme une solution miracle à la régulation du secteur culturel, fortement touché par les conditions sanitaires : le baromètre va entrer en application ce vendredi, nous plaçant directement en "code rouge". Pour une partie du secteur culturel comme les théâtres ou les cinémas, l’impact est limité car les événements assis et masqués à l’intérieur restent autorisés, en respectant toutefois un maximum de 200 personnes ou 70% de la capacité pour les plus grandes salles. Ce chiffre peut grimper à 100% si la qualité de l’air est suffisante, soit en dessous de 900 particules par million (NDLR : l’unité de mesure de CO2 dans l’air). Par contre, pour les salles de concert, les mesures semblent tout simplement intenables, malgré les revendications énoncées par le milieu lors de plusieurs réunions avec le cabinet de Frank Vandenbroucke. "On a eu l’impression d’être dans un dialogue de sourds. On a d’abord eu des réunions d’information où l’on a cru qu’il y allait avoir une adaptation des propositions. Puis après on s’est rendu compte que c’était toujours le même baromètre qui revenait avec très très peu de modifications", déplore David Dehard.

Des restrictions intenables

Imposer une norme à 900 ppm est presque intenable dans une salle de concert. Lors d’un concert d’Angèle au Sportpaleis, le taux atteint 2200 ppm, dans une classe d’école, 1300 ppm et des tests ont été effectués pour démontrer qu’à l’intérieur du local où se tient le comité de concertation, où masques et distances de sécurité sont de mise, on recensait plus de 1000 ppm. Des chiffres qui provoquent l’incompréhension pour David Dehard, alors que cette norme de ventilation n’est de mise dans aucun autre pays européen. "Il faut nous lâcher avec ça, ça ne leur a pas servi de leçon. Ils ont fait l’expérience, ils ont vu que ce n’était pas tenable même avec les distanciations et les masques." Il existe uniquement deux solutions à ce problème : ouvrir des fenêtres ou investir dans des machines d’aération bruyantes, onéreuses et énergivores, soit un gouffre financier pour les petites salles qui gagnent déjà moins d’argent avec la pandémie.

Un risque surévalué ?

David Dehard pointe également du doigt la question des limites des codes couleur. Alors que la demande du secteur était de ne pas imposer de restrictions avant 500 personnes aux soins intensifs, cette dernière n’a pas été entendue. "On veut nous imposer des contraintes à partir de 300 personnes aux soins intensifs, donc avec restriction de jauge, masques, distanciation, etc. Mais si on suit cette règle, ça veut dire qu’on est 11 mois sur 12 dans ce type de contraintes et on ne peut plus reprendre les concerts normalement."

De plus, la fermeture des salles de concerts entraîne une perte de billetterie et donc des demandes de compensation, ce qui coûte beaucoup à l’état. "Si on pouvait retrouver les concerts et revendre des tickets, on arrêterait de demander ces aides et l’économie fonctionnerait à nouveau normalement. Ils ne se rendent pas compte que ça leur coûterait moins cher de nous laisser rouvrir une bonne fois pour toutes." Des propos qu’il nuance tout de même : "Évidemment, cela en sachant qu’Omicron est moins dangereux, on n’aurait jamais pu dire ça avec l’apparition du Delta."

Un dénigrement des professionnels

Le problème lorsque les salles de concert doivent fermer leur porte car ils ne peuvent pas recevoir un public dans de bonnes conditions, c’est que ce même public trouve une offre différente via des réseaux parallèles, dans des soirées privées notamment qui sont exemptées de protocoles. "On a réussi à exhumer des lieux underground pour en faire des lieux professionnels, avec du bon matériel, pour que des gens aient un confort d’écoute, pour permettre à des artistes de vivre. Maintenant, il y a un réseau underground qui se développe avec des artistes qui vont se faire payer au chapeau et on recommence le même schéma que dans les années 90 où lorsqu’on devait faire des concerts, ça devait être en dehors de toute norme, de toute régulation parce que ce n’était pas possible de faire les choses bien. C’est là qu’est le non-sens. La culture encadrée professionnelle est à l’arrêt et la culture amateure prolifère", regrette le coordinateur de Court-Circuit, "Le politique ne pense pas à ça et à force d’avoir dénigré les professionnels de la culture et leur capacité à organiser des événements en toute sécurité, je pense que soit ceux qui en ont vraiment envie vont dans des événements sans sécurité et s’en fichent. Et ceux qui veulent un environnement très sûr vont avoir du mal à revenir."

De là à refaire un tour devant le Conseil d’État comme en décembre dernier ? "Le problème, c’est qu’à force de ne pas être entendus et de devoir tout le temps répéter la même chose, on en arrive à susciter des actions de désobéissance."

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