Football

Barrages pour le Mondial 2022 : Écosse-Ukraine, des armes aux larmes, de l'enfer au Qatar ?

Oleksandr Zinchenko, les larmes avant la lutte en barrage

© AFP or licensors

C'est l'histoire d'un "ramassage" en bus un peu particulier. Un bus qui a parcouru un pays en guerre pour récupérer des joueurs de football internationaux. Ces footballeurs, ils sont Ukrainiens et évoluaient en club au Dynamo Kiev par exemple ou encore au Shaktar Donetsk. La compétition ukrainienne devait reprendre fin février après la trêve hivernale trois jours après l'invasion du pays par la Russie. Les maillots du Dynamo et du Shakhtar sont restés inutilisés, les équipes ont fui, alors que des terrains comme ceux de Marioupol ont tout simplement fini dévastés. Mais au milieu du désespoir et de la désolation, les footballeurs ukrainiens restés au pays avaient un rêve, en plus de celui de voir la guerre s'arrêter. Un rêve de Coupe du Monde, un rêve de Qatar. Alors pour rassembler tout le monde, ce fameux bus a roulé près de 40 heures pour ensuite amener les internationaux en Slovénie, où l'équipe nationale a préparé ses matches de barrage pour la Coupe du Monde avant de prendre la direction de l’Écosse. Première mission, ce mercredi soir : battre les Écossais et se qualifier pour la finale du dernier barrage européen, face au Pays de Galles.

Il n'y a évidemment pas que des footballeurs évoluant dans des clubs ukrainiens au sein de la "Zbirna" (le surnom de la sélection ukrainienne). On peut citer l'ancien Gantois Roman Yaremchuk (Benfica), Andriy Yarmolenko (West Ham) ou encore Olexandr Zinchenko notamment, qui portent eux aussi très haut les couleurs de leur pays et ont rejoint leurs équipiers pour préparer les barrages. Tout frais champion d'Angleterre avec Manchester City, Zinchenko n'a jamais hésité à sortir son drapeau sur les terrains anglais depuis le début du conflit, ni à laisser éclater ses émotions plus que vives devant les supporters et les caméras. A Glasgow, lors de la conférence de presse d'avant-match, le milieu de terrain a fondu en larmes, en tentant d'expliquer que "l'équipe d'Ukraine rêve d'aller à la Coupe du monde. Elle veut donner des émotions incroyables aux Ukrainiens parce qu'ils le méritent en ce moment".

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Les joueurs n'ignorent évidemment pas la situation en Ukraine. Ils ont de la famille encore au pays et même des proches engagés au combat. Pour eux comme pour beaucoup d'Ukrainiens et d'Ukrainiennes, ce match est... plus qu'un match. "C'est le match le plus important de notre histoire", assure à l'AFP Iryna Koziupa, journaliste pour le site sportif tribuna.com, qui couvre l'équipe nationale. "Il ne s'agit même plus de football mais d'espoir pour tous les gens en Ukraine. Ce sera un signe que la guerre ne nous brise pas", ajoute-t-elle, expliquant qu'elle va couvrir le match depuis chez elle, devant son laptop.

"Seul un petit groupe de journalistes a suivi l'équipe en Slovénie, puis en Écosse", explique à l'AFP l'habituel interprète de la sélection, Andriy Bidnyk, mais qui "ne travaille pas pour les journalistes, cette fois". Il est resté chez lui, à Dnipro, ville "encore sûre actuellement, heureusement", précise-t-il. "Ce match contre l'Écosse offre un peu d'air frais, au moins pour un moment", note Andriy Bidnyk. "C'est une chance de gagner une autre bataille, pacifique, celle-là".

"Nous avons l'habitude de nous réunir dans des bars ou chez les amis pour voir ces matches", poursuit-il, "mais cette fois, avec le couvre-feu, la majorité des Ukrainiens le regardera de chez eux, ou de leur nouveau chez eux pour ceux qui ont dû fuir leur maison..."

Fierté nationale pour l'Ukraine

A Glasgow, à 3000 kilomètres de Kiev, les joueurs devront se créer une autre bulle, malgré l'ombre envahissante de la guerre qui planera sur un match ressemblant furieusement au match d'une vie. L'entraîneur Oleksandr Petrakov a interdit l'usage des téléphones portables pendant les entraînements. Il sait que les pensées de ses joueurs pourraient être emportées très rapidement... Lui-même a essayé de s'enrôler pour défendre son pays au début du conflit. En plus de son âge (64 ans), sa demande a été refusée parce que les autorités ont estimé qu'il serait plus utile dans son rôle de sélectionneur, avec pour but cette qualification de l'Ukraine pour la Coupe du Monde.

Les joueurs, eux, sont en âge de prendre les armes. Les Ukrainiens de 18 à 60 ans sont concernés et sont enrôlés au pays, mais les sportifs de haut niveau ont pu bénéficier de certaines exceptions et ont ainsi pu montrer leurs couleurs à l'étranger lors des dernières semaines. Les clubs ukrainiens et l'équipe nationale ont ainsi disputé plusieurs matches de bienfaisance dans plusieurs pays. De quoi aussi conserver un peu le rythme...

La fierté nationale et le patriotisme suffiront-ils à porter la Zbirna vers le Qatar ? Si l'Ukraine gagne ce mercredi, il restera encore une rencontre à remporter, dimanche face au Pays de Galles, pour valider la participation à la Coupe du Monde et rejoindre le groupe B déjà tiré au sort, avec l'Angleterre, les Etats-Unis et l'Iran.

Les Écossais rêvent aussi

Dans ce contexte si particulier, l'Écosse n'a pas le beau rôle, pour tout ce que représenterait une victoire de l'Ukraine, symboliquement. "Nous leur avons donné tout le temps dont ils avaient besoin" a expliqué le capitaine écossais Andy Robertson à la BBC. Le match aurait en effet dû se disputer en mars, mais avait été reporté suite à la situation en Ukraine. "Nous les avons aidés autant que nous le pouvions, mais mercredi soir, nous devons être prêts à nous battre pour nos rêves".

Une qualification finale de l'Ukraine serait une belle histoire, mais "le symbole c'est la solidarité dont nous avons fait preuve", a expliqué à l'AFP le président de l'UEFA, Aleksander Ceferin. "Mais sur le terrain, chaque équipe doit jouer. Je suis sûr que l'Écosse jouera comme si de rien était, ce qui est la bonne chose à faire".

Le dernier match officiel de l'équipe nationale remonte à plus de 6 mois. A la mi-novembre, l'esprit encore léger, l'Ukraine était allée gagner 0-2 en Bosnie-Herzégovine, en qualification pour la Coupe du Monde. Après le bus, voilà le train du Qatar et de l'Histoire qui repasse une première fois ce soir.

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