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Bart De Wever a raison, la Wallonie a bien l’un des plus mauvais taux d’emploi d’Europe

Le président de la N-VA Bart De Wever.

© BELGA

La N-VA tenait ce samedi ses vœux de début d’année 2023. Pendant son discours, le président de la N-VA Bart De Wever a pointé les Francophones et notamment les Wallons en affirmant que "la Wallonie possède l’un des taux d’emploi les plus bas du monde occidental". Selon les chiffres les plus récents disponibles sur Eurostat, c’est exact : la Wallonie a le dixième plus mauvais taux sur les 84 régions recensées par l’institut.

"Want Wallonië tekent zowat de laagste werkzaamheidsgraad op van de hele Westerse wereld", déclarait ce dimanche Bart De Wever devant les militants de la N-VA réunis à Malines pour les vœux du parti nationaliste flamand ("La Wallonie possède l’un des plus faibles taux d’emploi du monde occidental", en français). Cette phrase fut diffusée ce dimanche dans nos journaux télévisés, mais aussi au JT de la VRT.

Nous avons demandé à la N-VA quelles étaient les sources menant à cette déclaration. La porte-parole du parti nous indique que la N-VA a utilisé les chiffres de Statbel pour établir des comparaisons entre les trois régions du pays. Ensuite, le parti a comparé le taux d’emploi de la Wallonie aux taux d’emploi des autres pays d’Europe. Nous le verrons ci-dessous, cette méthode est contestable.

Le taux d’emploi étant la proportion des personnes âgées de 20 à 64 ans qui travaillent. Le chiffre obtenu est exprimé en pourcentage.

Selon les derniers chiffres disponibles mesurés au troisième trimestre de 2022, 72,1% des Belges âgés de 20 à 64 ans sont au travail en Belgique. Le chiffre est en augmentation par rapport au deuxième trimestre de 2022 ou au troisième trimestre de 2021 (71,4%). Les taux diffèrent d’une région à l’autre :

  • 76,8% en Région flamande
  • 65,9% en Région wallonne
  • 65,8% en Région Bruxelles-Capitale*

Pour vérifier l’affirmation de Bart De Wever, il faut comparer le taux d’emploi de la Région wallonne avec celui d’autres régions d’Europe, et non avec celui d’autres pays comme l’a fait le parti nationaliste. Le site Eurostat recense les taux d’emploi des 20-64 ans dans 123 régions d’Europe et nous permet la comparaison.

*Comparer le taux d’emploi de la région bruxelloise à celle des deux autres régions est discutable méthodologiquement. Voir ci-dessous.

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Parmi les 123 régions d’Europe, seules 84 ont des chiffres à jours en 2021. Sur cette base, la comparaison nous apprend que :

  • Les régions au taux d’emploi les plus faibles sont le Sud et les îles d’Italie avec des taux d’emploi 48,9% et 47,7%.
  • La Région bruxelloise était en 2021 la 8e région la plus mauvaise d’Europe avec un taux d’emploi de 62,2%. Ce taux, nous l'avons vu plus haut, est monté à 65,8% en 2022. Mais dans le classement, cette progression ne lui ferait gagner que quelques places, tout au plus.
  • La Région wallonne était la 10e région la plus faible d’Europe avec un taux d’emploi de 65,2%, en 2021. Ce taux a à peine progressé en 2022, montant à 65,9% selon Statbel.
  • La moyenne globale de l’Union européenne dans son ensemble en 2021 est à 73,1%.
  • La Flandre a le 40e meilleur taux d’emploi sur 84, avec le taux de 75,3% mesuré en 2021, et qui est monté à 76,8% en 2022.
  • Les meilleurs taux d’Europe sont les régions de Hongrie centrale et des Pays-Bas du Sud avec respectivement 82,7% et 82,6% d’actifs au travail.

La Région wallonne est donc la 10e région d’Europe sur 84 avec le plus faible taux d’emploi.

À l'échelle du "monde occidental" dont parlait Bart De Wever, il est très difficile d'objectiver une comparaison. D'une part, parce qu'il n'existe pas de définition du monde occidental ou de liste de pays en faisant partie. Ensuite, parce que même si nous voulions prendre les pays membres de l'OCDE comme référence, cet organisme ne compile pas de statistiques de l'emploi à l'échelle des régions de ces pays. 

Des taux d’emploi en hausse ou en baisse ?

Ces trois taux d’emplois sont en hausse depuis le premier trimestre de 2017, chiffres les plus anciens disponibles sur Statbel. Mais les hausses ne sont pas les mêmes partout : +6% en Flandre et en Wallonie, +10% en Région bruxelloise.

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La situation particulière de Bruxelles

Enfin, pour être complet, il faut nuancer le cas de la région bruxelloise. Comme nous l’explique Bruno Van der Linden, professeur d’économie à l’UCLouvain et chercheur, "Bruxelles, une ville, ne devrait pas être comparée à des régions (Wallonie, Flandre, ou hors de la Belgique) mixant ville(s) et zones extra-urbaines."

Les taux de chômage sont systématiquement plus élevés dans les villes que dans leur région de référence. Dans un rapport de l’ONEM de janvier 2022 sur le taux de chômage dans la ville, l’Office national de l’emploi notait que "comme la création d’emplois au sein de la ville correspond moins souvent aux profils des demandeurs d’emploi locaux, le taux de chômage dans les villes reste relativement élevé".

Par ailleurs, le même rapport de l’ONEM indique que "les grandes villes et villes-centres sont généralement des pôles d’emploi, ce qui profite également aux habitants des régions environnantes". Et cela se vérifie à Bruxelles. En effet, plus de la moitié des 795.000 emplois disponibles en Région bruxelloise sont occupés par des Flamands et des Wallons :

  • 259.000 emplois bruxellois occupés par des Flamands
  • 144.000 emplois bruxellois occupés par des Wallons

Dans l’autre sens, peu de Bruxellois travaillent en Flandre (53.400) ou en Wallonie (23.210), ce qui veut dire qu’une partie du bon taux d’emploi flamand provient du nombre d’emplois disponible dans la capitale. À l’inverse, le score wallon serait encore moins bon si les emplois occupés par des Wallons à Bruxelles l’étaient par de Bruxellois.

Mais si les Bruxellois n’occupent pas ces emplois à Bruxelles, c’est surtout parce qu’ils ne conviennent pas aux profils recherchés par les entreprises bruxelloises. "Il y a une inadéquation entre l’offre et la demande. À Bruxelles, deux tiers des emplois sont des profils hautement qualifiés et cela augmente encore.

À l’inverse, le nombre d’emplois peu qualifiés a été divisé par deux", explique Jan Gatz, porte-parole d’Actiris confirmant ce que l’ONEM expliquait sur les profils des demandeurs d’emploi en ville. "À Bruxelles, le problème est donc souvent un manque de diplôme, de reconnaissance de diplôme ou un manque d’expérience pour ceux qui souhaitent travailler à Bruxelles, et un manque de mobilité pour ceux qui devraient travailler en périphérie." Raison pour laquelle autant d’emplois sont occupés par des Wallons ou des Flamands.

Autrement dit, le problème bruxellois est moins un manque d’emplois disponibles qu’un manque de qualification des demandeurs d’emploi.

Rappelons que le gouvernement fédéral s’est donné l’objectif d’atteindre un taux d’emploi de 80% à l’échelle du pays d’ici 2030. Ce taux national est de 72% actuellement.

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