Un comics dont le casting est pour le moins interpellant. Au générique de ''BRZRKR'' – titre encore plus imprononçable que celui de la série jeunesse ''FRNCK'' éditée chez Dupuis -, on retrouve un nom emblématique du comics, Matt Kindt, qui développe parallèlement à ses contributions aux héros de la Marvel ou de DC Comics une œuvre personnelle assez exemplaire chez les éditeurs indépendants américains.
Certains de ses romans graphiques, parus en français chez Futuropolis et Monsieur Toussaint Louverture, sont parmi les BD les plus brillantes et intelligentes écrites en Amérique depuis que le scénariste anglais Alan Moore a dynamité le genre dans les années 80, avec des ouvrages comme ''Watchmen'' ou ''V for Vendetta''. Mais Matt Kindt n’est pas seul à la barre, il est le coscénariste de ce comics d’une ultraviolence rare. L’autre scénariste de ''BRZRKR'', c’est l’acteur Keanu Reeves, révélé dans les années 90 par ''Point Break'' et plus encore par la série des ''Matrix''. Il s’était déjà essayé à la réalisation, mais jamais à la bande dessinée. ''BRZRKR'', c’est son idée. La première page, il l’avait en tête, tout comme une série d’autres éléments, que les nombreux brainstormings avec Matt Kindt ont peu à peu transformés en scènes imparables. L’histoire nous raconte le destin de B, homme né d’une prière aux dieux 80.000 ans plus tôt, et qui est immortel. Il a servi toutes les causes et toutes les armées, se souvient de tout et, au moment où commence cette histoire, sert d’arme absolue aux États-Unis depuis un an. L’originalité du scénario est de montrer à la fois les missions suicides que B accomplit, les débriefs avec sa psychologue – un peu comme dans Les Soprano -, et en flash-back, les réminiscences de son enfance et de sa première vie, qui sont la clé de sa personnalité.
Le mélange des ingrédients est redoutablement distillé par les deux scénaristes, mais aussi par la mise en scène implacable d’un dessinateur qui travaille aussi bien pour Marvel que pour le cinéma, Ron Garney. Il a d’ailleurs utilisé les traits de Reeves pour incarner son personnage principal d’immortel. Même la couleur est très bien utilisée pour éviter au lecteur de se perdre, et pour guider les émotions. L’hyper-violence qui se dégage du personnage et de ses missions se traduit par des pages dignes d’un Tarantino en BD, bourrées d’hémoglobine et d’effets de mise en page. C’est d’une efficacité telle que le démarrage de cette série aux États-Unis a atteint des scores que le comics n’avait plus connus depuis 25 ans ! ''BRZRKR'' ne s’arrêtera pas là. Keanu Reeves a l’intention de porter l’histoire sur le grand écran. On voit bien qu’il tient quelque chose… Ames sensibles s’abstenir : ''BRZRKR'' – je le dis une dernière fois pour le plaisir de me faire du mal, mais sachez que ce titre fait référence au berzerker scandinave qui a au moins le mérite d’être un peu plus prononçable.
''BRZRKR, Tome 1'', de Keanu Reeves, Matt Kindt, Ron Garney, Bill Crabtree, chez Delcourt