Le coup de cœur BD de la semaine est un livre qui porte un titre ni très glamour ni très rock’n’roll : ''Nettoyage à Sec''. C’est un incontournable, et le deuxième album d’un auteur flamand surdoué !
Retenez bien ce nom : Joris Mertens. Il est certain qu’on n’a pas fini d’entendre parler de lui. Aussi étrange que cela paraisse, Joris Mertens s’est fait connaître chez nous par la traduction de son premier roman graphique intitulé ''Béatrice'' et qui ne nécessitait pourtant, aucune traduction ! Il s’agissait en effet d’un livre entièrement muet. Mais le monde de l’édition est ainsi fait que la maison qui le publiait, ''Oogachtend'', ne faisait pas partie des maisons dont le catalogue était consulté par les libraires francophones. Il aura donc fallu qu’un éditeur français publie ce roman graphique à l’identique pour qu’on découvre cet auteur influencé par le cinéma, passionné par les années 60, la lumière et les cadrages de cinéma. Rue de Sèvres, la maison qui a publié ''Béatrice'' en français, publie maintenant ''Nettoyage à Sec'', un ouvrage qui révèle l’étendue du talent de cet auteur flamand venu du story-board et de l’animation.
C’est l’histoire d’un homme seul, petite main dans une entreprise de nettoyage à sec, qui fait des livraisons, joue les mêmes chiffres au loto depuis des années, boit des pintes au bar du coin, dragouille gentiment une des clientes du bar qui y vient régulièrement avec sa fille. Un homme pétri d’habitudes, sans ambition et sans vision de la vie. Un homme dont on sait très vite que sa vie va connaître un tournant fatal. Car Joris Mertens ne cache pas son jeu. Au contraire, il abat ses cartes d’emblée, annonçant la couleur : tout ça se terminera mal et le héros loser a peu de chance de connaître la rédemption.
Au rayon des points positifs, il y a d’une part la machine assez implacable du scénario ; même si on devine certains éléments, le reste nous tombe dessus avec une vraie force. Mais surtout, Joris Mertens est un incroyable metteur en scène. Son sens du découpage est tout bonnement bluffant ! On sent toute l’influence du cinéma, qu’il connaît bien, sans pour autant oublier une seconde les spécificités du langage de la BD. Dessins en double page, en page entière à droite ou à gauche, voire en demi-page verticale alternant avec des planches ultra-découpées dans lesquelles on a l’impression de suivre chaque seconde de l’action ou chaque modification de l’expression d’un visage : c’est du grand art. Au-delà, dans ce roman noir, la lumière passe au travers des couleurs. Mertens a un talent incroyable pour éclairer son dessin ! On a l’impression que ses phares rouges sur les pavés mouillés sont plus vrais que nature. Ou les ors des éclairages publicitaires ! En fantasmant son histoire dans des décors des sixties oscillant sans cesse entre Bruxelles et Paris, jouant avec le design des voitures d’époque et se délectant de placer ses personnages sous une pluie battante, il propose un livre haletant et d’une folle vivacité.
’’Nettoyage à Sec’’, par Joris Mertens, Rue de Sèvres