Nous avons également demandé à Alice Sinacori ce qu’était la vie d’une jeune musicienne en pleine pandémie de coronavirus.
"C’est compliqué…" nous dit Alice Sinacori, "c’est une période interminable aux multiples rebondissements d’ordre émotionnels. Le premier stade, c’était en mars dernier. Le choc d’abord et puis le réveil, chaque matin quand on se pince en espérant que ce ne soit qu’un horrible cauchemar. La réalité nous rattrape au galop… alors on se jette dans le travail sans savoir exactement pourquoi car nos projets sont tous annulés ou organisés on-line… L’orchestre des jeunes d’Europe (EUYO) on line vous imaginez ? On a même enregistré l’hymne à la joie en distanciel ! Et puis, on se rassure en se disant que cela ne durera pas."
"Le deuxième stade est celui où on se rend compte que cette pandémie se prolonge plus longtemps que prévu et que notre manière " traditionnelle " de fonctionner en tant que musicien va devoir changer… Inévitablement. Alors, on met en place des projets, des activités nouvelles, on se fixe des objectifs de travail pour entretenir la motivation et pour garder active cette petite flamme qui nous anime d’ordinaire. On essaie aussi de trouver des alternatives "corona-proof" pour des concerts, pour garder un lien avec le public, avec nos professeurs, avec nos amis, avec nos collègues de musique de chambre, avec tout le monde en fait…
Arrive ensuite le troisième stade, celui où on se rend compte que non seulement cette pandémie dure plus longtemps que prévu mais on a la redoutable impression qu’elle ne terminera jamais. A-t-on un autre choix que d’accepter la situation ? Et puis aussi trouver des solutions plus durables, des alternatives pas seulement sur le court terme mais sûrement sur un plus long terme, dont on ignore quelle sera la longueur. Ce qui m’exaspère le plus ce sont les cours en ligne, et ce qui me manque le plus ce sont les concerts annulés, les salles de concert fermées, plus de rencontres, plus de musique de chambre, plus de voyages… et surtout plus de perspective d’avenir. Où va-t-on ? Vais-je pouvoir rejouer devant un public un jour ? Est-ce encore raisonnable de rêver ? de se projeter ? J’en profite pour remercier du fond du cœur les concours ou certains orchestres qui continuent à organiser des auditions, à proposer des concerts même en ligne. Ça a été le cas du concours international Barshai auquel j’ai participé récemment, et cela m’a sacrément motivée !
Maintenant, sur une note un peu plus positive, même si cette pandémie m’a beaucoup affectée en tant qu’étudiante, elle m’a permis de me rapprocher énormément de ma famille, moi qui ne vivais plus avec eux depuis trois ans. En effet, le fait de revenir chez papa et maman nous a encore plus rapprochés et on a vécu des moments en famille absolument inoubliables.
Et puis, je me suis découvert des hobbys : je suis devenue une yoga addict, je me suis remise à lire… beaucoup, à dessiner aussi et surtout à cuisiner, cela pourra servir quand je rassemblerai mes amis après le confinement…"
Avec un avenir plus radieux en ligne de mire, Alice Sinacori aspire à "voyager, rencontrer, partager et surtout jouer, avec un seul dénominateur commun, la musique !" Et c’est tout ce que nous lui souhaitons.