Hainaut

Bernard, alcoolique abstinent : "Je choisissais mes fréquentations en fonction de ce qu’on allait boire"

Bernard Godet vous souhaite une bonne tournée minérale.

© P.W. – RTBF

Par Pierre Wuidart

"J’ai toujours été un bon vivant. J’aimais bien faire la fête, consommer pas mal d’alcool avec mes copains le week-end… Sauf qu’à un moment donné, j’en ai eu marre d’avoir l’alcool présent en continu dans ma tête." Pour Bernard Godet, Nivellois de 43 ans, l’alcool n’était pas tant un problème de quantités ingérées ou de gestion de ses états d’ivresse. C’était avant tout devenu une obsession. "Pendant la journée de boulot, je pensais à l’apéro que j’allais pouvoir boire le soir. J’étais impatient de pouvoir consommer. Je choisissais mes fréquentations pas simplement pour le plaisir de les voir, mais en fonction de ce qu’on allait boire, de l’alcool que j’allais pouvoir consommer".

Après avoir tenté en vain de diminuer sa consommation, "même si je ne buvais pas spécialement beaucoup, ni dès le matin", Bernard change de tactique. "C’était un enfer. Calculer les quantités que je buvais, ça prenait encore plus de place dans ma tête. C’était plus frustrant qu’autre chose. J’ai découvert que l’abstinence totale était plus facile à vivre pour moi".

L’alcool calmait la boule au ventre que j’avais, les angoisses, l’impatience et la tristesse.

Mais ce changement ne s’est pas fait en un jour. La première tentative n’a pas été la bonne, même si elle a duré deux ans. "C’était juste avant la naissance de ma fille, en 2014. J’ai tenu en serrant les dents, en faisant le malin comme quoi j’étais abstinent. Mais en réalité, j’avais juste enlevé l’alcool de ma vie, en continuant à faire comme avant, sans me remettre en question. À un moment donné, j’ai eu des difficultés au travail et je suis complètement parti en vrille. La réponse que j’ai trouvée à mon état émotionnel, c’était reconsommer de l’alcool." Et quand on replonge, c’est rarement avec modération. "Généralement, on dit qu’on recommence où on s’est arrêté. Après deux mois, je me suis retrouvé dans le même état qu’avant mes deux ans d’abstinence. Et j’ai continué à creuser."

Pour vraiment s’en sortir, Bernard a dû faire un travail personnel, apprendre à se connaître et à comprendre pourquoi l’alcool avait envahi sa vie. "J’avais un certain mal-être. Je n’ai jamais été à l’aise dans le relationnel avec les personnes. Je suis hypersensible. Et la consommation d’alcool me permettait de calmer la boule au ventre que j’avais, les angoisses, l’impatience et la tristesse. C’était un régulateur d’humeur." Mais pas question pour lui de "changer de comptoir" et de prendre pour béquilles d’autres substances, comme des médicaments. "Je connais trop de gens autour de moi qui sont passés au Xanax ou au Valium. Moi je ne veux rien prendre. Même pas des fleurs de Bach. J’ai trop peur que ces produits ne déclenchent chez moi les mêmes mécanismes qui viendraient me donner envie de m’exploser la tête".

Ses médicaments : la relaxation, le sport, la musique et la pleine conscience
 

Alors, sans aucune substance, Bernard reste vigilant. Quand ses émotions s’emballent, il a ses techniques. "Je fais des exercices de relaxation. Hier, je suis allé courir, j’ai respiré profondément, ça m’a fait un bien fou. Le week-end, je m’étends un quart d’heure sur mon lit sans dormir. Quand je cuisine, je découpe mes légumes en pleine conscience. Ça paraît bête, mais je pense 'Je découpe une carotte, je découpe une carotte' et ça me permet de me recentrer." Ce travail sur soi a aussi des aspects relationnels : "J’essaie d’être ouvert à la critique, de ne plus me vexer, de ne pas juger les autres. Je me borne à regarder ce que moi je peux faire et pas ce qui se passe en dehors". La seule drogue qu’il s’octroie, c’est la musique. "C’est un grand régulateur d’humeur chez moi. J’écoute de la musique joyeuse quand je suis mélancolique. Et vice-versa. Mes statistiques Spotify sont affolantes, mais ça marche et ça me permet de garder l’équilibre".

Bernard est passé par plusieurs cures de désintoxication en 2017, mais à chaque fois, il rechutait. En 2018, lors d’une thérapie de plusieurs mois, il est parvenu à trouver la bonne formule. "On a été au fond des choses. J’ai sorti tout ce que j’avais à sortir et depuis le 30 mai 2018, soit l’équivalent de 45 tournées minérales d’affilée", a-t-il calculé, "je n’ai plus consommé aucun psychotrope, dont l’alcool." Les groupes de parole avec d’autres alcooliques l’aident aussi à tenir bon, même si le plus dur est derrière, selon lui.

Ce n’est pas que je ne peux plus boire, c’est que je ne veux plus boire.

"Les premiers mois ont été difficiles. Mais ensuite, c’est devenu plus simple. Aujourd’hui, je n’ai plus jamais envie de consommer. Ce n’est plus une option pour moi. Ce n’est pas que je ne peux plus boire, c’est que je ne veux plus boire". L’eau suffit à son bonheur. "Quand on va chez les gens, ils sont parfois décontenancés. Qu’offrir de non alcoolisé à l’apéro ?" Et pourtant, la palette est large. Il y a les mocktails (des cocktails sans alcool), les sodas, les jus… "Mais de l’eau, c’est très bien. Plate ou pétillante. Je n’ai pas besoin d’autre chose. Je ne viens plus chez mes amis pour boire. Je viens pour les voir."

 

Bernard, abstinent alcoolique depuis 45 mois

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