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Dans l'air du temps

Berthe Sylva ou la voix d'un monde cruellement réaliste

Dans l’air du temps, Réal Siellez revient sur une voix puissante de la chanson française réaliste du 20e siècle, Berthe Sylva.

Il y a 138 ans, un 7 février 1885, en Bretagne, à Lambézellec — pour être exact — est née une figure de la chanson dite "réaliste" dont le nom vous dira peut-être quelque chose. Fille d’un marin et d’une couturière, elle quitte très vite le foyer familial pour rejoindre sa sœur et travailler avec elle comme femme de chambre à Saumur, et le soir les deux frangines se produisent dans un cabaret. 

Elle a un fils à 16 ans, elle le reconnaitra mais ne s’en occupera jamais, elle est pauvre, très pauvre, et ses débuts en chanson sont compliqués à dater exactement, on les situerait vers 1908.

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A la conquêt de Paris… puis du monde ?

Berthe Faquet de son vrai nom, est attirée par les lumières de Paris comme beaucoup de chanteuses de musettes à l’époque. Elle se fait engager au Parisiana et enchaîne les petits rôles dans la revue maison. Son patron lui propose même de rejoindre une troupe en Amérique du Sud pour une tournée de plusieurs mois : Buenos Aires, Montevideo, ou encore Rio de Janeiro. De retour à Paris en 1908, Berthe Sylva se produit dans les casinos, avant de repartir quatre ans plus tard à Alger. Et c’est à ce moment-là que l’interprète commence à sortir du lot.

La première guerre mondiale pointe le bout de son drame, Berthe Sylva s’engage en tant qu’artiste pour chanter pour les armées, pour les blessés… à cette époque, la chanson réaliste a une fonction journalistique, et une fonction solidaire… celui ou celle qui entend ces chansons dans le poste radio se sent moins seul.

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Le Cœur d'or de la chanson française

Berthe Sylva va alors être embarquée dans un tournant majeur de l'histoire, qui la fera passer d'artiste française à star internationale ; le micro arrive. Vers 1921, l'une des premières stations françaises de radio commence à émettre des programmes depuis la tour Eiffel, la chanteuse devra adapter ses interprétations à la sensibilité de cet outil révolutionnaire.

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En 1928 c’est à nouveau une rencontre qui propulse la carrière de Berthe Sylva… mais cette fois-ci elle est bien humaine. Léon Raiter, pionnier des ondes puisqu’il a une émission quotidienne sur Radio Tour Eiffel. C’est aussi un faiseur de tubes, un parolier ainsi qu'un chanteur.

A la radio, Berthe Sylva fait une entrée fracassante dans l’émission de Léon Raiter intitulée La chanson du jour. Elle est d’une telle efficacité qu’elle marque les esprits. Elle maîtrise une chanson écrite le jour-même pour l’émission du lendemain. La chanteuse bretonne fait en même temps son entrée dans l’industrie du disque, en pleine effervescence. Elle enregistre plus de 250 titres chez Idéal puis chez Odéon et rencontre un succès bien français.

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Elle devient la Chanteuse préférée des jeunes filles de l’époque, elle prête son image pour des œuvres de bienfaisance, la presse la surnomme Cœur d’or. Elle provoque même parfois l’hystérie de ses admirateurs.

Une fin de vie tragique

Mais Berthe Sylva est dépendante à la cigarette — comme elle le chante dans sa chanson Du gris — et elle est aussi victime d’un alcoolisme assez lourd. Ajoutez à cela la deuxième guerre mondiale, les voyages incessants… elle est exténuée et souvent faible. Le 24 mai 1941, alors qu’elle est attendue à un gala au profit des prisonniers à Lyon, elle meurt après avoir chuté dans les escaliers de son hôtel, à l’âge de 56 ans.

Berthe Sylva, ce sera la chanteuse du malheur et de la misère mise en musique, elle chante la cruauté de la réalité du monde ouvrier, la dureté de la guerre, les injustices de la vie… C’est un répertoire qui a peu résisté au temps aujourd’hui car vraiment souvent très sombre et pessimiste, mais si vous le prenez comme du journalisme historique, il permettait aussi une solidarité dans une époque où les médias ne pouvaient reléguer que partiellement la violence des évènements.

Son tube absolu, Les roses blanches, écrit par Léon Raiter, et chanté par Berthe Sylva en 1926 sur le disque du même nom, c’était dans l’air du temps… ça l’est toujours.

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