Après huit années passées au Japon en tant que pilote officiel Honda, une page se tourne pour Bertrand Baguette. Le constructeur nippon a mis un terme au contrat du pilote verviétois, de manière plutôt inattendue après avoir terminé le championnat Super GT à la 6e place. Actuellement sans volant, Bertrand Baguette est de retour en Belgique mais probablement pas pour très longtemps. L’ex-champion en LMP2 et en Formule Renault 3.5 pourrait bientôt rebondir au pays du soleil levant avec un autre constructeur qui devrait être Nissan. C’est en tout cas sa volonté. Même s’il reste ouvert à toutes propositions, il pourrait donc poursuivre l’aventure au Japon, sa seconde patrie. C’est en tout cas son souhait le plus cher comme il nous l’a confié chez lui, à Nivezé, à quelques encâblures du circuit de Spa-Francorchamps.
Bertrand, après huit saisons chez Honda en tant que pilote officiel, on peut dire que c’est une page qui se tourne pour vous ?
"En effet, j’ai passé huit années fabuleuses chez Honda. Durant cette période, il y a eu pas mal de victoires, de podiums et de poles. On peut donc dire que c’est la fin d’un long et beau chapitre mais l’aventure au pays du Soleil levant n’est pas terminée pour autant. Nous sommes actuellement en pleine négociation et réflexion par rapport à l’avenir. Une chose est sûre, je ne ferme pas la porte au Japon. J’espère même repartir pour une année supplémentaire en Super GT en 2022."
Vous êtes donc devenu un spécialiste du Super GT. Il faut dire que durant cette longue période, il s’en est passé des choses ?
" Enormément de choses en effet. J’ai débarqué en 2013 au Japon, dans un petit team, le Nakajima Racing. Il a fallu développer les pneus, nous étions les seuls à rouler en Dunlop, et améliorer la voiture. Nous avons réussi à gagner une course et pas n’importe laquelle : les 1000 km de Suzuka. Une course prestigieuse. Cela faisait 10 ans que le team n’avait plus gagné et 10 ans que Dunlop n’avait plus gagné non plus. Un premier objectif avait donc été atteint mais grâce à cette victoire, Honda m’a changé de voiture et j’ai pu rouler pour le Real Racing. Une voiture plus performante, qui roule avec des pneus Bridgestone, capable de se battre pour le championnat. On a réalisé trois belles saisons, en gagnant quatre courses et en décrochant plusieurs fois la pole position. Le seul regret est de ne pas avoir été champion même si ça s’est parfois joué à pas grand-chose."
Quel est votre meilleur souvenir ?
"Clairement, la victoire aux 1000 km de Suzuka avec Nakajima Racing et les pneus Dunlop. Nous n’étions absolument pas favoris, on a souffert mais on a beaucoup travaillé pour décrocher cette victoire. Il faut savoir que c’est très compliqué pour Dunlop de s’imposer au Japon, surtout face à des manufacturiers comme Michelin, Bridgestone ou Yokohama. Cela restera un souvenir inoubliable pour moi."
NISSAN EN POLE
Si vous restez au Japon, ce serait donc avec un nouveau constructeur en Super GT ?
"Forcément, Honda, c’est terminé mais il reste deux autres grands constructeurs, à savoir Nissan et Toyota. Il est encore un peu trop tôt pour annoncer quoi que ce soit mais si je reste au Japon, ce sera avec un de ces deux constructeurs (rires)."
On sait que, récemment, vous avez effectué des tests avec Nissan ?
"C’est exact et cela s’est très bien passé. Je serais ravi de poursuivre avec Nissan en Super GT. C’est en bonne voie mais je le répète, il n’y a encore rien de signé. Je dois donc me montrer encore un peu patient…"
Vous êtes malgré tout déçu de voir l’aventure se terminer de la sorte avec Honda ?
"Bien sûr que je suis déçu, et c’est normal après toutes ces années. Même si on n’a pas réussi à décrocher le titre de champion, on a malgré tout réalisé de très belles choses en Super GT avec une 2e place l’an dernier. Et puis, on a aussi roulé en Europe, notamment aux 24 heures de Spa avec la Honda NSX GT3. Je n’en garde que de bons souvenirs. Ce fut une très belle expérience."
LA GT LA PLUS RAPIDE AU MONDE
Le Super GT n’est pas très connu chez nous. Qu’est-ce qu’il a de si particulier ce championnat ?
" C’est un championnat très relevé. La Super GT 500 avec laquelle je roule est la GT la plus rapide au monde. Ce sont des voitures incroyables à conduire. Des constructeurs, des sponsors et des manufacturiers investissent énormément dans cette compétition. On effectue beaucoup de tests. Par exemple, les pneus ne sont jamais les mêmes. Ils évoluent à chaque fois entre les courses. J’ai beaucoup appris et je m’amuse vraiment bien en Super GT. Je n’ai donc aucun regret et j’espère pouvoir continuer."
Le Super GT est vraiment si populaire que ça au Japon ?
"Et comment ! C’est même la compétition automobile la plus populaire. L’engouement est exceptionnel avec énormément de public, principalement à Fuji avec plus de 100.000 spectateurs lors des courses. C’est peut-être un championnat méconnu en Europe mais c’est extrêmement renommé et reconnu là-bas, au Japon."
LE PLUS JAPONAIS DES PILOTES BELGES
Précisément, comment s’est passée votre adaptation au Japon ?
"Honnêtement, cela n’a pas été facile quand je suis arrivé à Tokyo il y a 8 ans. J’étais dans un tout petit appartement de 20 mètres carrés. De mon lit, je tendais la main et je pouvais ouvrir mon frigo. Pour quelqu’un comme moi, qui venait de la campagne, j’avoue que c’était un peu compliqué de se retrouver enfermé comme ça dans une ville tentaculaire comme Tokyo. Et puis, il y a la barrière de la langue. Très peu de personnes parlent l’anglais. C’était presque uniquement le japonais. Il a donc fallu le temps pour que je trouve mes marques mais je me suis quand même assez rapidement adapté. J’ai appris le japonais et je dois dire que sans être bilingue, je me débrouille plutôt bien et j’arrive surtout à me faire comprendre. C’est l’essentiel. En plus, j’aime beaucoup ce pays. Je m’y sens bien. Je comprends les rouages et j’apprécie la mentalité des Japonais qui sont des gens très respectueux. Une qualité que j’apprécie particulièrement."
Est-ce qu’on peut dire que vous êtes désormais plus connu au Japon qu’en Belgique ?
"C’est possible. Peut-être pas au début mais maintenant, on me (re)connaît. C’est clair que je suis un peu plus populaire là-bas qu’ici mais je le répète, il y a un grand respect de la part des Japonais. On n’est jamais embêté en dehors des circuits. Même s’ils nous reconnaissent, ils nous laissent tranquilles. Maintenant, lors des courses, sur les circuits, on ressent vraiment l’engouement des fans par rapport aux pilotes, mais ce n’est pas ce que je recherche. Ce qui m’intéresse, ce sont les sensations et le plaisir du pilotage. Et dans ce domaine, il faut bien dire que j’ai été gâté."
Quand on regarde dans le rétro, même si à l’époque vous rêviez de Formule 1, vous pouvez être fier de votre carrière ?
"Je pense, oui. J’ai été champion en World Series by Renault, j’ai fait de l’Indycar et j’ai failli gagner les 500 Miles d'Indianapolis. Et puis, j’ai gagné les 24 heures du Mans en LMP2 (un souvenir exceptionnel) et j’ai aussi décroché le titre en LMP2. Enfin, j’ai roulé au Japon en tant que pilote officiel. En ce qui concerne la F1, même si j’y ai effectué des tests naguère, je n’éprouve aucun regret, d’autant plus que j’ai participé aux plus belles courses du monde, à Indianapolis, à Monaco et au Mans. Je pense que ce n’est pas si mal que ça, surtout pour un pilote belge…"
A 35 ans et avec votre expérience, vous avez donc encore quelques belles années devant vous ?
"Je l’espère. En tout cas, je suis toujours aussi rapide et je m’améliore encore après toutes ces années. Je pense que le moment n’est donc pas encore venu de dire stop. J’espère rouler jusqu’à mes 40 ans et puis on verra. En tout cas, pour le moment, je me sens vraiment bien. Je suis toujours aussi motivé et j’espère bien le démontrer l’année prochaine et si possible toujours au Japon…"