Dimanche, un avion Ryanair est détourné. À bord, l’opposant, Roman Protassevitch est arrêté à Minsk. L’Europe condamne et sanctionne le Belarus. Si l’indignation internationale est importante, aucune manifestation de grande ampleur n’a lieu dans le pays. Pourtant, les Biélorusses ont manifesté pendant des mois contre le gouvernement de Loukachenko en 2020.
Ils ne s’appellent pas Stefan, Serena et Julia, mais nous les appellerons ainsi. Ils ont fait partie de ce mouvement. Depuis, le premier s’est fait arrêter, la seconde a quitté le pays, et la dernière a continué de protester.
"Nous avons perdu la rue"
Svetlana Tikhanovskaïa, figure de l’opposition, le reconnaît : les manifestants ne courent plus les rues au Belarus. Protester physiquement est devenu trop dangereux pour beaucoup. Beaucoup de citoyens montrent leur opposition autrement dans le pays.
"Chaque personne manifeste de sa propre manière. Certains portent les couleurs de notre drapeau, le rouge et le blanc. D’autres font des posts sur Instagram ou d’autres réseaux. D’autres encore écrivent des résolutions et les présentent à des instances européennes. En fait, on apprend à intégrer la protestation dans notre vie de tous les jours", explique Julia. Cela fait bientôt un an qu’elle ne baisse pas les bras. Pour elle, son engagement "c’est comme du bénévolat, mais révolutionnaire".
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Aujourd’hui, le combat contre le gouvernement se fait aussi par le portefeuille. "Les gens essaient de ne pas fumer et de ne pas boire parce qu’une grande partie de cet argent va au gouvernement. On essaie de mettre à mal l’économie du pays […] On est passé à une contestation économique", explique Stefan.
Arrestations des opposants politiques
L’été dernier a été rempli de manifestations en Biélorussie. Les citoyens sont sortis massivement dans les rues. "Tout a commencé par la pandémie et les élections. Tout le monde était très insatisfait de la gestion de la pandémie. Il n’y avait aucune restriction et les gens mourraient, raconte Serena. En juin, il y avait plusieurs candidats aux élections. Quand les arrestations des candidats ont commencé, il y a eu un mouvement de contestation".
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"Au début, j’ai rejoint plusieurs groupes Telegram qui partageaient des infos et j’ai commencé à m’intéresser à l’opposition, raconte Stefan. J’ai lu que des candidats démocratiques se présentaient et je me suis tout de suite dit “allez fonce, on va faire changer les choses”". Il a 23 ans et comme beaucoup de jeunes, il espère pouvoir faire entendre sa voix lors des élections.
Avec l’arrestation des principaux candidats de l’opposition, Stefan s’indigne. Il participe aux premières manifestations en juin et juillet 2020. "Il n’y avait pas grand-chose, juste des gens qui manifestaient dans le centre de Minsk. La police était déjà là et arrêtait certains manifestants, mais c’était très calme en comparaison à ce qui allait se passer plus tard".
J’ai été détenu 3 jours. Depuis je n’ai jamais arrêté de protester
Le 9 août 2020, le gouvernement annonce Loukachenko vainqueur des élections, pour la sixième fois depuis 1994. L’opposition condamne le résultat et un mouvement sans précédent commence. "Après l’élection, je suis allé aux manifestations. Lorsque nous sommes arrivés devant l’hôtel de ville, la police était rassemblée. Ils ont chargé les manifestants alors je suis parti en courant et je me suis caché dans un café", raconte Stefan.