Selon Dzmitry Navosha, l’objectif principal de ces vidéos est de briser la volonté de la société bélarussienne, d’accroître la peur, de montrer l’impuissance et de discréditer ceux qui sont tombés entre les mains de la police.
"Ce format de terreur est efficace dans une certaine mesure : la protestation visible a disparu des rues bélarussiennes, malgré le rejet de la dictature par la majorité des citoyens", constate-t-il, "et Loukachenko a commencé à utiliser régulièrement de telles vidéos pour faire sa promotion sur YouTube".
"Mais c’est à peu près la même chose que de faire de la publicité pour des vidéos célèbres de l’État Islamique sur YouTube", continue-t-il.
Une réaction tardive et insuffisante
Les personnalités publiques du Belarus soulèvent depuis longtemps la question de l’inaction de YouTube à cet égard, mais de plus en plus de vidéos de ce type apparaissent dans les publicités.
Selon Hanna Liubakova, membre du think tank américain spécialisé dans les relations internationales Atlantic Council, ces publicités ont commencé à apparaître il y a plusieurs mois.
"L’une des premières montrait un jeune homme arrêté suite à une manifestation, probablement torturé", se souvient la Biélorusse. "Il s’excusait d’avoir organisé une manifestation. Une autre montrait un homme attaché à une chaise, s’excusant d’avoir posté sur Internet des commentaires offensants pour le régime politique."
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Les responsables de YouTube et de Google ont réagi à ces publicités en s’excusant mais certaines sont toujours en ligne, s’indigne Hanna Liubakova. "YouTube est très lent à réagir et autorise toujours ce type de publicités aujourd’hui. Il devrait faire plus."
"Les chaînes de propagande payent pour ces publicités", fait-elle aussi remarquer. "Nous avons réussi à trouver la source de certaines publicités et celle-ci nous a mené à une chaîne de propagande en Biélorussie, probablement connectée au KGB (Services de sécurité soviétiques chargés du renseignement et du contre-espionnage à l’intérieur et à l’extérieur de l’URSS, ndlr.). A mon sens, le fait que YouTube accepte de l’argent d’une telle source légitimise le régime de Loukachenko, la propagande et les messages de haine."
Peu de sources d’information fiables
Dans un contexte de blocage des sites indépendants, de persécution des journalistes et des blogueurs, YouTube est l’une des principales sources d’information et d’opinion indépendantes en Biélorussie.
Dans le top-30 des chaînes YouTube en Biélorussie par nombre moyen de vues, on ne retrouve d’ailleurs pas de chaînes de télévision ni d’autres chaînes web propagandistes de Loukachenko.
"Ils ont une audience faible, voire marginale, sur YouTube et d’autres plateformes numériques", constate Dzmitry Navosha, "car la plupart des Biélorusses les détestent. C’est donc pour intimider la société que la propagande et les forces spéciales mettent une 'vidéo d’excuses' sur les publicités YouTube."
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Mais l’homme d’affaires n’est pas contre la propagande. "La société se développe, apprend à reconnaître la propagande et à comparer les faits, et la propagande n’a pas empêché la majorité des Biélorusses de voter contre Alexandre Loukachenko lors des élections de 2020", dit-il.
"C’est à cause de l’impuissance de la propagande en tant que telle qu’en Biélorussie tous les médias indépendants ont été bloqués", poursuit-il. "31 journalistes et plus d’une douzaine de blogueurs ont été jetés en prison, les autres ont dû quitter le pays. C’est à cause de l’impuissance de la propagande que les voyous de Loukachenko ont déclaré les médias indépendants comme 'extrémistes', et poursuivent en justice ceux qui les lisent et les suivent sur les médias sociaux."