Biodiversité: « La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine »

La biodiversité planétaire s'effondre: pourquoi sommes-nous tous concernés? Qui est responsable?

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La plate-forme IPBES, réunie à Paris la semaine dernière, vient de publier sa nouvelle évaluation sur l’état de la biodiversité terrestre. Le constat est sans appel : si rien ne change, c’est l’humanité tout entière qui court à sa perte. La biodiversité mondiale s’effondre et nous sommes tous concernés. De quoi s’agit-il ? Pourquoi faut-il s’inquiéter ? N’y a-t-il aucune solution possible ? Décryptage.

Qu’est-ce que l’IPBES?

Souvent présentée comme « le GIEC pour la biodiversité », la Plate-forme Intergouvernementale sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques (IPBES) est un organisme indépendant rassemblant plus de 130 États. Ces scientifiques fournissent aux dirigeants du monde entier des évaluations scientifiques sur la biodiversité de notre planète, sur son apport pour les populations humaines, et sur les outils potentiels pour la protéger.

De quoi parle leur dernier rapport?

145 experts issus de 50 pays ont travaillé durant trois ans sur ce rapport, avec l’aide de 310 autres experts des quatre coins du globe. Ce rapport étudie l’évolution de la biodiversité sur ces 50 dernières années. Pour ce faire, ils se sont appuyés sur 15.000 références scientifiques et sources gouvernementales, ainsi que sur les savoirs des populations autochtones et des communautés locales (ce qui est une première pour une échelle aussi globale).

Qu’en ont-ils conclu?

Globalement, l’heure est grave. Dans un communiqué, l’IPBES estime qu’environ « 1 million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction au fil des prochaines décennies, ce qui n’a jamais eu lieu auparavant dans l’histoire de l’humanité. […] La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine », alerte le rapport des scientifiques.

Pourquoi faut-il s’inquiéter?

Parce que nous en dépendons tous, sans exception. La biodiversité, c’est la diversité des 8 millions d’espèces animales et végétales présentes sur Terre. Le taux actuel de leur extinction est supérieur à la moyenne des 10 derniers millions d’années. Avons-nous besoin de toutes ces espèces ? Oui.

Tout d’abord, comme le rappelle cet article du média universitaire The Conversation, nous nous en nourrissons. Il peut s’agir par exemple de plantes, de céréales, mais également d’animaux d’élevages qui ont eux-mêmes besoin de cette biodiversité pour vivre.


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Mais la biodiversité, c’est aussi l’ensemble des éléments naturels qui apportent un équilibre nécessaire à nos exploitations. Nous savons par exemple que 30% de notre alimentation est liée au travail de pollinisation des abeilles. Concrètement, sans biodiversité, on ne mange plus. « Les contributions apportées par la biodiversité et la nature aux populations sont notre patrimoine commun et forment le plus important 'filet de sécurité' pour la survie de l’humanité. Mais ce filet de sécurité a été étiré jusqu’à son point de rupture », a déclaré la professeure argentine Sandra Díaz, coprésidente de l’évaluation de l’IPBES. L’enjeu mondial est donc environnemental, mais également socio-économique.

Qui est responsable?

Les experts sont unanimes : « Cette perte est la conséquence directe de l’activité humaine », assure le professeur allemand Josef Settele. Le bilan de l’IPBES distingue notamment des facteurs directs et indirects. Cinq facteurs directs sont ainsi énumérés par ordre décroissant d’importance dans le rapport :

  1. Un changement dans notre utilisation de la terre et de la mer
  2. L’exploitation directe de certains organismes vivants
  3. Le changement climatique
  4. La pollution
  5. Les espèces exotiques envahissantes

Depuis 1980, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont été multipliées par deux. Nous savons qu’ils sont notamment responsables de l’augmentation des températures moyennes mondiales. Les scientifiques de l’IPBES estiment que l’impact du changement climatique sur la biodiversité devrait augmenter dans les prochaines décennies. Dans certains cas, il pourrait devenir le premier facteur responsable de cet effondrement.

Parmi les facteurs indirects, c’est l’augmentation de la population et de la consommation par habitant, l’innovation technologique, et les questions de gouvernance et de responsabilité qui sont pointés du doigt.


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N’y a-t-il aucune solution possible?

Si, mais il faut agir rapidement. « Le rapport nous dit qu’il n’est pas trop tard pour agir, mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial », a déclaré Sir Robert Watson, président de l’IPBES.

La solution existe, mais elle ne se trouve pas d’un coup de baguette magique. Les experts de l’IPBES parlent de « changement transformateur », c’est-à-dire un « changement fondamental à l’échelle d’un système ». Outre la façon dont notre système fonctionne, c’est toute notre façon de voir le monde qui doit changer. Les efforts actuels ne seraient donc pas suffisants, mais il est encore temps.

Les scientifiques reconnaissent naturellement qu’un tel changement « peut susciter une opposition de la part de ceux qui ont des intérêts attachés au statu quo ». Ils restent toutefois persuadés que « cette opposition peut être surmontée pour le bien de tous ».


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Malgré son pessimisme, le communiqué de l’IPBES s’achève par un message d’espoir. « Depuis les jeunes leaders d’opinion mondiaux du mouvement #VoiceForThePlanet jusqu’aux grèves des étudiants pour le climat, il y a une vague de fond qui montre que les jeunes comprennent qu’une action urgente est nécessaire si nous voulons assurer un semblant d’avenir durable, salue Sir Robert Watson. Le rapport d’évaluation mondiale de l’IPBES offre les meilleures preuves disponibles venant d’experts pour aider à éclairer ces décisions, politiques et actions », conclut-il.

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