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BirdPen : Deux gars et un oiseau rare

Mike Bird et Dave Pen, les deux têtes pensantes du groupe BirdPen

© BirdPen

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Par Nicolas Alsteen

Échappé du groupe Archive, le guitariste et chanteur Dave Pen s'envole avec son pote Mike Bird pour écrire un nouveau chapitre de BirdPen. Imaginé avant la pandémie, le dernier album du duo tient de la prophétie. Sorte de "Don't Look Up" pour fans de rock sophistiqué, l’album "All Function One" déballe ses rythmes krautrock et de subtils arrangements électroniques à travers des chansons branchées fake news, isolement et grands dérèglements. Soit un disque en phase avec le monde actuel : incertain et un peu paumé. Pour retrouver le bon chemin, JAM. est parti à la rencontre des deux musiciens.

Formation discrète, souvent perçue comme un satellite du groupe Archive, BirdPen vient de publier un album ambitieux, à ranger quelque part entre ceux d’Elbow, John Grant ou The Editors. Des noms éloquents, certes, mais qui ne rendent pas vraiment justice à l’histoire. Parce que Dave Pen et Mike Bird étaient là avant. En activité depuis près de vingt ans, le duo anglais s’est d’abord concentré sur la production visuelle, avant de trouver son bonheur dans la composition de bandes-son spacieuses et cinématographiques à souhait.

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Caisse de résonance

Si Birdpen a vu le jour à Southampton, la réalité du groupe se partage aujourd'hui entre la Suède et l'Angleterre. Parti vivre le grand amour en Scandinavie juste avant les prémices de la crise sanitaire, Mike Bird est désormais installé au pays des placards IKEA. "Le fonctionnement du groupe va de pair avec de nombreux déplacements entre Stockholm et Southampton", explique son collègue Dave Pen. "Nous avons besoin d'être ensemble, dans la même pièce, pour créer des chansons. Brexit et pandémie sont venus bouleverser notre équilibre... Heureusement, notre dernier album était complètement terminé avant le début du premier confinement. Mais compte-tenu du contexte, nous avons longuement hésité avant de le sortir. À la réflexion, on s’est dit qu’il n'y avait aucune raison de le garder dans les cartons. Parce que le disque aborde des thèmes comme l'isolement, la déconnection de la réalité ou la dépendance aux réseaux sociaux. Avec la pandémie, tous ces sujets ont rencontré une nouvelle caisse de résonance…"

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Album visionnaire

Le nouvel album de BirdPen s'intitule "All Function One". Sous ce titre multifonctionnel, tous les paradoxes de nos sociétés interconnectées semblent à portée de main. Entre la probabilité de sauver le monde en quelques clics et l'éventualité de répandre une pandémie en un voyage Uber, l'ensemble de la planète procède en effet de multiples possibilités, mais d'une même réalité. "Mais quad nous avons achevé l'album, il nous était impossible d'anticiper les événements à venir. À l'heure où les gens rigolaient encore de l'histoire du pangolin chinois, le titre du disque était choisi et tous les morceaux étaient enregistrés. Interpréter tout ça a posteriori, c'est un peu étrange… À la base, "All Function One" était une façon de souligner nos ressemblances, d’expliquer qu’au-delà de nos cultures et de nos origines, nous sommes tous faits pareils. La crise sanitaire est venue offrir un autre éclairage à nos propos. Au final, c'est juste une extension du sujet initial : nous sommes tous et toutes sur le même bateau, aussi vulnérables les un.e.s que les autres."

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Brexit Music (for a film)

Confrontés comme tout un chacun à la pandémie, les garçons de BirdPen se montrent tout particulièrement résilients à l'heure d'envisager l'avenir. Ligotés aux règles sanitaires, les musiciens se sont en effet adaptés aux reports des tournées, tout en gardant un œil rivé à l'agenda politique. "Entre l'impossibilité de tourner et les conséquences administratives du Brexit, ce n'est pas simple d'être musicien anglais ces jours-ci. Cette situation est frustrante. Parce que la décision de sortir de l'Union Européenne découle d'un ramassis de mensonges et de votes extorqués dans les maisons de retraite... Malgré tout, nous gardons l'espoir et nous continuerons à jouer aussi longtemps que possible. Parce que l'idée même de la musique, c'est le partage et la possibilité de rassembler les gens. Quoi qu'il arrive, nous défendrons cet idéal."

Vol au-dessus d'un nid de coucou

En attendant de voyager simplement et de tourner plus librement, BirdPen profite d'une nouvelle chanson pour confesser sa peur de prendre l'avion. Le morceau "Seat 35" évoque ainsi la hantise de voler. Un comble, tout de même, pour un groupe qui porte un nom d'oiseau. "C'est de la paranoïa. Dès que je passe les portes d'un aéroport, j'ai des suées", confie le chanteur. "J'ai écrit ce morceau à la veille d'un départ à l'étranger avec Archive. Nous devions jouer à La Réunion. Tous les autres musiciens étaient enchantés à l'approche de cette date... Moi, je n'ai jamais fait autant de cauchemars avant d'aller jouer un concert. Je ne sais plus trop pourquoi je fais référence au siège n°35 parce que, dans la vraie vie, nous optons systématiquement pour le n°54. C’est de la superstition, un truc qui m’aide un peu à dépasser ma peur de voler."

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Cure de désintoxication

Véritable temps fort de l'album, "Modern Junks" évoque la dépendance de nos sociétés aux écrans. L'omniprésence des portables, l'emprise des réseaux sociaux et les dangers collatéraux de nos vies virtuelles façonnent les contours du morceau. "Aujourd'hui, nous sommes profilés pour nourrir Facebook, Instagram, Twitter ou TikTok. Nous avons l'impression d'agir librement mais dans les faits, nous sommes asservis, dociles, programmés pour alimenter le fil d'actualité de la machine. La chanson part de cette observation pour évoquer une autre vérité : nos cerveaux s'adaptent à la situation. C'est juste un constat un peu flippant qui nous concerne tous et toutes. De base, je considère que les réseaux sociaux sont une bonne chose. Ils permettent de connecter les gens, de générer des relations amoureuses et préserver des liens d'amitié… Le problème n'est pas là. Le souci, c'est la nature humaine, sa cupidité. À partir du moment où ces plateformes génèrent de gros montants, les dés sont pipés et le jeu est différent, forcément défaillant... Par la force des choses, nous sommes désormais les toxicomanes de la sphère virtuelle. Maintenant, il y a une question à se poser : une cure de désintoxication est-elle possible ?" En attendant de trouver une réponse concluante, BirdPen renoue avec le réel via une véritable tournée européenne. Une tournée qui passera notamment par trois fois en Belgique. Tout ça sans avion, mais avec un véritable public.

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