Lundi, alors que le Parlement devait entamer sa première session, l’armée a arrêté Aung San Suu Kyi, cheffe de facto du gouvernement civil, proclamé l’état d’urgence pour un an et placé ses généraux aux principaux postes.
Héritier du système
Peu charismatique, taciturne, peu bavard, mais appliqué et sérieux, Min Aung Hlaing, 64 ans, incarne l’image du système militaire birman. Lui qui a intégré l’académie militaire à 18 ans. Petit sans envergure particulière, aucun camarade de classe ne voyait en lui un futur général en chef appelé à devenir président de la Birmanie après un coup d’État militaire.
Min Aung Hlaing est un héritier du système, fidèle à une vision de l’armée birmane politiquement toute puissante. Avant même ce coup d’Etat, Min Aung Hlaing, était certainement déjà l’homme le plus puissant du pays, à la tête d’une armée qui échappe au contrôle du gouvernement civil.
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Il est à ce titre devenu ces dernières années un paria pour les capitales occidentales du fait de la répression sanglante menée par les militaires contre la minorité musulmane Rohingya dès 2016, 10.000 morts et plus de 750.000 exilés au Bangladesh.
Il a invariablement rejeté les accusations de violations généralisées des droits de l’Homme dans l’ouest du pays, affirmant que l’opération militaire en 2017 ciblait uniquement la rébellion locale. Cet homme moderne utilise les réseaux sociaux abondamment. Sur Facebook et Twitter, il défend l’action de l’armée pourtant accusée par plusieurs pays de "génocide" contre les membres de cette communauté. Et déclare : "Il faut que nos régions soient contrôlées par les races nationales. "
Depuis cette déclaration l’homme est interdit de séjour aux États-Unis et banni à vie de Twitter et Facebook.
Min Aung Hlaing était devenu commandant en chef en 2011 et s’attribuait le mérite de la transition démocratique qui avait permis la tenue en 2015 des premières élections libres en un demi-siècle dans l’ex-colonie britannique.
Une retraite reportée
Mais beaucoup d’experts de la Birmanie estiment que Min Aung Hlaing n’a pas l’intention de quitter le devant de la scène quand il aura en juillet 65 ans, soit l’âge de la retraite.
"Il n’a jamais caché qu’il avait des ambitions politiques", observe Hervé Lemahieu, un expert de la Birmanie au sein de l’Institut Lowy, en Australie. "Il avait caressé l’idée de se présenter aux élections. Il a probablement observé que le parti soutenu par les militaires avait totalement implosé et que jamais il ne serait en mesure de rester au pouvoir au travers d’élections".
Il se peut que le général s’inspire en fait de l’exemple de son voisin thaïlandais, avance Hervé Lemahieu en référence aux élections de 2019 en Thaïlande qui ont permis au chef de la junte Prayut Chan-O-Cha de se maintenir au poste de Premier ministre après un coup d’Etat cinq ans plus tôt. "Je m’attends à ce qu’il cherche à remettre son pays sur les rails grâce à des élections dont seront exclus les principaux acteurs, comme la LND et Aung San Suu Kyi", ajoute-t-il.
Stratège
Celui qui a petit à petit grimpé les échelons de la hiérarchie militaire est aussi capable d’intelligence stratégique, il s’est rapproché de la Russie et semble sûr de lui.
Un ancien diplomate australien le décrit comme un homme qui ne sait pas écouter et ne laisse parler personne, une victime de sa propre arrogance et de son ignorance des réalités.