Blake et Mortimer : Vie et mort d’un Piège diabolique (Épisode 7)

Vie et mort d’un Piège diabolique (1960-1962)

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Par Thierry Bellefroid via

Près de quinze ans après ses débuts, Edgar P. Jacobs est l’un des auteurs préférés des lectrices et des lecteurs du Journal Tintin. Tous les referendums organisés par le journal montrent l’extraordinaire popularité de Blake & Mortimer. Mais les ventes d’albums ne décollent pas forcément pour autant. Jacobs en souffre et pas seulement sur un plan financier : il aimerait être publié chez Casterman, comme son ami Hergé.

© Archives Sonuma

Mais n’est-il justement pas trop populaire pour que le directeur artistique du journal accepte son arrivée chez le prestigieux éditeur tournaisien ? Le père de Tintin ne s’est pourtant pas opposé à la publication des livres de Jacques Martin chez Casterman. Le créateur d’Alix l’Intrépide, inventeur du péplum en bande dessinée, est comme Jacobs un proche d’Hergé, il en devient l’un des assistants peu après le départ de l’auteur de Blake & Mortimer.

 

 

Martin a par ailleurs eu maille à partir avec Jacobs lorsqu’il a créé son autre série, Lefranc, dans laquelle Edgar P. a vu un grossier plagiat de son univers. Mais leurs relations ont fini par devenir cordiales.

Quelques auteurs du Journal Tintin sont également édités chez Casterman. Mais pas Jacobs, qui reste, comme la grande majorité d’entre eux, publié au Lombard, la maison-mère du magazine Tintin. Cet éditeur ne croit guère aux albums, à cette époque, et consacre toutes ses forces à défendre le journal d’une part, l’audio-visuel de l’autre.

Malgré ces aléas, Edgar P. Jacobs remet toujours son petit monde sur le métier avec autant d’énergie que de détermination. Il imagine une suite à S.O.S. Météores. Le professeur Miloch, le savant qui avait apparemment péri dans son laboratoire à la fin du précédent album, lègue à Mortimer une machine à voyager dans le temps.

Mortimer se précipite au rendez-vous, dans le petit village de La Roche-Guyon, à 80 kilomètres au nord-ouest de Paris. Il n’attend pas son ami Blake pour essayer l’engin. Mais Miloch a déréglé le Chronoscaphe et Mortimer se retrouve propulsé dans le temps, passant de la préhistoire à la période médiévale pour finir en 5060.

La vision du futur que propose Jacobs dans cette histoire est très pessimiste : déclin de la langue, surveillance des individus par drones, guerre nucléaire…

© Thierry Bellefroid

Le résultat de cette vision de la France en 5060 ne plaît pas aux censeurs, qui possèdent encore droit de vie et de mort sur les livres. Le Piège diabolique, sans doute l’un des meilleurs albums de Jacobs, est purement et simplement interdit de publication en France. C’est un coup dur pour l’auteur, dont le public français est très nombreux. Qui plus est pour une nouvelle aventure se passant dans des décors hexagonaux qu’il a pris soin de repérer avant de les choisir !

© Editions Blake & Mortimer/Studio Jacobs (Dargaud-Lombard s.a.), 2021

À partir du Piège diabolique, quelque chose est définitivement cassé, chez Edgar P. Jacobs. En six albums, il est arrivé plus loin que beaucoup de ses collègues. Il a inventé un type d’histoires, un ton, un style de narration dominé par les codes du cinéma et de l’opéra.

Au premier, il emprunte sa grammaire visuelle et son éclairage. Au second, sa dramaturgie, son jeu emphatique. Malgré tout cela, ces problèmes récurrents avec la censure usent l’auteur, qui en vient à renier son propre univers pour être certain de ne plus être ennuyé sur l’album suivant. Mal lui en prendra.

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