Blob cherche famille pour expérience scientifique (mais pas désespérément)

Un Physarum Polycephalum photographié au Parc Zoologique de Paris le 16 octobre 2019.

© AFP or licensors

Connaissez-vous le blob ? Cet organisme unicellulaire se définit souvent par la négative. S’il parlait, il dirait : "Je ne suis ni un animal, ni un végétal, ni un champignon. Qui suis-je ?". Et s’il poursuivait, il dirait : "Je suis… Un organisme unicellulaire qui appartient au règne des amibozoaires et à la classe des myxomycètes".

Vous diriez : "Mais encore ?" et il vous répondrait : "Mon nom scientifique est physarum polycephalum". Vous lui demanderiez où il vit, et il vous confesserait qu’on le trouve dans les forêts, à l’abri de la lumière, dans la litière des feuilles mortes, sous l’écorce des arbres morts.

Le climat et le blob

Mais pourquoi vous parler du blob ? Parce que le CNRS, le Centre national de la Recherche scientifique en France, recherche 10.000 adoptants pour cet organisme jaune, afin de participer à une expérience scientifique collective citoyenne, unique en son genre. "Derrière le blob, la recherche" est un projet de science participative ouverte à tous les volontaires français ou belges, qui veulent découvrir par la pratique comment se mène une expérience scientifique. La question de recherche, dans le cas présent est "quels sont les effets du changement climatique sur le blob ?".

Pour participer, il faut avoir au moins 8 ans et s’engager pour une semaine à un mois, à accueillir un blob et à l’hydrater, le nourrir, et simuler des vagues de chaleur en faisant varier la température à différentes fréquences et intensités. Toutes les données seront collectées et analysées par l’équipe du Centre de recherches sur la cognition animale (CBI) du CNRS. Une expérience scientifique participative et climatique.

Audrey Dussutour, porteuse du projet et éthologue au CNRS, nous explique le double objet du projet : "La première chose, c’est d’introduire la démarche scientifique auprès de nombreux citoyens, que ce soit comment on établit un protocole, comment on réalise des expériences, de façon contrôlée, la répétabilité des expériences… Ensuite, ils vont même être accompagnés pendant l’analyse des données, on va le faire ensemble, et ensuite on va même ensemble rédiger l’article. Moi, je vais rédiger, mais ça sera sur un fichier en ligne où les gens pourront suivre ce que je fais, j’expliquerai au fur et à mesure. Et ensuite, j’espère même créer un événement autour de la soumission de l’article. La deuxième, c’est bien sûr sensibiliser les gens au réchauffement climatique en l’expérimentant eux-mêmes sur un organisme qui est quand même plus ou moins attachant, parce qu’on s’attache très vite au blob bizarrement… Pourtant, c’est un organisme un peu spécial… C’est vraiment un organisme assez primitif, et pourtant, les gens s’y attachent parce qu’il a une certaine complexité comportementale malgré sa simplicité. Les gens s’y attachent vraiment, et donc on s’est dit "c’est l’organisme parfait pour que les gens puissent expérimenter les effets que peut avoir le réchauffement climatique sur un organisme vivant".

Des flocons d’avoine (pas bio)

Le blob se nourrit dans la nature de bactéries de champignons. Mais à domicile, durant l’expérience, il faudra l’alimenter en… flocons d’avoine. Tous les participants devront utiliser la même marque, car pour l’anecdote, le blob n’apprécie pas le bio, l’avoine n’étant pas traitée, il contient des petits pathogènes qu’il n’apprécie pas.

Un groupe contrôle

Les participants devront organiser l’expérience en ayant chacun leur propre groupe contrôle : un blob non soumis à des variations de températures, et simplement à température ambiante, et un autre, mis en condition de changements selon un protocole précis. Les conclusions pourront être très intéressantes, d’après Audrey Dussutour : "Souvent, le réchauffement climatique, on pense que c’est juste une augmentation d’un degré et demi… Le problème, c’est que ce n’est pas juste cette augmentation moyenne, mais en fait des changements de température qui sont très violents. Cette année, on a récupéré des amplitudes qui sont de 18 à 33 degrés d’un coup. Et ça, pour des organismes comme le blob, c’est vraiment fondamental, parce que le blob sait se mettre en dormance quand les conditions ne sont pas terribles, et attendre que les conditions s’améliorent, mais pour entrer en dormance, il a besoin de 2 ou 3 jours pour… Si on a des changements de 18 à 33 degrés, il ne va pas y survivre. Ce qu’on espère montrer dans cette étude, c’est que l’importance n’est pas juste une hausse de température, mais que c’est vraiment la dynamique de température qui va avoir  un effet sur le blob."

Déjà dans l’espace

Le CNRS avait déjà lancé une expérience sur le blob, en collaboration avec le Centre national d’études spatiales (CNES), en envoyant 4 exemplaires dans l’espace avec Thomas Pesquet, à bord de la Station spatiale internationale, et en équipant des écoles, pour reproduire l’expérience sur terre. Face à la demande d’autres citoyens, d’associations, de maisons de repos qui ne pouvaient pas entrer dans le projet, le centre a décidé de lancer cette nouvelle expérience : "Derrière le blob, la recherche".

Les inscriptions à l’expérience "Derrière le blob, la recherche" sont ouvertes sur le site du CNRS jusqu’au 12 novembre. La publication scientifique devrait paraître à l’issue de la collecte et l’analyse des données, à la fin de l’année 2022.

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