Belgique

Blocage persistant chez Delhaize : "pas de place pour la négociation", le ministre de l’Emploi désigne un conciliateur social

Par Jean-François Noulet avec Miguel Allo, Laurent Henrard et Céline Biourge

Cela fait trois semaines que la direction du groupe Delhaize a annoncé sa volonté de franchiser, en d’autres mots confier à des indépendants, ses 128 derniers magasins "intégrés", c’est-à-dire des magasins qui appartiennent à Delhaize et que la firme gère directement.

Un nouveau conseil d’entreprise s’est tenu mardi matin à 9h30 au siège du groupe, à Zellik et s’est terminé aux environs de midi. Depuis le 7 mars, date de l’annonce, les discussions entre la direction et les syndicats sont dans l’impasse.

Le troisième conseil d’entreprise n’a pas permis de faire évoluer la situation. "La direction nous a dit avoir fait son boulot en nous recevant trois fois", a expliqué un responsable syndical à la sortie de la réunion. "C’est du foutage de gueule, mais on ne va rien lâcher", a-t-il ajouté.

"Nous avons posé des questions et la direction nous a apporté des réponses, mais pas sur la question fondamentale de savoir s’il y a de la place pour la négociation et sur quoi nous pouvons négocier", a expliqué le secrétaire du syndicat CGSLB Wilson Wellens. "Ils disent qu’il n’y a pas de place pour la négociation et n’en voient pas la nécessité", a-t-il ajouté.

Déjà en cours de matinée, les premières échos qui nous parvenaient de cette nouvelle rencontre entre la direction de Delhaize et les syndicats indiquaient qu’on ne prenait pas le chemin du dialogue espéré par les syndicats et le personnel de Delhaize. "La direction n’écoute qu’elle-même. C’est un dialogue de sourds" apprenait-on de source syndicale. "Nous venons de répéter qu’il faut le retrait du plan. La direction refuse ce retrait", nous écrivait une source syndicale présente autour de la table.

D’un côté, les syndicats continuent de demander le retrait du plan. De l‘autre, la direction campe sur ses positions.

Sur place, à l’extérieur du bâtiment où s’est tenu le conseil d’entreprise, près de 600 membres du personnel étaient présents.

Avant la réunion, Rosetta Scibilia, employée chez Delhaize depuis 36 ans déclarait : "on attend que ça se passe autrement que lors des deux premiers conseils d’entreprise. C’est-à-dire qu’il y ait une ouverture de l’entreprise, qu’elle nous écoute. Le plan qu’ils nous proposent est imbuvable, les travailleurs n’en veulent pas". Francine Mathieu, employée depuis 35 ans chez Delhaize, caissière en région liégeoise, disait encore avoir "une petite lueur d’espoir", que les dirigeants de Delhaize "se rendent compte qu’ils ne peuvent pas faire ça". "On doit se montrer, on doit leur dire qu’on est des êtres humains et qu’on n’est pas des articles à solder", ajoute-t-elle au micro de la RTBF.

Pour le moment, il n’y a plus de réunion prévue entre la direction de Delhaize et les syndicats pour discuter du plan. 

D’ici là, la direction mise désormais sur un conciliateur social. Elle a demandé au ministre de l’Emploi, Pierre-Yves Dermagne, d’en désigner un. "Delhaize veut ainsi souligner, encore une fois, sa volonté d’investir dans le dialogue social et continuera à le faire", ajoute la chaîne de supermarchés. La direction dit espérer obtenir un "signal équivalent" de la part des syndicats et leur demande de rendre tous les supermarchés à nouveau accessibles aux clients.

Le ministre de l’Emploi a déjà réagi. "Nous avons dû constater que les parties n’ont pas réussi (une fois de plus) à engager un véritable dialogue sur l’annonce faite par la direction le 7/3. Aucune autre concertation n’est actuellement prévue au niveau local/de l’entreprise sur ce dossier. J’ai donc demandé au conciliateur social de prendre en charge le dossier et de réunir les parties pour une concertation. J’appelle les deux banques à un dialogue ouvert et constructif", communique Pierre-Yves Dermagne, ministre de l’Emploi.

De leur côté, les syndicats ont jusqu’ici promis de durcir le mouvement.

© RTBF – L. Henrard

Qu’attendaient les syndicats de ce conseil d’entreprise extraordinaire ?

Depuis l’annonce de la volonté de franchiser tous les magasins Delhaize, la direction du groupe avait planifié trois conseils d’entreprise extraordinaire. Le troisième avait lieu ce mardi 28 mars.

Les deux précédentes rencontres entre les représentants syndicaux et la direction de Delhaize n’avaient rien donné. La semaine dernière, le 21 mars, on était dans l’impasse. "Le blocage est total, donc la mobilisation se poursuit", résumait Myriam Djegham pour la CNE. "La direction a été hermétique à nos revendications", déplorait Myriam Delmée du Setca.

Depuis le début, les syndicats ont déploré le manque de dialogue avec les dirigeants de Delhaize. Ils espéraient de leur part un geste d’ouverture et un nouvel agenda de réunion puisque ce conseil d’entreprise extraordinaire était, en théorie, le dernier.

Pour rappel, les syndicats ont des craintes pour l’avenir des salariés de Delhaize une fois que les magasins dans lesquels ceux-ci travaillent auront été transférés à des indépendants franchisés. Les magasins intégrés et les magasins franchisés ne dépendant pas de la même convention collective, qu’en sera-t-il des acquis salariaux et sociaux ?

Outre le passage de 128 magasins intégrés sous le régime de franchise, les plans de la direction de Delhaize prévoient aussi la suppression d’emplois au siège de Delhaize. 247 postes sont ainsi visés dans les services centraux.

Depuis le 7 mars, les syndicats sont engagés dans un bras de fer avec la direction. Ce mardi, ils avaient appelé les travailleurs du groupe à la mobilisation à Zellik "pour se faire entendre".

Un contexte de bras de fer

Depuis trois semaines, les syndicats ont déployé une stratégie pour faire plier la direction de Delhaize et l’inciter à revoir sa décision de franchiser les 128 derniers magasins qui sont encore détenus par Delhaize.

Lundi, la veille du conseil d’entreprise extraordinaire, 67 supermarchés Delhaize étaient toujours fermés, soit la quasi-totalité des magasins intégrés de Delhaize en Wallonie et à Bruxelles. Seuls deux magasins étaient restés ouverts au sud du pays. En Flandre, six supermarchés intégrés étaient fermés. Ce mardi matin, 66 magasins étaient fermés sur les 128 que gère directement le groupe.

Le centre de distribution de Zellik a lui aussi fait l’objet d’actions de blocage. Ce week-end, cependant, le blocage en cours a dû être levé dans la nuit de vendredi à samedi. La direction avait recouru à un huissier pour faire cesser cette action. Mais ce mardi, les dépôts de Zellik devraient être à l’arrêt par solidarité ouvrière.

Les syndicats sont en tout cas décidés à continuer de combattre les plans de la direction de Delhaize. C’est en tout cas déjà ce qu’ils laissent entendre ce mardi, à l’issue du troisième conseil d’entreprise extraordinaire.

Delhaize : nouveau conseil d'entreprise extraordinaire

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