Belgique

Blocus : est-il plus efficace d’étudier sur papier imprimé ou sur écran d’ordinateur ? Voici ce que dit la science

© Getty Images

Par Victor de Thier

Chaque année, c’est la même rengaine. À l’aube du blocus, les imprimeries ne désemplissent pas. Les étudiants viennent imprimer leurs notes de cours ou leurs synthèses – voire leurs syllabi pour les plus retardataires – afin de se mettre dans de bonnes conditions pour entamer leur étude.

Si depuis plusieurs années, les outils technologiques ont progressivement remplacé le vieux matériel pédagogique – le tableau vert et la craie sont en voie de disparition – une tendance semble bien ancrée : l’étude sur papier.

"Le gros avantage d’une synthèse imprimée est qu’on peut l’annoter et la fluorer", "Le côté organique du papier m’aide à me concentrer, cela me permet de laisser tous mes appareils électroniques sur le côté", "Mes yeux fatiguent plus vite sur un écran..." Voici quelques-uns des témoignages d’étudiants à la sortie de l’imprimerie, un tas de feuille sous le bras.

Mais ce n’est pas le cas de tous. "J’ai plus de facilités sur un ordinateur à copier-coller les textes et à retrouver les informations qui m’intéressent dans les articles scientifiques", "Étudier sur un ordi me permet de transporter plus facilement mon cours et ne pas me perdre dans des centaines de pages", "Puis, c’est quand même une belle économie d’argent et de papier", déclarent ceux optant pour l’étude sur un support numérique.

Peut-on dès lors considérer que les premiers sont désavantagés par rapport aux seconds… ou inversement ?

De nombreuses études

Depuis le début des années 2000 et l’essor des écrans de téléphones mobiles, de tablettes et d’ordinateurs, des dizaines d’études ont été menées pour évaluer la compréhension de textes en fonction des supports de lecture.

Une analyse regroupant une cinquantaine de ces études et publiée en 2018 dans le Educational Research Review suggère que les jeunes comprennent mieux ce qu’ils lisent sur un support papier. Cette affirmation vaut cependant pour les textes documentaires et non pour les textes narratifs.

Constat plus étonnant : les auteurs affirment que les nouvelles générations comprennent mieux que les générations antérieures ce qui figure sur papier que ce qui figure sur un écran. Cette tendance s’est d’ailleurs accrue depuis une vingtaine d’années.

Une autre étude internationale publiée en 2019 a comparé les effets de la lecture de textes longs sur écrans et sur des documents imprimés. Les chercheurs ont observé des différences entre ces deux médias concernant les capacités à reconstruire le schéma temporel et la chronologie : la manipulation d’un livre obtient de meilleurs résultats.

Parmi les explications avancées, celle du neuropsychologue français Frédéric Bernard : "La lecture d’un livre implique non seulement l’analyse et le traitement de ce qui y est écrit mais aussi l’association entre un contenu et un objet riche d’un point de vue sensoriel." En d’autres termes, la forme, mais aussi l’odeur, le nombre et l’épaisseur des pages aident le cerveau à mieux intégrer les informations qui lui parviennent.

Plus récemment, des chercheurs se sont penchés plus spécifiquement sur le profil des lecteurs dans une étude publiée dans l’International Journal of Human-Computer Studies. Il en ressort que si la lecture à l’écran est une alternative équivalente à l’imprimé pour certains, les personnes ayant plus de difficultés à la compréhension auront plus de mal à assimiler la matière sur un écran. Selon les auteurs, ces résultats doivent permettre de guider ceux qui travaillent à l’optimisation de l’apprentissage dans l’enseignement.

Compréhension n’est pas mémoire

Si ces études s’accordent globalement sur le fait que la lecture sur support papier permet une meilleure compréhension des textes, l’impact sur la mémoire est moins certain. Pour les experts, dans ce cas, il est plus question de méthodologie que de support.

Mikaël De Clercq, chercheur expert dans les questions d’aide à la réussite à l’ARES, pointe ainsi trois grands points pour une étude efficace :

  1. Planification : une planification temporelle claire et réaliste est nécessaire pour pouvoir assimiler l’ensemble de la matière.
  2. Contrôle : il est important que l’étudiant inclue dans son étude des moments pour s’auto-tester et ainsi faire le bilan de ses connaissances.
  3. Régulation : il s’agit de la capacité de l’étudiant à vérifier que son étude est bien efficace au regard des deux premiers points et à adapter sa méthodologie en fonction.

"Ce sont des points souvent négligés par l’étudiant, qui préfère continuer à étudier comme il l’a fait en secondaire pour ne pas perdre trop de temps. Or, ces points sont justement très importants pour une étude efficace. L’étudiant doit également toujours bien garder en tête ce que l’enseignant attend", conclut le chercheur.

Au niveau du support, les enseignants invitent les étudiants à le choisir en fonction de leurs besoins : alors qu’un schéma ou un graphique peut être beaucoup plus facilement assimilé de manière didactique sur un ordinateur, certaines matières nécessitent d’être couchées sur papier pour une meilleure compréhension.

Et dans le fondamental et le secondaire ?

Cette numérisation de l’enseignement ne touche pas que le niveau supérieur, les plus jeunes sont aussi concernés. Si la technologie permet des cours plus didactiques, d’aucuns pointent son impact négatif sur la concentration des élèves.

C’est notamment le cas de la Suède. S’appuyant sur l’avis de médecins, le gouvernement juge les écrans responsables de la baisse du niveau des élèves. Pour y remédier il a récemment annoncé qu’il allait débloquer d’importants budgets pour accélérer le retour des manuels dans les établissements scolaires. L’objectif : un livre par élève et par matière, ce qui n’était plus le cas jusqu’ici.

Chez nous, si l’enseignement fondamental et secondaire se modernise – notamment via des projections et l’utilisation d’outils numériques en classe – les manuels scolaires restent bien d’actualité et leur disparition n’est pas à l’ordre du jour. "La numérisation de certains cours se fait en fonction des projets pédagogiques des écoles, mais il n’y a en aucun cas une volonté du tout au numérique", affirme le cabinet de la ministre de l’Éducation Caroline Désir (PS).

Sur le même sujet : extrait du JT du 22/05/2023

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