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Brésil : la tentative d’insurrection était annoncée depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux

Des partisans de l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro prennent d’assaut le bâtiment du Congrès.

© 2023 Anadolu Agency

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Par Grégoire Ryckmans et Guillaume Woelfle

Il a fallu plus de quatre heures aux forces de l’ordre pour reprendre le contrôle du palais présidentiel, du Congrès et de la Cour suprême après l’assaut de militants anti Lula, ce dimanche soir à Brasilia, la capitale du Brésil. Plus de 3000 assaillants ont réussi à prendre en défaut les forces de sécurité pour rentrer dans les bâtiments et y détruire le mobilier et les bureaux de parlementaires.

Pourtant, le site de fact-checking brésilien Aos Fatos indique que des messages sur les réseaux sociaux appellent à cette insurrection au moins depuis le mardi 3 janvier. Ces messages appelant à la "reprise du pouvoir" sont restés en ligne plusieurs jours. Certains d’entre eux sont encore en ligne à l’heure actuelle. Et cela malgré les différents engagements des plateformes en ligne de lutter contre les contenus violents et les accusations de trucage d’élections.

Des messages appelant à l’insurrection sur Facebook, TikTok, Instagram mais aussi sur Whatsapp et Telegram

Deux publications sur Facebook ont par exemple été pointées par les fact-checkers brésiliens. L’une date du 5 janvier à 17h30. Elle appelle à la mobilisation contre le président élu Lula les 7, 8 et 9 janvier à Brasilia, avec en commentaire ""Ta ma da de poder" ("je te donne le pouvoir") ou encore "Todo poder emana da povo" ("Tout le pouvoir émane du peuple"). Cette publication est toujours en ligne actuellement.

Une deuxième publication postée sur le compte Facebook "TV Bolsonaro" le 6 janvier indique "revolução militar pelos militares brasileiros", soit "révolution militaire par l’armée brésilienne". La publication appelle a la mobilisation des militaires le 8 janvier 2023 sur la "Place des Trois pouvoirs", lieu central des institutions brésiliennes. L’image indique faire office de "convocation constitutionnelle pour le peuple brésilien pour tous les militaires en service actif et les réservistes patriotiques anticommunistes et anti-dictature".

© Capture d’écran Facebook

Aos Fatos a également identifié une chaîne de messages appelant, entre autres, "les camionneurs, les agriculteurs, les éleveurs de bétail, les CAC (chasseurs et amateurs d’armes)" à "déterrer tous les rats qui ont pris le pouvoir". Des messages qui circulent sur des messageries brésiliennes depuis le mardi 3 janvier.

Le même type de messages circulait sur TikTok mais également sur le réseau social Kwai ou la messagerie Telegram déjà cinq jours avant la tentative de coup d’État. Sur Kwai, une vidéo appelait dès le 3 janvier à une "mobilisation de masse" pour paralyser le pays et prendre le contrôle du Congrès.

L’une des vidéos les plus virales a été postée sur Facebook le vendredi 6 janvier. Elle a été vue plus de 820.000 fois.

Le média brésilien de fact-checking a également identifié plusieurs chaînes YouTube qui ont diffusé des images en direct de l’assaut contre les institutions à Brasilia. Sur les 47 chaînes qui diffusaient les images de l’évènement, au moins 23 d’entre elles avaient une stratégie de monétisation sur la plateforme de vidéos appartenant à Google. C’est-à-dire qu’elles pouvaient gagner de l’argent par la simple diffusion en direct ou par la diffusion de montages des évènements à Brasilia ce 8 janvier.

L’inaction des plateformes pointée du doigt

La diffusion de ces contenus pose des questions sur l’inaction des plateformes alors qu’elles ont pour la plupart érigé des règlements pour tenter de lutter contre les contenus extrémistes.

Plus spécifiquement, Youtube indique qu’elle interdit "certains types de contenus mensongers ou trompeurs qui présentent un risque important de préjudice majeur". La plateforme cite d’ailleurs comme exemple : "de fausses affirmations selon lesquelles des fraudes, erreurs ou problèmes généralisés se seraient produits lors d’élections de chefs de gouvernement passées, ou contenu affirmant que les résultats certifiés de ces élections étaient falsifiés". La page cite nommément les élections présidentielles de 2022 au Brésil. Selon ses propres règles, elle aurait donc dû supprimer les contenus pointés par Aos Fatos.

Facebook de son côté interdit de publier "tout contenu comportant des déclarations d’intention, des appels à l’action, des déclarations conditionnelles ou idéalistes, ou un plaidoyer en faveur de la violence liée au vote, à l’inscription sur les listes électorales, à l’administration ou au résultat d’une élection."

TikTok, Telegram ou Kwai ont des règlements similaires qui ont également pu être contournés ces derniers jours.

La campagne présidentielle brésilienne était pourtant suivie de près par des observateurs de la désinformation (1, 2, 3) alors que le pays apparaît comme étant extrêmement polarisé. Nos confrères de Libération évoquaient déjà en octobre dernier, avant le second tour de l’élection présidentielle : "La crainte d’un coup de force, en gros un scénario à la Donald Trump quand les partisans du président défait par Joe Biden avaient envahi le Capitole".

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