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Brésil : pauvreté, déforestation, unité du pays… quels sont les principaux défis à relever par Lula ?

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Au lendemain de la victoire de Lula face à Bolsonaro au Brésil, après avoir été acclamé par une impressionnante marée rouge de centaines de milliers de partisans massés sur l’Avenida Paulista de Sao Paulo, Lula devra se retrousser les manches. Car les défis étaient et restent immenses pour le géant d’Amérique latine. Petit tour des quelques chantiers titanesques qui attendent le vainqueur de 77 ans.

Déforestation

Et le nouveau président – qui a déjà gouverné par le passé durant deux mandats de déclarer, dans son discours de victoire : "Le Brésil est prêt à reprendre son leadership dans la lutte contre la crise climatique […] Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie". C’est que son prédécesseur d'extrême droite Jair Bolsonaro s’est attiré les critiques de la communauté internationale pour la déforestation record de la plus grande forêt tropicale du monde sous son mandat.

Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie

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Images d’illustration © AFP/BELGA

Protection des indigènes

"Le cauchemar est enfin terminé. Lula doit agir fermement et rapidement sur l’environnement", a déjà réagi le collectif d’ONG Observatoire du Climat. Ce que confirme Frédéric Louhault, le co-directeur du centre d’études des Amériques, qui était l’invité de Pascal Claude dans "Matin Première" : "Lula s’est engagé à tourner la page du bolsonarisme et de la déforestation"

La Norvège, qui avait gelé son aide financière contre la déforestation de l’Amazonie au Brésil sous la présidence de Bolsonaro, surnommé le "Trump tropical" a annoncé le redémarrage de sa collaboration avec Brasilia, a déclaré lundi le ministre norvégien de l’Environnement.

Lula s’est engagé à tourner la page du bolsonarisme et de la déforestation

"Concernant Lula, on note que, pendant la campagne, il a mis l’accent sur la préservation de la forêt amazonienne et la protection des populations indigènes d’Amazonie", a expliqué Espen Barth Eide. "C’est pour cela que l’on a hâte de prendre contact avec ses équipes, aussi rapidement que possible, pour préparer une reprise de la collaboration historiquement bonne entre le Brésil et la Norvège".
 

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Image d'illustration © AFP

Place à l’international

"Aujourd’hui, nous disons au monde que le Brésil est de retour, il est trop grand pour être relégué à ce triste rôle de paria dans le monde", a-t-il ajouté tandis que le plus grand pays d’Amérique latine s’est aussi isolé sur le plan diplomatique lors des années Bolsonaro. La victoire de l’homme de gauche a en tout cas déjà été saluée par nombre de dirigeants internationaux. Son image a en effet laissé de très bons souvenirs à nombre de chefs d’Etat étrangers entre 2003 et 2010. Il lui faudra néanmoins renouer les partenariats.

Au sujet de la guerre en Ukraine, Lula s’était durant la campagne électorale distancé de ses partenaires occidentaux. Le grand objectif sera de les rassurer.

Lutte contre la faim et extrême pauvreté

Lula a aussi plaidé pour "un Brésil égalitaire, un Brésil pour tous, dont la priorité est donnée aux personnes qui en ont le plus besoin""Notre engagement le plus urgent est d’éliminer à nouveau la faim" alors que 33 millions de Brésiliens sont en insécurité alimentaire, a-t-il souligné.

Entre 2003 et 2010, il avait fait sortir 30 millions de personnes de la pauvreté, souligne Frédéric Louhault. "Ce que Lula dit, c’est que tout a été détruit, déstructuré, après son départ en 2010. Et que maintenant il doit reconstruire ce qu’il avait construit" lors de ses deux précédents mandats. Le mythe de Sisyphe en somme.

Pour cela, il doit relancer l’économie. "Cela devrait prendre du temps" note l’expert en géopolitique. "Mais son objectif est de relancer la croissance pour en distribuer les fruits aux populations les plus pauvres" du grand pays émergent.

Lula et son épouse Rosangela, à Sao Paulo, le 30 octobre
Lula et son épouse Rosangela, à Sao Paulo, le 30 octobre © AFP

Restaurer l’unité du peuple…

"Je vais gouverner 215 millions de Brésiliens, et pas seulement ceux qui ont voté pour moi. Il n’y a pas deux Brésil, nous sommes un seul peuple, une seule nation", a-t-il encore lancé à l’issue d’une campagne électorale brutale qui a coupé le pays en deux.

"Ce pays a besoin de paix et d’unité", a jugé le président élu, car "personne n’a envie de vivre dans une famille où règne la discorde. Personne n’est intéressé à vivre dans un pays divisé".

Je suis moitié heureux, moitié inquiet

Et cet objectif d’unité semble pour l’instant difficile à atteindre, et ce dû au mutisme de son prédécesseur. Le silence du chef de l’Etat sortant était troublant, y compris sur les réseaux sociaux, où il est d’habitude très actif. C’est la première fois qu’un président brésilien échoue dans sa tentative de réélection.

"Dans n’importe quel pays au monde, le candidat défait m’aurait déjà appelé pour reconnaître sa défaite. Il ne m’a toujours pas appelé, je ne sais pas s’il va appeler et s’il va reconnaître" sa défaite, a déclaré Lula s’adressant à ses partisans.

"J’aimerais bien être juste heureux, mais je suis moitié heureux, moitié inquiet", a-t-il insisté.

… et d’une classe politique polarisée

Anne Vigna, correspondante pour la RTBF au Brésil, souligne l’écart minime entre les deux candidats au sortir des urnes. Moins de deux millions de votants. "Ce qui est absolument inédit dans l’histoire du Brésil. Les sondages avaient prévu un écart beaucoup plus important, environ six millions de voix. Ce score montre donc bien que le bolsonarisme est bien implanté dans la société brésilienne". Un Brésil très divisé donc. "On a un vote Bolsonaro dans les états les plus riches, au sud et à l’ouest du pays, là où l’agro-business et les industries sont très présents. Puis une gauche qui continue à très largement dominer le nord-est du pays, beaucoup plus pauvre.

Politiquement, il aura aussi fort à faire car les élections du début du mois ont vu un renforcement de l’opposition parlementaire. Les alliés de Jair Bolsonaro forment le principal bloc du Congrès. Lula (et son "parti des travailleurs") devra donc faire des alliances… "Ce qui est toujours très compliqué au Brésil car il y a énormément de partis" analyse notre correspondante.

Sa marge de manœuvre est trop faible

Outre le Congrès, à Brasilia, "la majeure partie de la population du pays va être dirigée par des gouverneurs alliés de Jair Bolsnonaro. D’ailleurs, hier soir, son ministre des infrastructures a emporté l’Etat de Sao Paulo, le plus peuplé. Les états de Rio de Janeiro et le Minas Gerais seront aussi gouvernés par des alliés de Bolsonaro". Lula, dont les compétences de négociateurs, issues notamment de son passé de syndicaliste, lui seront plus que nécessaires. Ce serait néanmoins possible, notamment car "tous les bolsonaristes ne sont pas des extrémistes" souligne Anne Vigna.

"A l’aise dans les différents secteurs de la société, avec les secteurs économiques que les syndicats, il va jouer sur cette expérience négociatrice pour constituer une majorité très large qui va devoir lui permettre de gouverner. Mais gouverner sans grands projets de réformes" souligne Frédéric Louhault. "Parce que sa marge de manœuvre est trop faible. Il a beaucoup promis à des alliés - jusqu’à la droite traditionnelle – et il devra rendre politiquement les services qui ont été rendus ses derniers mois".

Lula a en tout cas souligné lors de son discours qu’il avait hâte d’être au premier janvier, jour de l’investiture.

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