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Broadcast : Des bonnes ondes en flux continu

Broadcast renoue avec l'actualité via une série de rééditions et un festival belge.

© WARP

Formation culte, Broadcast a implosé dans le ciel des musiques alternatives voici une dizaine d’années. Comme pour raviver le manque, des inédits dégotés dans les greniers de la BBC et du label WARP viennent aujourd’hui souligner l’importance du groupe anglais. Un groupe dont le nom sert à présent d’enseigne à l’une des meilleures adresses bruxelloises. De la musique de Broadcast à l’affiche du festival BRDCST, JAM. rassemble les pièces d’un des plus beaux puzzles de la pop moderne.

L’histoire de Broadcast commence par une comédie et s’achève sur une tragédie. Entre les deux, il y a eu trois albums indispensables et une poignée de EP’s inoubliables. Désormais, il y a aussi des sessions retrouvées dans les tiroirs de John Peel, ainsi que des expérimentations récupérées dans le laboratoire des têtes chercheuses du label WARP. Mais avant de faire la fierté du célèbre pavillon anglais (Aphex Twin, Flying Lotus, Yves Tumor), Broadcast s’est distingué en plaçant l’une de ses mélodies intergalactiques à l’affiche du film Austin Powers. À partir de là, le groupe formé par la chanteuse Trish Keenan et le multi-instrumentiste James Cargill va façonner une discographie atypique. Aux confins de l’électro, de la dream pop et d’un folk-rock lunaire, la musique de Broadcast a décloisonné les genres au-delà des attentes et montré la bonne voie, avant de connaître une sortie de route fatale. Affaiblie par le virus H1N1, Trish Keenan succombe des suites d'une pneumonie en janvier 2011, laissant derrière elle un vide abyssal, des morceaux inédits et les prémices d'un festival bruxellois organisé par l'AB…

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Peel slowly (and see)

Mélomane, défricheur hors pair, le regretté John Peel a mis son savoir-faire au service de BBC Radio 1, lançant au passage les carrières anglaises de centaines d’artistes. David Bowie, The Cure, Joy Division, Pavement ou The White Stripes, notamment, lui doivent une fière chandelle. Passé à quatre reprises par les studios de l’animateur radio, Broadcast y a aussi enregistré des sessions en lévitation. Réunies sur la compilation "Maida Vale Sessions", ces enregistrements capturent l’essence du groupe de Birmingham de ses débuts à sa disparition prématurée. Entre envolées fantasmagoriques, passé revitalisé et sonorités futuristes, la musique sert parfaitement la voix mystique de Trish Keenan. Moins cher qu’un voyage dans l’espace, cette compilation offre du rêve et des étoiles, de la mélancolie et du bonheur à l’état pur. Enregistrés à différentes périodes de l’histoire, les quinze morceaux gravés sur cette plaque (tournante) permettent en effet de (re)considérer l’œuvre et la place de Broadcast sur la carte des musiques alternatives. Au-delà de trésors cachés comme "Color Me In", "Pendulum" ou "Come On Let's Go", les fonds de tiroir de la BBC plafonnent avec l’imparable "Sixty Forty", une reprise de Nico, l’égérie du Velvet Underground. Ou comment relier deux groupes culte d’une seule traite.

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BRDCST à BXL

Adulé et respecté partout dans le monde, l’héritage de Broadcast occupe une place à part en Belgique. À Bruxelles, le festival BRDCST organisé par l’AB emprunte en effet son nom au groupe de Birmingham. Entre révérence ultime et moyen le plus court pour entrevoir l’avenir des musiques alternatives, la référence est une idée de Kurt Overbergh, le directeur artistique de la salle bruxelloise. "Par le passé, l’AB organisait un festival baptisé Domino", retrace ce dernier. "C’était à la fois une allusion au célèbre label anglais, mais aussi un clin d’œil au nom d’une ancienne émission radio très radicale et super culte en Flandre. Cette émission était animée par Luc Janssen, le papa de Eppo, le programmateur du Pukkelpop. Appeler notre festival Domino, c’était une façon de couvrir un large panel des musiques indie. J’avais eu cette idée au contact du festival ATP, un rendez-vous musical qui s’inspirait directement du morceau "All Tomorrow's Parties" du Velvet Underground. J’aimais beaucoup cette référence indirecte à l’histoire pour parler de l’actualité. Le festival BRDCST procède d’une même réflexion. Mais cette fois, tout est parti de la musique du groupe Broadcast…"

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Milky Way & Microtonics

En marge des sessions ressuscitées du côté de la BBC, le label WARP exhume également quelques curiosités. À commencer par "Mother is the Milky Way", un ensemble de onze titres proches de la musique concrète et des collages sonores. Plus abstrait et expérimental, cet enregistrement vendu en tirage limité lors de l’ultime tournée du groupe anglais connaît aujourd’hui une deuxième vie. Un bon plan pour les fans de contes de fées sous acides. Pour prolonger le trip, le label Warp ajoute même deux volumes baptisés "Microtonics". Sur lesquels Broadcast surfe sur les textures sonores et plonge à travers des vagues synthétiques venus d’océans lointains. Moins tournée vers le grand public, la série "Microtonics" entretient plutôt des liens avec la musique contemporaine de compositeurs comme Steve Reich ou John Cage. "C’est aussi pour ça que j’aime Broadcast !", s’enthousiasme le directeur artistique de l’AB. "Leurs chansons sont hyper fluides et transgenres. Sur papier, c’est de l’électronica et des mélodies pop, mais c’est aussi du krautrock, et des influences psychédéliques."

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Afrobeat, techno et black metal

Durant sa carrière, Broadcast a également collaboré avec des personnalités venues d’autres galaxies. Des gens aussi différents que Clark, Gravenhurst ou The Focus Group se sont un jour acoquinés avec Trish Keenan et James Cargill. Sans oublier les bandes originales enregistrées pour le cinéma. "Broadcast n’était pas un simple groupe", remarque Kurt Overbergh. "C’était une entité aux multiples facettes. Cette identité plurielle est totalement en phase avec les artistes que nous proposons à l’affiche du festival BRDCST. Un projet comme Duma, par exemple, c’est un mélange d’afrobeat, de techno industrielle et de black metal. Dans un autre genre, la trompettiste jaimie branch est désormais une figure incontournable du jazz. Mais elle infuse sa musique d’un esprit typiquement punk." Entre le 8 et le 10 avril, le festival BRDCST sera aussi l’occasion d’entrevoir les performances de Tirzah, Catherine Graindorge, Avalanche Kaito, Wu-Lu, MIMI ou l’impayable DJ Marcelle.

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Trait d’union

Source d’inspiration inépuisable, la musique de Broadcast revient donc une dernière fois dans l’actualité à la faveur de ces trois compilations exhumées. "Maida Vale Sessions", "Mother is the Milky Way" et "Microtonics Vol 1 & 2" nous plongent entre hier et ailleurs, au cœur de paradis perdus qui, l’air de rien, en disent long sur la musique de demain. "Pendant le festival BRDCST, nous allons aménager un espace dédié où les gens auront la possibilité d’écouter ces trois recueils", indique Kurt Overbergh. "C’est le moment idéal pour renouer le lien qui existe entre le groupe et notre événement. Lors des deux premières éditions du festival, nous avions agrandi et exposé les pochettes des albums de Broadcast à l’entrée de l’AB. Aujourd’hui, nous rêvons de prolonger cette filiation en invitant James Cargill au festival. On aimerait qu’il participe à un "talk" sur l’état des musiques actuelles. Parce que c’est là que BRDCST trouve tout son sens : au croisement des continents et des cultures, là où les gens et les genres se mélangent pour un monde meilleur."

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