Musique

Bruce Springsteen, Bob Dylan, Justin Bieber… Pourquoi les artistes vendent-ils leur catalogue ?

Le chanteur américain Bruce Springsteen a vendu l’entièreté de son catalogue musical à Sony Music Entertainment (SME), filiale du géant japonais Sony Corporation pour un montant de près d’un demi-milliard de dollars (442 millions d’euros).

© AFP or licensors

Bruce Springsteen, Bob Dylan, Dr Dre, et plus récemment Justin Bieber, la liste des artistes vendant leur catalogue ne cesse de s’allonger. En quoi consistent ces ventes ? Qu’impliquent-elles pour les artistes et les ayants droit ? Pour répondre à ces questions, Robin Duculot a interviewé Christophe Pirenne, professeur d’histoire de la musique des politiques culturelles à l’Université de Liège et à l’Uclouvain.

Vendre son catalogue, cela consiste à vendre les droits des chansons que l’on a composées. Il s’agit souvent d’une vente réalisée à des multinationales spécialisées comme Universal ou Sony Music, mais depuis les années 2020, ce sont des fonds d’investissement qui achètent maintenant ces catalogues.

Interrogé sur la raison principale motivant les artistes à se séparer de leur catalogue, Christophe Pirenne répond que c’est "Tout simplement parce que cela permet de faire rentrer de l’argent rapidement. Pour les acheteurs, cela permet de produire des flux ou des revenus fiables plus ou moins à long terme en exploitant les chansons que l’on possède désormais. L’exploitation, c’est les placer sur toute une série de supports : dans des séries, dans des films, dans des publicités, dans des jeux vidéo. Ce qu’ils espèrent surtout c’est les exploiter sur les réseaux sociaux."

Le professeur ajoute aussi que l’exploitation de leur catalogue uniquement par le biais du streaming ne leur rapporte plus assez. "Pour eux c’est le moyen d’avoir une somme fixe colossale et de l’autre côté les majors ont une force de frappe pour essayer de placer ces musiques dans toute sorte de médias."

L’implication de ces grandes firmes dans les achats de catalogue vient en partie du buzz généré par une vidéo sur TikTokDans celle-ci, Nathan Apodaca, plus connu sur l’application sous le pseudonyme 420doggface208, se balade à skateboard en buvant du jus de canneberge tout en fredonnant la chanson Dreams de Fleetwood Mac. Il n’en fallait pas plus pour donner une seconde popularité à ce morceau auprès des utilisateurs de TikTok et ainsi le catapulter à nouveau au sommet du hit-parade 43 ans après sa sortie. "Ça permet par des choses un peu improbables comme ça, de voir que des classiques de la chanson peuvent générer des profits très importants très rapidement."

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Plus récemment, les héritiers de Michael Jackson ont vendu 50% du catalogue du roi de la pop pour un peu moins d’un milliard de dollars, un record absolu. Christophe Pirenne précise que s’ils arrivent à rembourser cette avance, les artistes ou les ayants droit peuvent continuer à avoir un pourcentage. "Malgré des sommes qui sont considérables, une partie des artistes pensent qu’ils auront d’avantage que la somme qui a été investie et qu’ils ont déjà reçue." Il n’est d’ailleurs pas étonné par ce fait. "C’est un artiste qui est encore dans la mémoire de la plupart des êtres humains qui habitent cette terre aujourd’hui, donc ça permet d’envisager une exploitation à plus ou moins long terme. Le risque qui tourne autour de ces achats pour des sommes astronomiques, c’est de voir quel est le laps de temps prévu pour la rentabilité parce que la musique populaire une de ses caractéristiques, c’est qu’elle n’est pas populaire de manière indéfinie."

Ce sont donc des investissements très spéculatifs jouant sur la croyance que les classiques de la musique pop garderont leur statut de "classiques" pendant des décennies voire plus longtemps. "Mais j’ai un doute car dans l’histoire des musiques populaires ce n’est pas tout à fait le cas." ajoute le professeur.

Si pour l’instant cette pratique est très anglo-saxonne, il n’est pas impossible de voir ce phénomène arriver chez nous et d’assister plus tard aux ventes des catalogues de Damso, Angèle, Adamo ou encore Annie Cordy. Une des firmes réalisant ce genre d’investissements, Hypgnosis, possède à l’heure actuelle plus de 150 catalogues.

 

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