Un coup de fil pour désamorcer le dossier brûlant de l’Ukraine : c’est ce soir, à 19h30 heure belge, que les présidents américain et russe font le point sur les pistes de sortie de crise.
Joe Biden propose la "voie diplomatique" sans préciser laquelle, avec toujours la menace de sanctions "jamais vues".
Du côté russe, on campe sur ses positions : pas question de céder quoi que ce soit face à des "requêtes inacceptables". Moscou affirme n’agir qu’en réaction à ce qu’il décrit comme une hostilité ukrainienne et occidentale et suggère de couler dans des traités l’interdiction d’élargir l’Otan à l’est et notamment à l’Ukraine.
Va-t-on assister à une désescalade ou au contraire vers l’épreuve de force ?
Des troupes russes face à l’Ukraine
Pour bien comprendre la crise ukrainienne, petit retour en arrière. C’est bien le rapprochement de l’Ukraine avec les Occidentaux, Union européenne et Otan, qui inquiète la Russie. En 2014, en réaction à une révolution pro-occidentale, la Russie a déjà annexé la péninsule de Crimée, et le Donbas, une partie du territoire ukrainien à l’est, a fait sécession de Kiev.
Depuis le conflit dans l’est de l’Ukraine se poursuit, de façon épisodique, non sans pertes humaines. Malgré un cessez-le-feu conclu en 2020, des échanges de tirs continuent de façon sporadique entre forces ukrainiennes et séparatistes pro russes soutenus en sous-main par Moscou selon l’Otan. Les accords de Minsk ne sont pas encore appliqués dans leur totalité, notamment en ce qui concerne l’organisation d’élections locales dans le Donbas.
Mais comme en avril dernier, l’armée russe masse à nouveau depuis un mois des troupes face à la frontière ukrainienne, à l’est du pays et en Crimée, et la nervosité est montée de plusieurs crans. Près de 100.000 hommes sont déployés face à l’Ukraine, selon les Occidentaux, voire plus selon l’Ukraine.
Kiev dit clairement redouter une attaque cet hiver. Des services occidentaux précisent même qu’une invasion ou une incursion, si elle a lieu, est pour début 2022.
Même si Vladimir Poutine rêve d’une seule nation russe et ukrainienne, la Russie dément tout projet d’invasion… Les troupes seraient même rentrées dans leurs casernes, affirme le Kremlin. Moscou dénonce la mobilisation de la moitié de l’armée ukrainienne, 125.000 hommes, face à sa frontière. Mais le rapport de force entre armées russe et ukrainienne est immensément favorable à la première. Les images satellites montrent des troupes à Yelnya, Pogonovo, Soloti à l’est, à Novoozeroye, Bakhchysarai en Crimée.
Menaces de sanctions
Les Occidentaux montent au créneau mais en paroles essentiellement. Lors du déploiement de forces russes à la frontière ukrainienne en avril, des menaces avaient été brandies, et les troupes russes s’étaient, en partie du moins, retirées.
Lors d’un précédent entretien téléphonique le 7 décembre entre Joe Biden et Vladimir Poutine, le président américain avait menacé son homologue de sanctions "comme il n’en a jamais vu" en cas d’attaque contre l’Ukraine. Des sanctions qui seraient économiques et financières, comme la déconnexion de la Russie du système de paiement international Swift, des restrictions à la convertibilité du rouble ou le blocage du gazoduc Nord Stream 2 sur lequel l’Allemagne a la main.
Les Etats-Unis ont affirmé tout leur soutien à la souveraineté de l’Ukraine et à son intégrité territoriale. Ils se concertent avec leurs alliés britanniques, français et allemands pour offrir une réponse coordonnée. Cela dit, même si elle en est proche et souhaite rejoindre le club, l’Ukraine ne fait pas partie de l’Otan, ce qui ne lui garantit pas une solidarité militaire automatique.
L’alliance soutient cependant Kiev avec du matériel : la Grande-Bretagne va aider l’Ukraine à construire deux bases navales sur la mer Noire et sur la mer d’Azov. Les Etats-Unis fournissent des missiles antichars, des patrouilleurs des garde-côtes, la Turquie vend ses drones.
Lignes rouges
L’appel téléphonique de ce jeudi soir doit servir à baliser la rencontre prévue à Genève le 10 janvier entre les deux pays sur les traités de contrôle de l’armement nucléaire et la situation à la frontière russo-ukrainienne.
Ces négociations ne seront pas faciles. Washington souhaite "voir les troupes russes retourner à leurs zones d’entraînement habituelles". Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a d’ores et déjà exclu toute "concession". Les Etats-Unis avaient auparavant prévenu que certaines requêtes russes étaient "inacceptables", à savoir une interdiction par traité que l’Ukraine intègre un jour l’Otan. Pareil pour la Géorgie.
Les Européens rejettent aussi ce droit de veto, mais plus personne ne parle de l’intégration de l’Ukraine et de la Géorgie à l’Otan ni de leur entrée dans l’Union européenne.
La Russie ambitionne même d’exiger un retour de l’Otan à ses frontières d’avant 1997, à savoir un retrait de ses unités combattantes de Pologne et des pays baltes… Une demande qui a peu de risque d’aboutir.
Mais ce sont là les lignes rouges à ne pas franchir pour les Russes. C’est surtout cela qui est en jeu pour l’instant apparemment, bien plus qu’un projet d’annexion par la Russie d’une partie ou de la totalité de l’Ukraine. La Russie tient à arracher cette garantie aux Occidentaux.