Cyclisme

Bruno Delbecq, soigneur depuis 17 ans : "J’ai été marqué par les blessures de Johnny Hoogerland"

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Par Kevin Paepen

Il s’appelle Bruno, mais dans le peloton, c’est "nounours" son surnom. "C’est Frédéric Amorison qui m'appelait comme ça dans l’équipe Landbouwkrediet" sourit Bruno Delbecq. Soigneur au sein de la formation Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux, l’homme de 56 ans roule sa bosse sur les courses pros depuis près de 20 ans. Travailleur de l’ombre, à l’écoute et aux petits soins pour ses coureurs, le Belge n’est jamais très loin de ses bidons. Le cyclisme a toujours occupé une place importante dans sa vie. La passion naît dès sa plus tendre enfance. Le jeune Bruno attrape le virus du vélo à Sirault, petit patelin de la province de Hainaut.

"Mon papa est un fana de vélo" raconte Bruno Delbecq. "On a toujours roulé à vélo dans la famille. On suivait les courses. Il y avait énormément de courses de jeunes dans le village. Je n’imagine pas ma vie sans le vélo. Comme tout gamin, j’ai fait du vélo mais vraiment en amateur. Dans les courses ‘tout coureur’ comme on disait dans le temps. Mais je suis plus fort comme soigneur que comme coureur... (rires)".

Dans la région, Bruno devient la cheville ouvrière du VC Haut-Pays. Un club de jeunes dont il sera le président. Au fil du temps, l’homme porte plusieurs casquettes. Organisateur, formateur mais surtout... soigneur. Un métier qu’il apprend sous la houlette d’Eddy De Groote, ancien soigneur d’Erik Zabel.

"A la base, quand j’avais mon club de jeunes, je m’étais associé avec Marcel Torrekens. C’est lui qui m’a ouvert la porte" se souvient le soigneur de l’équipe Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux. "J’avais un peu peur de franchir le pas, mais Marcel m’a conseillé d’aller suivre les cours en Flandres chez Eddy De Groote. Et Marcel m’a servi de cobaye sur la table... (rires). C’est parti comme ça. J’ai massé les jeunes de mon équipe comme Romain Zingle qui est devenu professionnel. Puis, les coureurs de Jean-François Bourlart au VC Ath et au Groupe Gobert avant de passer chez Wallonie-Bruxelles et Landbouwkrediet. C’est chez Gérard Bulens que j’ai fait mes armes. J’ai appris beaucoup là-bas pendant 4 ans. Je faisais toutes les grosses pattes, tous les sprinteurs. Stijn Steels par exemple qui roule aujourd’hui chez Quick Step. Il était tout jeune, mais il avait des cuisses énormes. J’ai aussi été marqué par le professionnalisme de Sven Nys".

Chez Landbouwkrediet, je faisais toutes les grosses pattes... 

« Nounours », les mains d’or du peloton

Le bar est ouvert. Bruno Delbecq attend les coureurs sur le bord de la route au Tour d'Oman
Le bar est ouvert. Bruno Delbecq attend les coureurs sur le bord de la route au Tour d'Oman © RTBF

Très apprécié par les coureurs, Bruno Delbecq est une figure connue sur les courses belges. Son savoir-faire traverse aussi les frontières. Après Wallonie-Bruxelles et Landbouwkrediet, le soigneur hennuyer passe par Androni-Giocattoli, Fortuneo ou encore Cofidis avant de retrouver Jean-François Bourlart chez Intermarché-Wanty-Gobert Matériaux.

"Pour être soigneur, il faut savoir ressentir les choses" explique Bruno Delbecq. "C’est quelqu’un qui est à l’écoute. C’est quelqu’un qui masse bien. On dit toujours qu’on a des mains d’or. Pourquoi ? Je ne sais pas. On sent beaucoup de choses, c’est vrai. Ça s’apprend avec le temps. Moi, j’adore masser. Je sens le coureur. Je sens le petit nœud. Je sens le petit problème et on trouve des solutions pour tout. Mais il n’y a pas que ça. C’est un métier très spécial. Il faut être d’une grande disponibilité. On est un peu la maman, la nounou des coureurs. C’est une vie spéciale. Frédéric Amorison était très pointilleux dans la préparation. Après une grosse sortie, il n’était pas rare qu’il m’appelle pour se faire masser. Il venait à la maison. Quand il repartait, lui il était bien et moi, j’étais fatigué... (rires)".

On est un peu la maman, la nounou des coureurs... 

Etre soigneur, c’est aussi une vie sur les routes. Une vie sur les courses. En Belgique ou à l’étranger. Premier levé, dernier couché. Toujours aux petits soins pour les coureurs. Entre bidon, massage et... petit bonbon dans la musette.

"Au Tour d’Italie avec l’équipe Androni, la première fois que j’ai contrôlé la musette, j’ai été étonné" se souvient le soigneur belge. "Un vieux soigneur italien me dit... 'Bruno, il manque quelque chose !'. Je dis non, il ne manque rien. Et il me répond... 'En Italie, c’est spécial ! Il faut mettre un morceau de parmesan dans la musette'. Un morceau de parmesan ?? Je me rappelle que Franco Pellizotti qui était champion d’Italie m’avait demandé si j’avais bien mis le stick de parmesan dans sa musette. Oui oui... j’ai mis le stick... Grazie (rires)".

En Italie, c’est spécial. Il faut mettre un morceau de parmesan dans la musette... 

Guidé par la passion, Bruno Delbecq entame sa 17ème saison dans le cyclisme professionnel. Toujours avec le même amour du vélo et un profond respect pour les coureurs.

Les jambes en sang de Johnny Hoogerland après sa terrible chute dans les barbelés lors de la 9ème étape du Tour de France 2011.
Les jambes en sang de Johnny Hoogerland après sa terrible chute dans les barbelés lors de la 9ème étape du Tour de France 2011. © Tous droits réservés

J’ai vu les cicatrices sur son corps. Il en a partout... 

"J’ai été marqué par les blessures de Johnny Hoogerland qui était tombé dans les barbelés aux Tour de France" raconte Bruno Delbecq qui s’est occupé du Néerlandais lors de son passage dans la formation Androni-Giocattoli. "Quand j’ai massé Johnny, j’ai vu toutes les cicatrices sur son corps. Il en a partout ! C’est impressionnant. Quand on voit ça... On se rend compte que le garçon a bien souffert et qu'il a bien ramassé comme on dit. Moi, j’ai déjà massé sur des pansements, c’est incroyable. Le coureur lui-même dit: ‘Masse ! Masse !’ Quand on voit ça, on est... C’est émouvant quand même" poursuit-il avec les larmes aux yeux avant de conclure...

"Etre coureur cycliste, c’est un des sports les plus durs qui puisse exister. L’exigence, le travail, le sérieux, les sacrifices,... Ces gars-là méritent vraiment un grand respect. Ça ne me viendrait jamais à l’idée de dénigrer un coureur quel qu’il soit".

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