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Bruxelles : les femmes quasi inexistantes dans la livraison de repas

Au moins 95% des coursiers sont des hommes à Bruxelles

© RTBF

Par Barbara Boulet

Ils sont plusieurs centaines à arpenter chaque jour les routes bruxelloises. A vélo, vélo électrique ou sur un scooter, on les reconnaît facilement grâce à leur grand sac isotherme cubique griffé Deliveroo ou Uber Eats. Ces coursiers modernes livrent à domicile ou au boulot les plats tout droit sortis des cuisines de restaurants et de fast-food. Un détail ne vous aura probablement pas échappé : il s’agit presque toujours de jeunes hommes, pas de femmes.

95% d’hommes au moins

Ce n’est pas qu’une impression. Chez Deliveroo Belgique, on confirme la quasi-absence de femmes. Elles représenteraient, dit la société, 5% des livreurs à Bruxelles. Une statistique encore à relativiser, puisqu’on parle ici de la proportion d’inscriptions. Ce qui ne reflète pas encore l’activité réelle.

Le sentiment d’insécurité

Alors comment expliquer le phénomène ? Le travail serait-il trop physique ? Cette première hypothèse tient difficilement la route. D’abord parce qu’il y a la possibilité de se déplacer sur un vélo électrique ou même en scooter. Et puis, comme le dit le porte-parole de Deliveroo Belgique : "Il y a des femmes bien plus sportives que beaucoup de coursiers". Pour Rodolphe Van Nuffel, la raison est ailleurs : "C’est surtout lié à un problème de sentiment d’insécurité. Elles ne se sentent pas toujours à l’aise en ville. Que ce soit du harcèlement de rue, des propos inappropriés". Rodolphe Van Nuffel en tient pour preuve que les filles manifestent un certain intérêt au départ, s’inscrivent, puis abandonnent le job. Et aussi, dit-il, parce que la situation est pire à Bruxelles qu’ailleurs en Belgique (où la moyenne se situe plutôt entre 5 et 10%).

Le monde du travail très genré

La ville et son insécurité seraient donc responsables de la situation. Mais cette explication-là a aussi ses détracteurs. Ainsi, pour Martin Willems de la CSC, elle relève davantage de la communication mise au point par la société Deliveroo que de la réalité. Dans le livre "Le piège Deliveroo" qu’il signe, le syndicaliste propose une autre lecture du phénomène, qui est surtout liée à la forte division genrée des activités professionnelles : "Il y a des métiers qui sont plus exercés par des femmes et d’autres par des hommes. Beaucoup de jeunes femmes ont d’autres possibilités de travail que la livraison. Comme dans le commerce, le nettoyage, le soin aux personnes et aux enfants". Sans compter, poursuit-il, que "l’activité qui suppose un comportement désinvolte et téméraire dans la circulation routière et beaucoup de contacts (restaurant, clients, etc.) est socialement moins acceptée pour des femmes, d’autant plus dans les cultures extra-européennes dont sont issus une majorité des coursiers".

L’auteur évoque aussi le fait qu’il y a presque plus de garçons en décrochage scolaire que de filles. Donc de jeunes prêts à accéder aux petits boulots précaires comme coursier dans ce genre de boîtes. Effectivement en Belgique, en 2020, 10,2% des garçons âges de 18 à 24 ans n’avaient pas leur diplôme de secondaire et ne suivaient plus d’enseignement. Alors qu’elles n’étaient "que" 5,9% dans le cas.

La lecture que propose Martin Willems est donc de nature plus sociologique. Elle vient aussi contredire l’image du boulot prisé par "l’étudiant jobiste" que la société Deliveroo (et les autres) aime donner.

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