Tennis

BW Open – Le saviez-vous ? Un Belge, Eric Lamquet, occupe une très haute fonction dans le tennis mondial

Le premier BW Open de tennis ne pouvait pas mieux se terminer. La victoire est revenue à un joueur belge, le plus célèbre d’entre eux, David Goffin.

Sa présence à Louvain-la-Neuve n’était pas prévue au départ, on le sait. Il espérait plutôt briller à l’Australian Open, mais une intoxication alimentaire l’a empêché de prendre part au premier tournoi du Grand Chelem de la saison.

Une grosse tuile pour lui, mais un cadeau tombé du ciel pour les organisateurs du nouveau tournoi Challenger belge. Leur épreuve a suscité un engouement plus grand qu’attendu, et elle est maintenant bien lancée.

En coulisses, un autre Belge a certainement dû vibrer au rythme des coups de raquette de David Goffin, même si sa fonction réclame une relative neutralité. C’est Eric Lamquet. Ce Bruxellois est, depuis l’année dernière, le directeur de l’ATP Challenger Tour. Un circuit de près de 200 tournois, mis sur pied partout dans le monde.  Des rendez-vous essentiels pour le tennis et ses acteurs.

Ces tournois sont réservés aux joueurs classés au-delà de la cinquantième place mondiale (des hommes mieux placés dans la hiérarchie peuvent y participer grâce à une invitation, mais cela n’arrive pas très souvent).

Ils permettent à des jeunes de s’aguerrir dans des compétitions de haut niveau (et Gauthier Onclin l’a fait avec brio), à des plus anciens de retrouver la forme, la confiance, et un meilleur classement.  D'autres y terminent leur carrière.

Entretien avec Eric Lamquet…

Eric, parlons d’abord de vous. Quel est votre parcours ? Comment en êtes-vous arrivé là ?

J’ai été arbitre, et c’est là que tout a commencé, en 2006. En 2010, j’ai rejoint les rangs de l’ITF, la Fédération Internationale de Tennis, en tant que coordinateur de l’arbitrage. En 2012, je suis passé à l’ATP. Là, j’ai géré le nouveau programme de streaming des Challengers. En 2016, je suis passé aux relations de tournois, pour les Challengers. J’ai toujours vécu dans le monde des Challengers, et même en tant qu’arbitre. Et en 2022, je suis devenu directeur du circuit Challenger.

Rêviez-vous de travailler dans le milieu du tennis depuis toujours ?

Non, je rêvais de devenir pilote d’avions. Mais malheureusement, j’ai terminé mes humanités en 2001. Et on sait tous ce qui s’est passé cette année-là. Cela a été une hécatombe dans le secteur des pilotes de ligne. Je me suis donc réorienté. J’ai fait une année de droit, qui ne m’a pas trop plu. Et après, j’ai étudié la linguistique, et je suis donc linguiste. Ce qui n’a pas de rapport avec le tennis. Mais j’ai toujours été passionné de tennis. Dans la famille aussi, nous sommes tous passionnés de tennis, mon grand-père, mon père, et moi.

Quand on est directeur du circuit Challenger, se dit-on que l’étape d’après, c’est une haute fonction sur le grand circuit ATP Tour ?

Pas forcément. Moi je suis très heureux sur le circuit Challenger. Il opère dans 41 pays. Et tous les tournois ont leur identité, ont un cachet. On a une énorme présence sur tous les continents. Donc, non, ce n’est pas forcément un tremplin vers l’ATP Tour, comme ça l’est pour les joueurs.

David Goffin, vainqueur du premier BW Open

On a l’impression que le circuit Challenger, c’est le tennis à visage humain. Il y a des joueurs qui sont 150e mondiaux, et qui n’ont pas du tout la même vie que le numéro un. Et on ne parle pratiquement pas d’eux. Alors que ce sont sans doute des gens simples, abordables, et qui savent évidemment très bien jouer au tennis. On a la sensation que c’est peut-être plus humain…

On pourrait dire "plus humain". On pourrait parler du parcours du combattant, également. C’est sûr que ces joueurs ne vivent pas forcément dans le luxe. Ils ne descendent pas dans les grands hôtels "cinq étoiles". Mais on a un peu de tout, sur le Challenger Tour. On a par exemple un tournoi à Saint-Tropez, et d’autres dans des pays comme le Kazakhstan ou l’Ouzbékistan. Il y a énormément de diversité sur ce circuit.

Un tournoi challenger doit prendre soin des joueurs comme un tournoi ATP Tour, mais à moindre coût.  Parce qu’on ne peut pas "négliger" un joueur, sous prétexte qu’il n’est "que" 100e mondial, 150e, ou 200e…

On a un cahier des charges moins élevé, pour les Challengers. Mais vu que les joueurs voyagent beaucoup, parfois quarante semaines par an, il faut leur donner "une maison en dehors de leur maison". Il s’agit de s’occuper d’eux, qu’ils se sentent à l’aise, qu’ils se sentent en sécurité. Et qu’ils aient aussi accès à de très bons services, pour le médical, les repas, les hôtels. C’est très important, qu’ils puissent se reposer, et qu’ils aient une bonne routine dans leur vie quotidienne.

Il y a des joueurs qui vivront toute leur carrière dans les Challengers. Et il y a des joueurs qui ne vont faire qu’y passer. On se souvient par exemple d’avoir vu Andy Murray, Daniil Medvedev et Alexander Zverev au Challenger de Mons, à leurs débuts. Pour beaucoup, c’est l’apprentissage de la vie sur le circuit…

C’est exact, et cet apprentissage ne se passe pas forcément uniquement sur les courts. C’est vraiment une excellente école de la vie. Même pour nous, qui travaillons sur les Challengers.

Eric Lamquet

Etes-vous chaque semaine sur un tournoi ?

Non, l’année dernière, j’ai voyagé 22 semaines. Il m’arrive de faire des visites de trois jours, quand c’est en Europe. Et quand c’est loin de chez soi, on va de tournoi en tournoi, lors de tournées. L’année dernière, je me suis beaucoup occupé de l’Amérique du Sud.

Etes-vous venu à Louvain-la-Neuve parce que c’était en Belgique ?

Parce que c’était en Belgique, et parce que c’était un nouveau tournoi. Mais aussi parce que c’était un Challenger 125. C’est l’objectif de l’ATP, faire croître le nombre de Challengers 125. Il est important d’évaluer le tournoi, comme tous les autres, mais aussi de voir quel est l’avenir de cette épreuve dans le calendrier Challenger. Et d’essayer de consolider cet avenir, aussi.

Qu’est-ce qu’un Challenger 125 ?

C’est un Challenger qui attribue 125 points ATP au gagnant. Et qui est donc placé haut, dans la hiérarchie des tournois. Nous avons créé cette année une nouvelle catégorie, le Challenger 175. Avec les 125 et les 175, on est dans les échelons les plus élevés.

Il y a une évaluation après chaque tournoi, pour tenter de corriger ce qui doit l’être, pour voir si la compétition aura encore lieu l’année d’après ?

Nous préférons toujours prévenir plutôt que guérir. Nous avons un superviseur de l’ATP qui est là, qui évalue le tournoi et ses services, et qui gère la compétition. Et en effet, nous faisons aux organisateurs des recommandations, pour des améliorations. Parfois, nous devons sévir, aussi, quand des tournois sont en violation des règlements ATP. Mais en règle générale, cela se passe plutôt très bien. Et les tournois eux-mêmes veulent faire de mieux en mieux.

Comment est l’ambiance, sur des Challengers ? Est-ce parfois tristounet ? Des matches se jouent-ils parfois sans public ?

Le BW Open était un exemple exceptionnel, parce qu’il y avait beaucoup de public, ce qui fait chaud au cœur. Cela m’a rappelé mes années comme arbitre, quand je voyais l’ambiance en Coupe Davis. Mais on a des tournois qui se jouent sans public. C’était bien sûr aussi le cas pendant le Covid, et la crise sanitaire continue à influencer la tendance des gens à se déplacer ou non pour des événements. Mais je pense que cela va se remettre en route. Et puis, il y a aussi des tournois, en Amérique du Sud, avec des ambiances de Coupe Davis, même sur des Challengers 75.

Et le niveau des Challengers. Il est très bon…

Le niveau est haut, il y a de la compétitivité, et la victoire n’est jamais acquise pour les mieux classés des participants. Il y a un esprit de combat chez ces joueurs-là. Quand on est un joueur de Challengers, on ne peut pas se permettre de balancer un match, de ne pas se battre.

Je m’adresse au Belge que vous êtes. C’est très important d’avoir un Challenger dans notre pays. Notamment pour les joueurs belges…

C’est en effet génial. J’ai une fierté un peu personnelle, aussi, parce que j’ai connu l’Ethias Trophy, à Mons. Et je suis content de revoir un tournoi Challenger dans mon pays. Et oui, c’est important. Et cela peut motiver d’autres promoteurs de tournois, qui voudraient se lancer dans l’aventure Challenger. J’espère que ce sera un élément déclencheur.

Ressentez-vous la crise économique actuelle, sur le circuit ? Touche-t-elle aussi le tennis ? Organiser un événement est-il de plus en plus difficile ?

La crise est vraiment très visible. Nous la vivons tous. Et également sur le circuit, au niveau des sponsors, qui se font plus rares. On la voit aussi au niveau de l’énergie. Les épreuves sont beaucoup plus économes. J’entends parler de tournois qui engagent des volontaires pour éteindre les lumières, le soir. Même quand un joueur quitte un vestiaire, il y a quelqu’un qui veille bien à éteindre les lumières. Donc oui, nous vivons cette crise.

Il y a eu des changements sur le circuit Challengers, ces derniers mois…

Nous avons lancé une réforme, en septembre. Elle vise à augmenter le prize money des tournois Challengers. Nous avons terminé l’année 2022 avec 184 tournois et 12 millions de dollars en prize money. L’objectif de l’ATP est de passer très bientôt à 195 tournois, et d’avoir une enveloppe totale de 21 millions de dollars. C’est important d’augmenter le prize money pour ces joueurs-là, qui ne gagnent évidemment pas leur vie comme les stars du tennis. Et c’est important, aussi, d’augmenter les services pour les joueurs (des services qu’ils doivent payer eux-mêmes), de les aider au maximum. Et c’est également important d’aider les tournois à pouvoir subvenir aux besoins des joueurs. C’est l’objectif de cette réforme.

Rencontrez-vous des stars du circuit, qui ont débuté dans les Challengers, et qui vous disent à quel point ils sont conscients de ce que les Challengers leur ont apporté ?

Oui, de très grands joueurs ont souligné l’importance du Challenger Tour. Je pense à Roger Federer et Novak Djokovic. Ils ont expliqué, dans des interviews, leur parcours sur le circuit, et ont évoqué leurs débuts dans ces tournois-là. Et l’Ethias Trophy avait permis à David Goffin de commencer sa carrière professionnelle, il l’a souvent rappelé.

Eric Lamquet, au BW Open de tennis
Eric Lamquet, au BW Open de tennis © RTBF

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