Le langage fait de nous des créateurs
Parmi ces découvertes à faire vivre à nos enfants, il y a "La découverte par exemple que l'on peut dire qu'un chou a mangé une chèvre ! C'est une découverte extraordinaire, qui est que la règle de grammaire surpasse la probabilité de voir quelque chose dans le monde."
Nous sommes créateurs parce que nous avons cette possibilité extraordinaire de dire ce que nos yeux n'ont jamais vu, ne voient pas et ne verront jamais. C'est tout ce qui sépare l'homme des autres espèces animales, même si elles ont elles-mêmes des moyens de communiquer parfois sophistiqués.
Mais jamais aucune espèce animale ne pourra, comme le fait l'homme, créer quelque chose que ses yeux ne voient pas.
Nous avons la possibilité de nous positionner dans l'espace et dans le temps, d'inviter le futur, de reconvoquer le passé. Il est donc essentiel de préserver le langage, cet outil extrêmement ambitieux.
Car pour le linguiste Alain Bentolila, le langage est une ambition, parce qu'il nous permet de nous élever au-dessus de notre condition animale, et donc de toucher à ce qui normalement, par nature, nous serait interdit.
"Nous sommes capables, grâce au langage, et uniquement grâce au langage, de dire ce qui est vrai toujours : hier, aujourd'hui, demain, ici et ailleurs. C'est-à-dire de toucher l'infini, alors que justement nous sommes des êtres, par notre animalité, qui sommes coincés entre le hic et le nunc, entre l'ici et maintenant."
Alors, ce que nous donne le langage, il faut le lui rendre en évitant de dire des choses banales, de répéter toujours la même chose, d'être simplement une image fidèle de ce que l'on voit et de ce que l'on nous dit. Ce statut de créateurs que nous donne le langage nous donne des responsabilités très importantes. Nous n'avons pas le droit de bafouer ce que le langage nous a offert.