Depuis septembre dernier, les rues d’Iran s’embrasent. Le soulèvement populaire provoqué par la mort de Mahsa Amini ne faiblit pas malgré la répression sanglante du régime en place. Du point de vue européen, les échos de la colère nous viennent le plus souvent de la population elle-même, à travers les images qui ont pu passer entre les mailles du filet de la censure. Ces quelques traces ont suffi à galvaniser la diaspora iranienne dans le monde entier.
Néanmoins, rares sont les journalistes occidentaux qui ont accès au terrain, aux témoignages des femmes qui se rebellent contre le pouvoir et les prescrits. La chaîne de télévision norvégienne "TV2" a pu discuter avec les passants dans les allées commerçantes de la capitale Téhéran. Un regard sur le quotidien de luttes, même dans les moments qui semblent plus apaisés, où se côtoient les "pros" et les "antis" révolution.
"Femme, vie, liberté"
L’équipe débute son reportage dans un lieu devenu éminemment politique depuis le début des protestations : l’échoppe d’Ahmed, un vendeur de foulard. "J’en ai un adapté à chaque tenue, comme ma fille", raconte Nasrin, une cliente. "Je dois probablement avoir quarante ou cinquante modèles et couleurs différentes", confie Mitra, une autre passante.
Mais le fructueux business d’Ahmed commence à battre de l’aile au rythme des fissures qui se dessinent dans l’obligation de porter un voile, en vigueur depuis la révolution islamique. Depuis son magasin, la contestation est visible à la couleur des cheveux de ses compatriotes féminines.
Ces femmes, l’équipe de TV2 leur garantit l’anonymat en floutant leurs visages, même si elles ne le demandent pas. "Je sens que je dois juste être dans ma peau, je dois être qui je suis. Je ne veux pas me couvrir", dit l’une d’entre elles, une autre passante commence à répondre par le slogan qui s’est répandu dans les foules mécontentes "Femme, vie, liberté", avant d’ajouter, "nous n’avons pas besoin de porter un foulard ou un hijab".
Une parole en apparence libérée, mais la journaliste norvégienne le demande, "Pensez-vous prendre un risque en ne portant pas de foulard ?". À cette question, les réponses sont sans équivoque : "oui car maintenant ils tuent les gens comme nous", "J’ai le sentiment de pouvoir être attaquée à tout moment. Marcher dans la rue me donne de l’anxiété, je suis nerveuse", confient deux Iraniennes.