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C'était il y a 80 ans : à bord de son chasseur, le pilote belge Jean de Selys attaque le siège de la Gestapo à Bruxelles

Le visage de Jean de Selys Longchamps avenue Louise, devant l'ancien immeuble de la Gestapo.

© RTBF

Un acte de bravoure, il y a 80 ans, pendant la Seconde Guerre mondiale. Le 20 janvier 1943, le pilote belge Jean de Selys Longchamps, à bord de son avion, tire sur le 453 avenue Louise, le siège la Gestapo allemande. Un raid considéré aujourd’hui encore comme un des moments marquants de la résistance belge. Un moment fort et un héros dont le souvenir est perpétué depuis 1993 par une statue représentant son visage, doré, que l’on peut voir avenue Louise, à l’angle avec l’avenue Emile De Mot.

Le 20 janvier 1943 est un mercredi. C’est le matin. Le baron Jean de Selys Longchamps, 31 ans, pilote belge qui s’engage au début de la guerre dans la Royal Air Force britannique monte à bord de son Typhoon. Il décolle d’une base anglaise et prend la direction de la Belgique. Après avoir mené un bombardement sur Gand, il décide de poursuivre son vol vers Bruxelles. Son but : tenter une action complètement folle. Il veut attaquer le QG de la Gestapo, là où sont arrêtés et torturés les résistants. Un sinistre lieu craint des Bruxellois, dont certaines parties sont aujourd’hui classées en guise de témoignage.

Dans son chasseur, derrière son manche, le capitaine de Selys, déjà rongé par l'adrénaline, rase les toits de la capitale, pour ne pas être touché par les défenses anti-aériennes allemandes. À basse altitude, il passe au-dessus des arcades du Cinquantenaire, du quartier des Casernes…

Jean de Selys.
Jean de Selys. © RTBF
Un dessin représentant l'attaque du 20 janvier 1943.
Un dessin représentant l'attaque du 20 janvier 1943. © Lesavionslegendaires.net

Dans son viseur, l’immeuble de douze étages

Peu avant l’hippodrome de Boitsfort, il braque pour se mettre dans le sens de l’avenue Franklin Roosevelt (alors appelée avenue des Nations) puis l’avenue Emile De Mot, le long du parc de l’abbaye de la Cambre, dans l’axe du bâtiment de la Gestapo, un immeuble de douze niveaux au 453 de l’avenue Louise… Impossible de le rater : à cette époque, c’est l’un des plus élevés du quartier. Lorsqu’il a le bâtiment face à lui, dans son viseur, Jean de Selys enclenche ses canons et arrose les vitres de la façade, de bas en haut pour ensuite se dégager.

Il y a des morts parmi les Allemands. Un nom ressort : Alfred Thomas qui porte les titres de SS-Sturmbannführer, Inspekteur der Sipo und des SD Stettin. C’est lui qui a lancé le 3 septembre 1942 une grande rafle de Juifs dans l’agglomération bruxelloise. Marc Audrit, auteur d’une biographie sur Jean de Sélys ajoute dans La Libre : "Sous son autorité (NDLR : Alfred Thomas), ce ne sont pas moins de dix-neuf convois qui ont relié Malines au camp d’extermination d’Auschwitz entre août 1942 et janvier 1943. 18.182 hommes, femmes et enfants sont ainsi 'évacués' (c’est l’euphémisme nauséabond utilisé par les nazis) lorsqu’Alfred Thomas est en charge des affaires juives. 367 seulement survivront. À peine 2%."

En tout cas, suite à l’attaque lancée par de Selys, tout Bruxelles et même tout le pays ne parlent plus que de ça : l’acte de bravoure de ce pilote qui après son carnage a lancé des drapeaux belges sur la ville. Un affront pour les nazis!

Il a démontré qu’on pouvait ridiculiser les Boches

Le résistant belge Charles "Windmill" Demoulin, ancien pilote de la Royal Air Force, et auteur du livre "Mes oiseaux de feux" a connu Jean de Selys. En 1982, il expliquait à la RTBF en quoi cet acte avait eu un impact sans précédent. "Il est évident que l’impact de la mission de Jean de Selys sur la Gestapo de Bruxelles a été énorme", explique Charles Dumoulin. "Il a ravivé un sentiment national si nécessaire. Il a démontré que l’on pouvait se moquer des 'Boches' en les ridiculisant. Malheureusement, il y a eu là une faute de discipline."

Laquelle ? Le capitaine a agi sans l'autorisation de ses supérieurs. "Une faute de discipline, qu’il ne pouvait pas savoir, bien entendu, à savoir enfreindre le mutisme, je ne dis pas le contrordre, de la Royal Air Force, sur sa proposition de faire cette mission. Car on ne pouvait pas lui dire qu’il y avait un agent double, un agent de l’Angleterre dans les murs mêmes de la Gestapo de Bruxelles." Un espion qui sera malheureusement tué lors du quadrillage de la façade par Jean de Selys.

"C’est pourquoi, et je crois pouvoir expliquer les faits, le mutisme de la RAF équivalait à une fin de non-recevoir", précise Charles Demoulin. "Jean a passé outre."

Un homme extrêmement brillant

Pour cette mission risquée et insensée, Jean de Sélys sera sanctionné. Il subira une rétrogradation de quelques semaines, "de façon à marquer le coup." "Si l’on se place du côté de la discipline de la RAF, il est évident que le simple fait d’opérer cette mission (qui était contraire pour la simple raison qu’elle a sacrifié un de nos hommes qui se trouvait à l’intérieur de la Gestapo) devait être sanctionné. C’est ce qui s’est passé."

Mais personne au sein de la RAF ne pouvait ignorer, non plus, l’audace du capitaine. "Jean de Selys qui était un type extrêmement brillant, un homme d’une seule pièce, a été décoré pour ce fait d’armes", rappelle Charles Demoulin. En reconnaissance, le pilote recevra la Distinguished Flying Cross, récompensant les actes "de vaillance, de courage ou de dévouement accomplis en vol, au cours d’opérations actives contre l’ennemi". Pour Charles Demoulin, Jean de Selys méritait donc les deux: la sanction et la reconnaissance.

"J’ai eu la grâce de connaître Jean de Selys assez bien et la tristesse d’assister à sa mort, le 15 août 1943" lorsque son avion s’écrase sur la base de Manston (Kent) au retour d’une mission à Ostende. "Jean de Selys était un homme d’une dimension exceptionnelle. Le résultat de son opération contre la Gestapo a certainement dépassé au niveau de la propagande ou de l’impact sur le public en Belgique le dégât qu’il a causé en tuant un de nos propres hommes. Malheureusement, à la guerre, ce sont des choses qui arrivent."

Outre une sculpture, une plaque apposée sur la façade du 453 avenue Louise rappelle le fait d'arme de Jean de Selys Longchamps.

Les caves de la gestapo

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