"Ça nous arrive de mettre des gilets pare-balles" : le personnel soignant dénonce des faits de violence de plus en plus fréquents

C’est une infirmière qui nous raconte : elle travaille aux urgences depuis 20 ans et n’est pas prête à oublier ce qu’elle a vécu lundi. Elle était présente quand un médecin de garde a reçu des coups de ciseaux : "je m’occupais d’un patient, j’entends un bruit sourd, quand je vois le médecin au sol. Je hurle à l’aide, mes collègues viennent, ils dégagent l’agresseur, enfin… le patient. Et puis là, je vois les ciseaux dans son cou et le médecin qui me dit : ne les retire pas…"

Nous avons conservé l’anonymat de ce témoignage. L’infirmière ne veut pas que ses proches sachent qu’elle subit souvent de l’agressivité verbale et parfois physique. "On me jette des choses, j’ai déjà été mordue mais c’était de gens qui étaient malades. On nous a toujours dit, c’est votre métier, on ne doit pas se plaindre. Mais là j’ai envie de me plaindre par rapport à ce qui s’est passé. Je ne peux pas laisser ça sous silence."

Si le médecin s’en sort de justesse, cette infirmière est profondément choquée. En 22 ans de carrière, jamais elle n’avait assisté à un acte d’une telle violence.

Nous nous rendons aux urgences de l’hôpital Brugman. Là aussi, le personnel soignant sort du silence.

Ça nous arrive de mettre des gilets pare-balles.

Yves Maul est chef infirmier et travaille dans le service de médecine critique : " j’ai des collègues qui se sont fait étrangler dans les box de triage ; j’ai pris des coups de cutter lors d’interventions Smur. Ça nous arrive, en Smur, de revêtir les gilets pare-balles pour intervenir dans certaines zones. Je ne vais pas dire que c’est un fait quotidien mais si on regarde les statistiques, on se rend compte que toutes les semaines du personnel médical et infirmier se fait agresser.

Une étude menée sur plus de 800 infirmiers montre que trois quarts d’entre eux ont été insultés au cours de l’année écoulée. Un infirmier sur deux a subi une agression physique. La pénurie de soignants n’arrange rien. Le manque de personnel engendre des tensions qui parfois mènent à la violence.

Les auteurs d’actes de violence envers les prestataires de santé devraient être plus lourdement sanctionnés à l’avenir. C’est ce qu’a proposé le gouvernement fédéral qui attend encore l’avis du conseil d’État.