Camden, la ville américaine qui a réussi la réforme de sa police

La Police de Camden réformée depuis 2013

© AFP/Getty

C’est une ville dans le sud du New-Jersey. Elle a fait les gros titres fin mai dernier parce qu’elle avait organisé deux manifestations pour dénoncer la mort de George Floyd. Aucune n’a été émaillée d’incivilités – contrairement à sa voisine, Philadelphie, où la rue a été un champ de bataille entre voitures de police brûlées et foules aspergées de gaz lacrymogène. Encore mieux : le chef de la police de Camden, un homme blanc, est venu marcher aux côtés de la communauté afro-américaine, le poing levé.

Une ville moins violente

L'accent a été mis sur la formation

Comment cela a-t-il pu arriver à Camden ? Il faut certainement créditer le programme de police de proximité mis en place depuis sept ans, dont le cœur de l’action était de reconstruire la confiance entre agents de police et habitants.

Car à ce moment-là, elle était réputée pour être l’une des villes les plus dangereuses des Etats-Unis. Et à l’heure où certains veulent ‘définancer’la police, Camden se félicite d’avoir déjà réformé la sienne. En 2014, il y a eu 64 plaintes déposées contre la police pour usage excessif de la force ; l’an dernier, trois seulement… Son expérience pourrait même devenir un modèle au niveau national si les démocrates remportaient l’élection présidentielle le 3 novembre.

L’exemple à travers le pays

"On a reçu des centaines d’unités de police différentes : de Nouvelle-Orléans, de New York, de Philadelphie, qui viennent voir comment on fait les choses, s’enorgueillit le capitaine Rodriguez, le chef de la police de proximité du County de Camden. Avant que George Floyd ne soit tué, le commissaire à la sécurité de la police de l’État du Minnesota est même venu, et époustouflé par nos façons de faire, nous avait dit qu’il y avait beaucoup à changer dans ses unités. On a vraiment changé la culture du département de la police".

Si la ville est souvent citée en exemple par les partisans de " Defund the Police ", les circonstances n’étaient pas les mêmes : c’est à cause d’une crise budgétaire – et non suite à des violences policières – que Camden a mis à pied l’ensemble de sa police municipale, puis a recréé de toutes pièces une force de police dépendant du comté. " Cela nous a permis de sortir des sentiers battus ", explique la maire de l’époque, Dana Redd, qui n’a pas du tout privé de fonds cette nouvelle force, bien au contraire !

La force a été construite autour de trois axes : la police de proximité, qui tisse des liens avec les résidents, et devait réinstaller la confiance, alors que les policiers mis à pied étaient réputés pour être très corrompus. La ville a également obtenu des bourses pour miser sur le déploiement technologique : toutes les voitures de patrouilles sont équipées d’ordinateurs pour permettre une rédaction des rapports simplifiée ; plus de 300 caméras ont été installées dans la ville, scrutées 24h/24 par des agents ; un système capable de reconnaître les tirs et d’identifier les armes a été créé. Enfin, cette police locale travaille en bonne coordination avec les équipes du procureur, le FBI, la DEA, ce qui lui permet de mieux cibler les arrestations.

Les agents s’entraînent depuis un an sur une plateforme qui leur permet de s’immerger dans une situation
Les agents s’entraînent depuis un an sur une plateforme qui leur permet de s’immerger dans une situation © Carrie Nooten

Une formation particulièrement importante

L’aspect sur lequel la hiérarchie insiste le plus lorsqu’un agent intègre la police du comté de Camden, c’est la formation. Si d’habitude, une recrue doit se contenter de ses trois mois à l’Academy de Police pour l’ensemble de sa carrière, à Camden, on lui demandera de débriefer régulièrement – et en particulier à chaque accrochage - le contenu de sa " body cam ", la caméra qu’il porte sur lui. Alors qu’elles sont rarement utilisées à cet effet aux Etats-Unis.

Les agents s’entraînent aussi depuis un an sur une plateforme qui leur permet de s’immerger dans une situation grâce à des écrans géants disposés autour d’eux à 300 degrés.

Le sergent instructeur Thorton les met en situation tout en les guidant pour que les agents parviennent à faire désescalader les confrontations avec les résidents. " Vous voyez comment ça peut dérailler, comment les officiers peuvent réagir immédiatement et utiliser la force, sans parler aux personnes avec respect, et dignité, avance le sergent. J’ai vu d’énormes progrès en un an parmi ceux qui sont passés en formation dans cette machine. "

En grande majorité, les habitants de Camden reconnaissent que la situation s’est largement améliorée grâce aux actions de la police de quartier. S’il semble illusoire de penser que la ville est sortie d’affaire, avec la crise économique post Covid19 qui s’annonce, ou l’ampleur des conséquences de la crise des opioïdes qui la frappe, il semble cependant que la refonte de la police ait permis à la ville d’entrer dans un cercle vertueux. Fragile, mais que sont bien déterminés à protéger les différents responsables policiers, politiques, religieux ou issus de la société civile. " Les investissements sont revenus, et cela a permis de créer des emplois – Subaru ou American Water ont établi leurs sièges à Camden, insiste le capitaine Rodriguez. Toutes ces entreprises reviennent parce que c’est une ville plus sûre, parce que les infractions sont en baisse. "

Ecoutez ici le reportage de Transversales :

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