La couleur des idées

Camille Pier, artiste multiface : « Le langage a du pouvoir, il faut le prendre ! »

Camille Pier, alias Pierre Rococo lors d’une performance pour le Théâtre National et les Midis de la Poésie.

© Jérémy Sondeyker

Ce samedi dans la couleur des idées, Pascale Seys reçoit l’artiste Camille Pier qui publie aux éditions de l’Arbre de Diane un recueil de poésie intitulé " Scandale ! " dont il signe aussi la couverture ainsi que toutes les illustrations.

Définir Camille Pier relève du défi tant son travail comme sa personnalité sont un savant mélange des genres ! D’ailleurs il n’a pas une seule personnalité mais plusieurs : "nous sommes cinq dans la portée", lâche-t-il en souriant. Camille Pier n’aime pas les cases ni les normes dans lesquelles il se sent à l’étroit. Souvent perçu comme poète, il préfère le mot "artiste" qui permet d’englober les multiples facettes de son œuvre, à la croisée de la poésie, de l’humour, de la danse et de la militance queer. "Il y a quelque chose de l’ordre de l’assignation dans le fait de dire que je suis poète car j’utilise plusieurs modes d’expression, la poésie ne passe pas uniquement par le langage verbal" défend-il. Poète, c’est pourtant son métier car il perçoit dorénavant une rémunération pour cette activité, toutefois, nuance-t-il, il y a plein de moments dans son travail qui ne sont pas payés comme les temps de répétition, la prise de notes, … Camille Pier est un passionné qui réfléchit et bûche tout le temps. "Poète c’est un métier mais aussi une vie !" dit-il.

Camille Pier a grandi dans un environnement friand de mots. Chez lui, sa mère écoute de la musique à textes quand son père est amateur de calembours, un goût qu’il partage. Il étudie à l’Université de Liège la littérature romane et belge, travaille sur Raymond Devos. À l’issue de ses études universitaires, Camille effectue une formation d’un an de théâtre corporel à Bruxelles. À cette époque, il performe déjà dans des cabarets queers. "Je travaillais la nuit, j’arrivais en cours avec des restes de vernis et de paillettes quand on devait porter du noir qui était perçu comme la norme. Dans cette école on étudiait le jeu masqué. Le masque dit 'neutre' étaient déclinés par genre : masque neutre pour femme ou pour homme. Je me suis vite senti à l’étroit", confie-t-il.

"Scandale !" est son deuxième texte publié. En 2016 il sortait déjà aux éditions de l’Arbre de Diane un livre intitulé "La Nature contre-nature (tout contre)" coécrit avec Leonor Palmeira. "Ce mot de nature est un gros dossier" soupire-t-il. "Quand j’ai changé de genre je n’ai pas uniquement effectué une transition physique mais aussi une transition sociale, j’ai gagné des privilèges masculins, je me suis aperçu que tout semblait se faire beaucoup plus naturellement mais en fait il n’y a rien de naturel dans tout cela, c’est une question de normes", explique-t-il. Ce qui est naturel pour Camille Pier, c’est de jouer avec les mots, de chanter, de danser, c’est ce "frisson qui lui traverse tout le corps" quand il pratique ces activités. "L’engagement politique est venu par nécessité car je suis toujours ramené à ce que je représente pour les autres, je ne peux pas me départir du regard qu’on pose sur moi", dit-il avec ce qui semble être une pointe de tristesse dans la voix. Aujourd’hui il effectue un gros travail sur le mot "monstre" qu’il s’est attribué longtemps à lui-même de façon péjorative. Camille Pier nous fait part de sa conviction que la poésie et le langage portent en eux un pouvoir transformateur :

Le langage est performatif, il peut donner naissance à de nouvelles réalités ou de la visibilité à des réalités jusque-là cachées. Il y a beaucoup de choses que je porte en moi et que je veux guérir, que je refuse de transmettre, j’utilise la poésie pour cela.

Avec lui la poésie est à la fois remède et consolation, à l’image des ateliers d’écriture qu’il donnera courant décembre à la Bibliothèque Mercelis d’Ixelles dans lesquels il propose de transformer "les insultes, les mensonges, les trahisons, les mauvais sorts ; de vider les mots de leurs poisons et de nourrir de vitamines les silences laissés à l’abandon". Tout un programme !

Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’entretien mené par Pascale Seys

La couleur des idées

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