Cyclisme

Campenaerts, Merckx, Bracke, Van den Eynde : ces Belges qui ont détenu le record de l’heure

De gauche à droite, Ferdinand Bracke, Eddy Merckx et Victor Campenaerts

© Tous droits réservés

Temps de lecture
Par Giovanni Zidda

Le record de l’heure de Victor Campenaerts (55,089 km) résiste encore et toujours depuis ce fameux 16 avril 2019. Une performance que le Britannique Alex Dowsett tentera d’effacer des tablettes ce mercredi au Mexique sur ce même vélodrome d’Aguascalientes.

Déjà recordmen de l’heure à sept reprises (plusieurs fois avec le même coureur), les sujets de Sa Majesté veulent à nouveau imposer leur griffe dans une spécialité qui les a vus briller par le passé. Comme les Britanniques et les Italiens, les Belges peuvent aussi se targuer d’avoir connu 4 recordmen de l’heure différents.

Premier belge à réaliser pareil exploit en 1897, Oscar Van den Eynde a ensuite été imité par Ferdinand Bracke (1967), Eddy Merckx (1972) et Victor Campenaerts (2019). Retour sur ces 4 tentatives qui ont marqué l’histoire du cyclisme (belge).


►►► À lire aussi : Cyclisme : la chronologie du record de l’heure


 

1897 : Oscar Van den Eynde, le pionnier

L’idée du record de l’heure naît dans la tête d’Henri Desgranges, l’inventeur du Tour de France (1903). Innovateur dans l’âme, le Français était alors un cycliste amateur qui passait son temps sur les vélodromes à s’entraîner. En 1893, alors que les records sur la distance sont déjà matière courante, Desgranges a l’idée de tenter un record de l’heure.

Un projet qu’il va lui même mettre en œuvre. Ainsi, le 11 mai 1893 à Neuilly, Desgranges établit le premier record de l’heure de l’histoire avec 35,325 kilomètres parcourus.

Depuis lors, les coureurs n’ont cessé de succéder pour tenter de le battre. Dès l’année suivante, son compatriote Jules Dubois améliore la référence de près de 3 kilomètres (36,320km).

Troisième détenteur du record de l’histoire, le Belge Oscar Van den Eynde sera également le premier étranger capable d’internationaliser l’épreuve.

Alors que le cyclisme n’a pas encore le prestige qu’il acquerra quelques années plus tard, le cycliste anversois se distingue sur le sol belge. Ou plutôt sur les vélodromes belges. Spécialiste de la piste, il parvient notamment à devenir champion de Belgique du 10km et du sprint sur piste en 1891.

Mais c’est en voyageant vers Paris que Van Den Eynde va entrer dans l’histoire du cyclisme. Le 30 juillet 1897 sur le vélodrome de Vincennes, l’Anversois de 30 ans fixera la nouvelle référence sur l’heure en 39,240 km.

Une marque qui tiendra 11 mois, l’Américain Willie Hamilton établissant le nouveau record à Denver avec 40,781 km.

1967 : Ferdinand Bracke, un pied-de-nez à Anquetil

Ferdinand Bracke

Entre la fin du 19e siècle et 1967, les détenteurs du record se succèdent au fur et à mesure que le cyclisme se professionnalise. Ils sont pour la plupart français dont le dernier en date Roger Rivière. Sa marque de référence date de 1958 et est de 47,346 km.

Détenteur du record avant son compatriote (en 1956), le légendaire Jacques Anquetil retente sa chance 11 ans plus tard. Une préparation méticuleuse qui débouchera sans surprise sur un nouveau record en septembre 1967. Un nouveau record (47,493 km) qui ne sera pas homologué, le Français refusant de se soumettre au contrôle anti-dopage.

L’honneur de destituer Rivière va donc revenir à un Belge quelques semaines plus tard. Ferdinand Bracke, as de la piste, veut relever le défi. Double champion du monde de poursuite sur piste en 1964, il s’est également distingué sur route en remportant quelques courses. Parmi celles-ci, le prestigieux Trophée Baracchi, contre-la-montre par équipes de deux qu’il a décroché deux fois en compagnie d’Eddy Merckx (66' et 67').

Grâce à "une préparation consciencieuse pour cette tâche particulière", Bracke pulvérise le record de Rivière et améliore également la référence non homologuée d’Anquetil en passant pour la première fois la 'barre des 48' avec 48,093 km parcourus.

Cet exploit réalisé à Rome et suivi d’un contrôle anti-dopage est vu comme un "triomphe de la légalité" par le journal Le Monde, celui-ci ne se privant pas de tacler Anquetil. "Bracke est le champion d’une génération de coureurs qui refusent la tricherie."
 

La victoire de l’agilité sur la puissance

Le quotidien français nous fournit également plus de détails sur la performance du Belge, préférant l’agilité à la puissance.

"À chacun de ses coups de pédale, il concédait près d’un mètre à Jacques Anquetil (7 m. 69 contre 8 m. 54), mais ses jambes étaient capables d’une vitesse de rotation supérieure. Il semble bien pour le moment que la vélocité soit un argument plus valable que la puissance dans l’exercice particulier du record de l’heure."

Récompensé par le tout premier titre de sportif belge de l’année en 1967, Bracke connaîtra d’autres belles satisfactions dans sa carrière comme un nouveau titre de champion du monde de poursuite (69') et la victoire du Tour d’Espagne (71').

Son record de l’heure résistera quant à lui pendant un an et sera battu par le Danois Ole Ritter, premier coureur à relever le défi au Mexique.

1972 : Le Cannibale Merckx, évidemment

Eddy Merckx à l'heure à Mexico

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Eddy Merckx bat le record de l'heure à Mexico

Eddy Merckx pouvait-il être absent de la liste des détenteurs du record de l’heure ? Evidemment que non ! Son exploit réalisé le 25 octobre 1972 à Mexico est encore dans toutes les mémoires tant il fut médiatisé.

1972 une année de véritable razzia pour celui qu’on surnomme déjà à juste titre 'le Cannibale'. Déjà vainqueur de Milan-Sanremo, de la Flèche Wallonne, de Liège-Bastogne-Liège, du Tour de Lombardie, du Giro d’Italia et Tour de France cette année-là, Merckx veut la cerise sur le gâteau. Le record de l’heure.

Malgré cette saison éprouvante, l’Ogre de Tervuren décide de s’envoler pour Mexico, là même, à plus de 2000m d’altitude, où le Danois Ole Ritter avait osé ravir le record à Ferdinand Bracke.


►►► À lire aussi : Merckx à l’heure à Mexico


Tout puissant qu’il est, Merckx ne laisse rien au hasard pour cette tentative. Afin d’alléger son vélo au maximum, le guidon, la tige de selle, la tige de fourche et l’intérieur des roues ont été perforés, tandis que les boyaux ont été gonflés à l’hélium.

Parti très vite, peut-être trop vite, il est rappelé à l’ordre par son staff qui lui demande de ralentir. Ce qu’il ne fera que partiellement.

Au bout d’une heure d’effort, la mission est accomplie. Ritter est battu de 778 mètres et le nouveau record est fixé à 49,431 km.
 

Record perdu puis reconquis

Anéantis par cet effort violent, les muscles d’Eddy Merkx mettront trois jours à s’en remettre.

"On n’a pas le temps de se rendre compte que l’on souffre", répond-il à l’époque. "C’est en descendant de machine qu’on réalise qu’on a souffert. Je ne pouvais plus marcher. Mais on oublie tous les sacrifices qu’on a faits lorsqu’on réussit. Bien sûr, il y a des moments pénibles, des moments plus durs, surtout après une saison fort chargée. Lorsque c’est terminé, on est content".

Dans les années suivantes, le record de Merckx tombera inévitablement. Des champions du calibre de Francesco Moser, Tony Rominger et Miguel Indurain s’emparent du précieux sésame.

Pourtant, Merckx va récupérer son dû en 2000, 22 ans après la fin de sa carrière. L’Union cycliste internationale décide en effet de mettre en place de nouveaux critères de validation du record, notamment quant aux caractéristiques du vélo, déformé par les innovations technologiques. Merckx récupérera donc son ancien record… l’espace de quelques semaines.

En octobre 2000, Chris Boardman bat le record de Merckx… de 10 mètres et fixera la nouvelle référence à 49,431 Km.

Victor Campenaerts, le souci du détail au pouvoir

Un Victor Campenaerts impérial s'empare du record de l'heure (55,089 km)

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

47 ans. Près d’un demi-siècle qu’un Belge n’a plus signé de record de l’heure. Une éternité pour le pays du cyclisme. Comme Eddy Merckx en 1972, Victor Campenaerts choisit le Mexique pour lancer sa tentative. Mais le vélodrome choisi ne sera pas celui de Mexico mais bien celui d’Aguascalientes.

Incroyablement attentif aux détails, le coureur de l’équipe Lotto estime que c’est l’endroit idéal pour faire tomber le record de Bradley Wiggins (54,526 km) qui résiste depuis 2015.

Dix mois de préparation, des heures et des heures d’entraînement et même un stage en altitude en Namibie. Campenaerts n’est pas du genre à lésiner sur les moyens quand il a un objectif en tête.

"Je dois absorber 10 à 12 grammes d’hydrates de carbone par kilogramme de poids corporel pendant une journée pour remplir mon réservoir", déclarait-il quelques jours avant son essai. L’alimentation est calibrée au gramme près ou presque. Une minutie dans les détails qui va jusqu’aux heures de sommeil.

"Mon planning est méticuleux. En attendant, mon corps est aussi parfaitement adapté au biorythme particulier : se lever à 5 heures du matin et s’endormir à 20 heures, c’est du gâteau pour l’instant."

Vainqueur de six courses chez les professionnels, toutes obtenues en contre-la-montre, avant ce fameux 16 avril 2019, Campenaerts se sent comme un poisson dans l’eau dans le vélodrome d’Aguascalientes.

En l’absence de public – une requête du méticuleux Campenaerts – le coureur Lotto Soudal se lance dans son exploit. As dans l’art de l’aérodynamique, il prend d’abord un léger retard sur Wiggins avant de passer virtuellement devant au bout de 8km et 250m. Faiblissant légèrement sur la fin, Campenaerts va nettement améliorer la marque de Wiggins. Avec 55,089 km, il parvient même à abattre le 'mur des 55'.

Une performance phénoménale qui restera donc dans les annales mais qui est, sans doute, destinée à tomber.


►►► À lire aussi : Un Victor Campenaerts impérial s’empare du record de l’heure (55,089 km)


 

 

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous