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Canal de Panama : lieu stratégique pour empêcher la cocaïne d’arriver jusqu’au port d’Anvers

Canal de Panama : lieu stratégique pour empêcher la cocaïne d’arriver jusqu’au port d’Anvers (reportage 01/12/2021)

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Par Melanie Joris du service judiciaire

Ces derniers mois, plusieurs grosses opérations de police ont eu lieu à Bruxelles, Liège et Anvers. Objectif : mettre un coup d’arrêt au trafic de cocaïne dans notre pays. Cette drogue n’est pas produite chez nous, elle est importée d’Amérique latine et passe très souvent par le port d’Anvers. Nous sommes remontés jusqu’au pays de transit de la drogue, le Panama, pour observer le travail des douaniers qui tentent de trouver la cocaïne avant qu’elle n’ait pris le large. Reportage.

Chaque année, huit millions de containers transitent par le canal de Panama qui fait la jonction entre l’Atlantique et le Pacifique. Le Panama partage également une frontière avec la Colombie, grand producteur de cocaïne. Ce lieu de passage est donc très prisé par les organisations criminelles qui n’hésitent pas à glisser des tonnes de drogue dans ces containers qui ont parfois pour destination l’Europe et le port d’Anvers. Cela constitue un réel défi pour les douanes du pays.

Les douanes ne peuvent pas contrôler tous les containers qui transitent par les cinq ports du pays. Pour être efficace, il faut mener une analyse de risques qui permet d’identifier les cargaisons suspectes. Ce matin-là, dans le port de Balboa, un container passe à travers un scanner. Dans une cabine, la responsable des scanners a les yeux rivés sur ses écrans de contrôle : "Ici, on voit qu’il y a des taches plus sombres qui apparaissent sur le scanner. La marchandise qui est plus au fond est différente des autres, c’est quelque chose qui est potentiellement suspect", nous décrit Itzy Maria De La Cruz Ortiz, superviseur des scanners.

Lorsqu’une inspection approfondie est nécessaire, le scellé du container est brisé
Lorsqu’une inspection approfondie est nécessaire, le scellé du container est brisé © Mélanie Joris

Sur base de cette analyse, la décision est prise de soumettre le container à l’inspection. Il est donc dirigé vers une aire de déchargement. Un représentant des douanes est présent ainsi qu’un représentant du navire qui transporte ce container. Le scellé est coupé à la pince et des gros bras se chargent de décharger plusieurs caisses. Certains disparaissent jusqu’au fond du container pour atteindre les zones qui étaient apparues plus sombres au scanner.

Des méthodes pour détecter les containers suspects

Ici, le contenu des caisses déchargées correspond à ce qui était déclaré dans les documents fournis aux douanes. Pas de cocaïne, fausse alerte donc. Ce défilé de containers amenés à l’aire de déchargement se poursuit toute la matinée sous le regard d’une délégation du Programme de Contrôle de Containers (CCP) des Nations Unies.

Le contenu d’un container est déchargé pour inspection
Le contenu d’un container est déchargé pour inspection © Mélanie Joris

Les douaniers qui procèdent à ces inspections ont été formés par ce programme présent dans plus de vingt pays d’Amérique latine et un peu partout dans le reste du monde.

Bob Van Den Berghe est le directeur adjoint de ce programme. Cet ancien policier belge a longtemps travaillé en Belgique avant de rejoindre l’ONU. Il a vécu pendant plusieurs années au Panama, un pays qu’il connaît bien : "Le canal de Panama est une autoroute maritime. Notre but est d’y établir des unités mixtes composées de douaniers et de policiers. Nous les entraînons à cibler des containers à risque", détaille-t-il.

Les douaniers apprennent à identifier les routes suspectes, à repérer des cachettes dans les containers, à reconnaître un scellé qui aurait été manipulé. Toute cette expertise leur permet d’obtenir des résultats dans la guerre contre la drogue.

105 tonnes de drogue saisies en 2021 au Panama

Une collaboration soulignée et appréciée par la directrice générale des douanes Tayra Ivonne Barsallo qui avance une série de chiffres avec fierté : "Nous avons cinq ports au Panama, trois du côté atlantique et deux du côté pacifique. Nous disposons de seize scanners répartis dans nos ports et nos aéroports. Et cette année, nous avons déjà saisi 105 tonnes de drogue dont 78 tonnes de cocaïne. C’est une année record".

Un record qui doit toutefois être mis en perspective. Les contrôles sont certes plus efficaces, mais les quantités de drogue en circulation dans le monde ont aussi fortement augmenté.

Chaque année, 8 millions de containers transitent par le Canal de Panama
Chaque année, 8 millions de containers transitent par le Canal de Panama © Mélanie Joris

La directrice des douanes poursuit : "Cette guerre contre la drogue doit être partagée avec d’autres pays. Si nous gagnons notre combat contre le crime organisé, ce n’est pas uniquement une victoire pour le Panama. Tout le monde y gagne", souligne-t-elle avant d’ajouter : "On fait notre part du travail avec des ressources limitées, mais on est très optimiste. On croit en ces hommes et ces femmes qui travaillent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour éviter que des pays comme les vôtres, en Europe, ne reçoivent des substances illégales ou des contrefaçons".

Collaborer pour mieux combattre les organisations criminelles

La collaboration et la formation des douaniers se font donc avec des organisations comme les Nations Unies. Cette collaboration existe aussi entre l’Europe et les pays sources de la drogue et les pays de transit comme le Panama. C’est une des missions suivies par Chris Hoornaert, l’ambassadeur de l’Union européenne au Panama.

Chris Hoornaert, ambassadeur de l’UE au Panama et Bob Van Den Berghe, directeur adjoint du CCP.
Chris Hoornaert, ambassadeur de l’UE au Panama et Bob Van Den Berghe, directeur adjoint du CCP. © Mélanie Joris

Ce Belge travaille avec les autorités du pays pour développer toute une série de programmes qui doivent rendre l’État plus fort et plus stable. "Il faut investir dans les institutions et dans les ressources humaines", déclare-t-il.

Quant au trafic de drogue, l’ambassadeur rappelle qu’il est très important d’agir à la source avant que la cocaïne n’ait pris la mer, direction l’Europe. "Il faut travailler au début de la chaîne pour éviter que le problème ne se propage en Europe. Il s’agit non seulement d’un problème pour la santé de notre propre population, mais aussi parce que cela génère de la criminalité", résume-t-il.

Respecter l’État de droit

Le Programme de Contrôle de Containers (CCP) ne se limite pas à la formation des douaniers dans les pays sources et de transit de la drogue. Le Programme vise aussi à entretenir des liens privilégiés avec les autorités de ces pays. Bob Van Den Berghe, directeur adjoint du CCP : "On veut stimuler l’échange d’expériences, mais aussi l’échange d’informations. Le but est d’intensifier la communication entre les pays sources et les pays de destination comme, par exemple, la Belgique avec le port d’Anvers, de Zeebrugge, le port de Gand", décrypte-t-il.

Pour ce faire, le directeur adjoint du Programme de Contrôle de Containers effectue beaucoup de déplacements aux quatre coins du monde. Lors de son passage au Panama, il en a profité pour rendre visite au procureur général Javier Caraballo, récemment entré en fonction.

Nous avons mis fin à l’inaction

Ancien procureur dédié aux dossiers drogue, l’homme connaît bien le problème. "Ces dernières années, nous avons mis fin à l’inaction", observe-t-il. Cela n’est pas sans conséquence. Le Panama a connu quelques faits divers très violents liés aux cartels de la drogue ces dernières semaines.

Quant à savoir si la police et la justice n’ont pas toujours une guerre de retard sur les trafiquants, la réponse du procureur général Javier Caraballo est claire : "Ces groupes criminels disposent de moyens financiers importants. Nous, nous avons des règles et des lois à respecter quand nous nous confrontons à eux. Et c’est précisément ce qui nous différencie de ces groupes. En obéissant à ces règles et ces principes légaux, nous faisons prévaloir l’état de droit".

Le combat contre les narcotrafiquants se poursuit inlassablement. Chaque année, huit millions de containers passent par le canal de Panama. On estime généralement que deux pourcents d’entre eux sont contrôlés.

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