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Santé physique

Cancer : ne confiez pas vos seins à n’importe qui

Cancer du sein : Mieux soigné dans un centre agréé

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C’est un message de santé publique essentiel et détonnant que fait passer le KCE, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé, sur la base d’une étude relative à la prise en charge du cancer du sein en Belgique. "Les cliniques du sein agréées font-elles la différence ?", interroge le KCE.

La réponse est claire et nette : oui, les femmes atteintes d’un cancer du sein qui consultent une clinique agréée ont une chance de survie supérieure à celles qui se rendent dans un hôpital non reconnu pour ce type de spécialité. A l’inverse, confier ses seins à un hôpital non agréé pour la prise en charge de ce type de cancer augmente significativement le risque de mortalité.

Un nombre minimal de nouveaux diagnostics par an

Depuis 2007, un arrêté royal définit les critères auxquels un hôpital doit répondre pour être reconnu "clinique du sein". Mais malgré ces normes (un volume minimal de nouveaux diagnostics de cancer et d’interventions chirurgicales par an pour cette maladie), les patientes peuvent toujours être traitées dans n’importe quel hôpital, agréé ou pas.

A l’heure actuelle (et depuis 2013), on distingue ainsi :

  • Les cliniques coordinatrices : 125 nouveaux diagnostics de cancers du sein par an ;
  • Les cliniques satellites : 60 nouveaux diagnostics par an ;
  • Les sites sans reconnaissance officielle (qui utilisent parfois de façon abusive l’appellation "clinique du sein").

A noter que l’agrément pour le cancer du sein est octroyé au niveau du site et non au niveau de l’hôpital. Et un hôpital peut comporter plus d’un site.

La Belgique comptait ainsi au 1er septembre 2022, 51 cliniques du sein coordinatrices et 20 cliniques du sein satellites agréées.

A Bruxelles, où l’incidence du cancer du sein est très élevée, il existe une forte concentration de cliniques coordinatrices. En revanche, en province du Luxembourg, il n’existe aucune clinique du sein agréée.

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Une femme sur 5 traitée dans un centre non reconnu

Le KCE a donc voulu savoir s’il existait une relation entre le fait de consulter une clinique du sein agréée et la survie des patientes atteintes d’un cancer du sein invasif ; de même, s’il existait une relation entre le volume d’activité du site et la survie des patientes.

Le Centre a ainsi réalisé une importante étude, basée sur la prise en charge de 50.000 femmes atteintes d’un cancer du sein en Belgique. Il a puisé dans les données fournies par le Registre du Cancer. Il les a croisées et couplées aux données de facturation de l’assurance maladie, aux données des hôpitaux et aux données sur le statut vital.

Il a classé les résultats selon les types de cliniques et leur volume minimal de nouveaux diagnostics.

Les résultats sont sans appel : en 2018, une femme sur 5 a été traitée dans un centre non reconnu et a couru un risque de décès plus élevé qu’une autre femme traitée dans une clinique coordinatrice agréée. Plus le volume d’activité est faible, plus le risque de mortalité augmente.

Ce risque augmente de 30% lorsque les femmes atteintes d’un cancer du sein invasif sont traitées dans un site hospitalier sans agrément et non dans une clinique coordinatrice. Il augmente même de 44% lorsqu’elles sont traitées sur un site hospitalier à faible volume (moins de 60 nouveaux diagnostics par an). Dans un centre à volume moyen (de 60 à 125 nouveaux diagnostics par an), le risque de mortalité est accru de 30%, par rapport à la prise en charge dans un site à volume élevé (plus de 125/an).

Donc, "oui, ça compte", résume Sabine Stordeur, l’une des directrices scientifiques du KCE, pointant la relation entre l’agrément du site hospitalier et le risque de mortalité dans le cancer du sein.

Il en va de même pour la qualité des processus de soins : les sites sans agrément avaient, d’après l’enquête, de moins bons résultats que les cliniques coordinatrices, par exemple, en termes de communication du stade de la tumeur, de décision sur le fait d’ajouter de la chimiothérapie à la chirurgie, ou de décision sur le curage additionnel des ganglions lymphatiques.

Une clinique du sein agréée sur 3 ne remplit pas les critères

Agréée ? Reconnue ? Encore faut-il continuer à remplir les critères, c’est-à-dire atteindre le volume d’activité réglementaire minimal. Or, en 2018, une clinique du sein agréée sur trois était en dessous de 125 nouveaux diagnostics par an (pour les cliniques coordinatrices) et 60 (pour les cliniques du sein satellites), pointe le KCE.

Quant aux sites non agréés, ils diagnostiquent en moyenne très peu de cancers du sein : 87% des 60 sites sans agrément n’atteignent pas un volume de 60 nouveaux diagnostics par an.

En conclusion, le KCE en appelle à des mesures adéquates : "Une prise en charge multidisciplinaire, globale et adaptée doit être proposée à toutes les personnes touchées par le cancer du sein, de la première suspicion de cancer au suivi post-traitement. Une réorganisation plus poussée s’impose et pourrait être réalisée dans le cadre des réseaux locorégionaux, ce qui permettrait d’assurer un bon équilibre entre la qualité des soins d’une part et la disponibilité et l’accessibilité régionales d’autre part. Les patientes atteintes d’un cancer du sein, les médecins généralistes et les autres prestataires de soins doivent pouvoir distinguer clairement les centres légalement reconnus comme cliniques du sein coordinatrices de ceux qui ne le sont pas".

Une réorganisation recommandée

Le Centre fédéral d’expertise des Soins de santé formule une série de recommandations adressées principalement au ministre fédéral des Affaires sociales et de la Santé publique, Frank Vandenbroucke, et aux ministres de la Santé des entités fédérées. "L’objectif est d’offrir des chances de survie optimales pour toutes les femmes ayant un cancer du sein et d’établir un équilibre entre la qualité et la proximité des soins", pointe l’équipe de recherche du KCE, responsable de cette étude.

"Cela passe par le fait de proposer une consultation oncologique multidisciplinaire pour toutes les femmes atteintes d’un cancer du sein, dans les cliniques du sein coordinatrices, pour proposer un plan de traitement et de chirurgie dans ces cliniques-là. Pour ce qui concerne la radiothérapie, le suivi…, cela peut se faire soit dans ces cliniques coordinatrices, soit dans les cliniques affiliées qui devront établir une convention de collaboration formelle avec les coordinatrices, et travailler sous leur supervision."

Le KCE recommande donc une surveillance de la qualité : des audits et des inspections, mais aussi le retrait de l’agrément, si le site ne répond plus aux critères. Une mesure jamais appliquée à ce jour.

Il insiste également sur la nécessité de la transparence sur la liste des sites agréés ou non. Cependant, le KCE n’a pas le pouvoir de décision sur la publication des résultats, site par site. Les données publiées ici étant anonymisées, tant pour les patientes que pour les établissements hospitaliers.

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Fin du remboursement dans les centres non agréés

Ni une, ni deux ! Sans attendre, le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Frank Vandenbroucke, a réagi de façon drastique : désormais, l'élaboration du plan de traitement (par une équipe multidisciplinaire) et la chirurgie liée à un cancer du sein ne seront plus effectués que dans les cliniques du sein agréées. Sur la base de cette étude détonnante du KCE, il a décidé que "désormais, les hôpitaux qui se décrivent comme des cliniques du sein sans disposer de cet agrément ne pourront plus compter sur le remboursement des traitements du cancer du sein", à savoir, donc, plan de traitement et chirurgie. Les traitements de suivi (chimiothérapie, radiothérapie) pourront continuer à être donnés dans les cliniques non agréées, à condition qu'il y ait une bonne communication entre les différentes institutions (agréée et non agréée). 

Le cancer le plus répandu en Europe

En Belgique, une femme sur sept développera un cancer du sein au cours de sa vie. Cela représente plus de 10.000 femmes par an. Cette pathologie est le cancer le plus répandu dans l’Union européenne. Elle représentait 13,3% de l’ensemble des nouveaux diagnostics de cancer en 2020, et même 28,7% des nouveaux diagnostics de cancer chez la femme. L’incidence en Belgique est la plus élevée de toute l’Union européenne, à savoir 194 pour 100.000 habitants. Le taux de mortalité chez nous par cancer du sein invasif est de 36,1 pour 100.000 habitants, soit également légèrement plus que la moyenne de l’Union.

Sur le même sujet : JP LaPremière (16/03/2023)

Cancer du sein : choisir une clinique agréée augmente les chances de survie (C. Biourge, LP 16/03/23)

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