Matin Première

Candidature de Bruges capitale européenne de la Culture : déversement de haine envers l’écrivaine Dalilla Hermans

L'oeil de Flandre

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Par Joyce Azar via

C’est la querelle politique qui agite le nord du pays en ce moment. La désignation de l’écrivaine Dalilla Hermans, comme ambassadrice de la candidature de Bruges comme capitale européenne de la Culture en 2030, mène à des débats houleux sur le wokisme de la part du Vlaams Belang et de la N-VA et à un déferlement d’attaques racistes. Explications.

Dalilla Hermans, écrivaine et metteuse en scène de 37 ans, est née au Rwanda. Adoptée à l’âge de deux ans par une famille flamande, elle s’est notamment fait connaître en 2014 après la publication d’un texte sur son expérience face au racisme en Flandre. Hermans est depuis devenue une célèbre figure médiatique. Elle est également chroniqueuse pour le quotidien De Standaard, et partage régulièrement son opinion sur les débats de société.

Début avril, elle a été désignée pour porter la candidature de la ville de Bruges comme capitale européenne de la Culture en 2030. Une nomination intervenue après une procédure en bonne et due forme lors de laquelle 10 candidats s’étaient présentés. Quatre d’entre eux ont été appelés à défendre leur projet devant un jury indépendant, issu du secteur culturel. Un jury qui a finalement sélectionné Dalilla Hermans. Le bourgmestre de Bruges et le collège des échevins ont par la suite approuvé cette décision. Mais ce choix s’est attiré les foudres de certains Flamands et a été dénoncé par deux partis.

Une décision "wokiste" selon le Vlaams Belang et la N-VA

Cette nomination locale a donc suscité de vives réactions, au-delà des frontières de la Venise du nord.

C’est d’abord le Vlaams Belang qui a dégainé. Alors que le bourgmestre CD&V, Dirk de Fauw, annonçait fièrement la nouvelle sur sa page Facebook, certains élus du parti d’extrême droite ont dénoncé ce qu’ils perçoivent comme "de l’extrémisme woke et du racisme anti-blanc". Des propos qui ont à leur tour mené à un déversement de commentaires haineux et racistes. À tel point que le bourgmestre a dû rappeler que de telles réactions sont punissables par la loi. Il a dans la foulée, souligné que Bruges était une ville ouverte et tolérante, et qu’il fera tout pour qu’elle le reste. Dalilla Hermans s’est quant à elle exprimée via son compte Instagram, expliquant qu’il était très difficile d’être la cible de méchancetés et de racisme, mais qu’au final, cela ne faisait que renforcer sa motivation.

L’écrivaine devra se battre face à plusieurs partis car le Vlaams Belang n’est pas le seul à dénoncer une décision "wokiste" de la ville de Bruges. D’après le journaliste du Standaard, Jeroen Struys, c’est d’ailleurs assez inédit que des responsables politiques se mêlent à ce point d’une nomination qui a lieu au sein d’une administration locale. Car la N-VA s’est, elle aussi, montrée très critique. La députée flamande Maaike De Vreese a ainsi déploré que le mouvement woke s’imprégnait "trop profondément" à Bruges. Sur le plateau de l’émission Terzake, Bart De Wever a à son tour affirmé que Dalilla Hermans n’était pas, à ses yeux, la candidate adéquate. Une déclaration qui n’est pas vraiment étonnante, alors que le leader des nationalistes flamands vient justement de sortir un ouvrage consacré au wokisme.

Loading...

Le danger d’un duel entre partis anti-wokisme

La N-VA s’adonne de plus en plus souvent à ce genre de dénonciation.

En mars dernier, Nabilla Ait Daoud l’échevine anversoise N-VA de la Culture avait ainsi demandé au théâtre Aerenberg de retirer des photos représentant la diversité des habitants de la ville. Des photos qui avaient remplacé d’anciens portraits d’Anversois, mais qui, selon elle, tentaient d’effacer l’Histoire, sous l’influence woke. Plus récemment, le ministre de l’Enseignement Ben Weyts a également qualifié de "folie wokiste" une idée de la coupole des élèves flamands proposant d’adopter un langage plus inclusif dans les écoles.

Un 'vocable' qui pourrait se retrouver au cœur des débats lors de la prochaine campagne électorale en Flandre ?

Ce qui est sûr, c’est que les réactions négatives à l’encontre de la nomination de Dalilla Hermans illustrent une nouvelle sorte de bras de fer entre les deux grands partis flamands que sont le Vlaams Belang et la N-VA. En s’attaquant au wokisme, Bart De Wever espère clairement piquer des voix à son principal rival. Mais d’après de nombreux observateurs, il risque dans la foulée de renforcer encore plus la droite radicale, comme ce fut d’ailleurs le cas lorsque la N-VA s’était emparée du thème de la migration.

Dans le cas d’un duel entre partis anti-woke, c’est le Belang qui risque bien de l’emporter, car il osera toujours aller plus loin… Parallèlement à une éventuelle victoire de l’extrême droite, un autre danger se profile : celui d’une cancel culture faisant graduellement taire les voix de la diversité, et permettant les attaques personnelles et racistes au nom de la lutte contre le wokisme.

Recevez chaque vendredi l'essentiel de Matin Première

recevez chaque semaine une sélection des actualités de la semaine de Matin Première. Interviews, chroniques, reportages, récits pour savoir ce qui se passe en Belgique, près de chez vous et dans le monde.

Articles recommandés pour vous